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DERECHOS


14avr04

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La question de l'impunité en Espagne et les crimes franquistes


Table des matières :

Introduction.

I.- L'illégalité du régime franquiste : Insurrection armée contre un gouvernement légitime et violation de l'ordre juridique en vigueur.

II.- Les Nations Unies déclarent que le régime franquiste, en raison de son origine, sa nature, sa structure et son comportement général, est un régime fasciste calqué sur les « Puissances de l'Axe ».

III.- Les crimes de la répression franquiste font partie du contexte européen et leur caractérisation provient du droit émanant de Nuremberg.

IV.- Le non-respect des droits des victimes et des familles des victimes de la répression franquiste fait partie du contexte d'impunité existant à l'heure actuelle en Espagne. V.- Conclusions

VI.- Plan d'action

Les organisations qui ont présenté ce document.


Introduction.

Ces dernières années, la société espagnole a commencé à s'intéresser de manière évidente à la situation des victimes de la répression franquiste et ce phénomène s'est traduit par l'apparition de nombreuses associations en rapport avec ces faits.

Malgré le nombre d'années qui se sont déjà écoulées, quiconque se penche sur la question des victimes, de leur mémoire et sur la question des droits de l'homme remarquera que l'État les a laissés de côté.

Grâce au discours des droits de l'homme, il est possible de faire face à cette réalité et d'exiger de l'État la justice nécessaire afin de mettre un terme à cette situation, où règne l'oubli, la négligence et l'impunité, à laquelle cette question a été réduite, la plupart du temps intentionnellement.

Le droit de savoir ce qu'il est advenu des victimes de la répression franquiste en Espagne n'est pas seulement le droit de savoir ce qu'il s'est passé -- le droit à la vérité --, dont jouit une victime particulière ou un de ses parents ou amis. Le droit de savoir est également un droit collectif qui puise son origine dans l'histoire, afin d'empêcher qu'à l'avenir ces violations se reproduisent.

En contrepartie, le « devoir de mémoire», incombe à l'État et sert à empêcher que l'Histoire soit altérée par des courants connus sous les noms de révisionnisme ou négationnisme; la connaissance par un peuple de l'histoire de son oppression appartient à son patrimoine et, comme telle, doit être préservée.

Tels sont les objectifs principaux du droit de savoir en tant que droit collectif, tel qu'il est exprimé dans ce document des Nations Unies du 2 octobre 1997 -- E/CN.4/Sub.2/1997/20/Rev.1, intitulé: «Question de l'impunité des auteurs des violations des droits de l'homme (civile et politiques)».

Alors qu'aujourd'hui les modèles d'impunité imposés dans d'autres pays, comme en Argentine ou au Chili, ont perdu leur légitimité et leur légalité, nous estimons opportun que l'État espagnol, en partie responsable de l'apparition de ces modèles, prenne en charge son propre problème, que nous appelons le «modèle espagnol d'impunité», et qu'il mette fin à ce modèle de manière démocratique et avec tout le respect dû aux victimes, tout en gardant bien à l'esprit que l'objectif est la consolidation des libertés civiles et des droits de l'homme.

Il est inconcevable qu'un État de droit reste silencieux sur ces questions et que ses représentants minimisent la situation des personnes qui firent l'objet de représailles, qui furent emprisonnées, assassinées, qui disparurent, qui furent internées dans des camps de concentration franquistes et nationaux-socialistes, qui périrent dans les camps d'internement français ou qui subirent l'exil et le bannissement.

Il est également inconcevable que les familles des victimes, qui ont vu passer les années de démocratie dans le silence et l'humiliation, voient leur vie s'écouler peu à peu sans qu'ils connaissent le destin de ceux qui furent victimes des actes d'extermination planifiés et que, alors qu'elles disposent des informations historiques, ces personnes ne puissent pas procéder à la récupération des restes des victimes de manière légale et légitime et avec les honneurs qui leur sont dus. Comble de l'absurdité juridique: certains juges refusent d'appliquer les lois en vigueur et, souvent, aucun avocat n'est disposé à venir en aide à ces familles.

De même, des lois et des mesures juridiques appropriées doivent être adoptées pour mettre un terme à cette situation absurde qui a rendu possible le changement des causes de décès dans les archives des registres civils. Cette pratique était destinée à cacher aux familles, par le biais de procédures légales grossières, ce qu'il s'était réellement passé dans les zones rurales, où des populations civiles furent exterminées et pillées, dans le but de s'approprier leurs biens et d'humilier les survivants en les plongeant dans la faim et la pauvreté.

Il est également nécessaire d'aborder, en rendant la justice et la vérité, la question de ces enfants qui furent envoyés hors d'Espagne pour être protégés de l'avancée du régime fascisteet la question de ces enfants qui furent adoptés et, par conséquent, séparés de leur famille, et à qui leur changement de prénom et de nom ne fut pas dévoilé, tout ceci au nom du salut politico-religieux.

Il faut aussi prendre les mesures nécessaires pour que les fosses qui renferment les corps des soldats de l'armée régulière soient ouvertes dans le respect des lois internationales ou des lois que la société espagnole pourrait se donner, afin que tout le monde se souvienne de ces évènements tels qu'ils se sont réellement déroulés.

Il est nécessaire de comprendre que justice et revanche sont deux concepts opposés. Il ne faut pas faire une comparaison perverse entre le concept de justice et celui de revanche, car cette considération permet de considérer l'oubli comme l'une des bases des règles de droit. Aucune société ne peut survivre en ignorant sa propre histoire, aussi horrible puisse-t-elle être.

Ce rapport ne prétend pas être la réponse à la question de l'impunité, mais bien une approche de cette question et des problèmes qui restent à résoudre. Ce rapport sert également à donner aux victimes et aux familles abandonnées par les institutions de l'État espagnol, par les partis politiques et par la société civile - qui ont tous préféré adopter une attitude amnésique - une base pour analyser cette question et pour en discuter.

Le sujet des droits de l'homme et des libertés civiles ne s'est pas encore remis de la perte de libertés qu'a représenté le soulèvement national de Franco.

Ce processus d'oubli peut mener à ce que les gens acceptent que le système de droit international des Nations Unies soit mis en doute, à ce qu'ils acceptent le concept de guerre préventive ou à ce qu'ils considèrent le terrorisme comme une fiction juridique, permettant de cette manière l'instauration d'un état d'exception généralisé.

Et l'histoire contemporaine espagnole nous a montré que tout ceci est parfaitement possible.


I. L'illégalité du régime franquiste: insurrection armée contre un gouvernement légitime et violation de l'ordre juridique en vigueur.

Les origines et la nature du régime franquiste furent clairement définies par l'Assemblée générale des Nations Unies dans ses premières résolutions au moment où elle a dû expliquer pourquoi elle n'admettait pas l'état franquiste au sein des Nations Unies, comme nous le verrons plus en détail ci-dessous.

La résolution adoptée à l'unanimité le 9 février 1946 [Res. 32(I)] par l'Assemblée générale des Nations Unies fait sienne la déclaration de Potsdam, aux termes de laquelle le gouvernement espagnol, « [...] ayant été fondé avec l'appui des puissances de l'Axe, ne possède pas, en raison de ses origines, de sa nature, de ses antécédents et de son étroite association avec les Etats agresseurs, les titres nécessaires pour justifier son admission».

De même, la résolution de l'Assemblée générale 39(I) du 12 décembre 1946 dispose ce qui suit:

    «Convaincue que le gouvernement fasciste de Franco en Espagne, qui a été imposé par la force au peuple espagnol, avec l'appui des Puissances de l'Axe, et qui a fourni une aide matérielle aux Puissances de l'Axe dans la guerre, ne représente pas le peuple espagnol…»

    [AG Res. 39(I), Cinquante-neuvième séance plénière, le 12 décembre 1946]

Parmi les premiers actes législatifs du gouvernement légitime de la République figure un Décret du 15 avril 1931, paru dans la Gaceta [aujourd'hui appelé Boletin Oficial del Estado (BOE)] du 16 avril de la même année« qui dispose que le Code pénal de 1928 ainsi que les Décrets-lois de la Dictature, qui établirent ou modifièrent la définition des délits ou la fixation des peines, sont abrogés, ne sont plus en vigueur et n'ont plus d'effets».

La raison de cette disposition est exprimée dans ce Décret comme suit:«Étant donné qu'il fut l'un des plus grands excès de la dictature, contraire aux principes de base de la culture juridique…le gouvernement de la République, ayant reconnu les protestations presque unanimes de l'opinion publique au sujet de cette atteinte à la liberté et aux principes légaux […] » décrète l'abrogation du Code pénal de 1928.

Par un autre Décret du 15 avril 1931, le gouvernement légitime de la République procède à la dissolution des milices connues sous le nom de «Somatenes», les déclarant «soldats irréguliers, indûment et tendancieusement armés».

Le Décret du 2 mai 1931, publié dans la Gaceta du 3 mai, amende plusieurs articles du Code pénal ordinaire de 1870 et des codes pénaux de l'armée et de la marine.

En ce qui concerne les articles 181, 243 et 280 du CP de 1870, l'article 6 de ce Décret dispose ce qui suit :

    «Art. 181. Est coupable de délit contre la forme de gouvernement établie en Espagne toute personne qui se livrerait à des actes ou à des conduites directement destinés à poursuivre par la force ou par des moyens illégaux l'un des objectifs suivants :
      1. Remplacer le gouvernement républicain par un gouvernement monarchique.

      2. Priver en tout ou partie les organes législatifs ou le chef de l'État des prérogatives et pouvoirs qui sont de leur compétence.

      3. Modifier le système d'élection du président de la République.

      4. Priver le gouvernement provisoire de la faculté de gouverner l'État espagnol jusqu'à ce que l'Assemblée constituante détermine les normes politiques pour élire un président de la République et jusqu'à ce que celui-ci soit désigné.»

    «Art. 243. Est coupable de rébellion toute personne qui s'insurgerait publiquement et hostilement contre le gouvernement dans l'un des buts suivants :

      1. Destituer le chef de l'État ou déposer le gouvernement provisoire de la République, ou les priver de leur liberté personnelle ou les obliger à exécuter un acte contre leur volonté. (…)

      5. Détourner la Nation, ou une partie de la Nation, ou un corps de l'armée de terre ou la marine, ou quelque autre genre de force armée, de l'obéissance au gouvernement suprême.

      6. Utiliser ou exercer à ses propres fins les pouvoirs des ministres de la République, les priver de leurs pouvoirs constitutionnels, empêcher ou entraver le libre exercice de ces pouvoirs.» (…)

    «Art. 8. L'article 237 du code de justice militaire en vigueur dispose comme suit:

    «Art. 237. Est coupable de délit de rébellion militaire toute personne armée qui s'insurge contre la Constitution de l'État républicain, contre le président de la République, contre l'Assemblée constituante, contre les deux Assemblées législatives ou contre le gouvernement provisoire et légitime, quand ce délit est confirmé par l'une des circonstances suivantes:

    Premièrement. Les insurgés reçoivent leurs ordres de militaires ou bien ce mouvement est initié, soutenu ou assisté par des forces de l'armée.

    Deuxièmement. Ils constituent un groupe militaire organisé, composé de dix individus ou plus.

    Troisièmement. Ils forment un groupe de moins de dix individus, mais il existe des groupes ou des forces qui partagent le même objectif dans d'autres endroits de la Nation.

    Quatrièmement. Ils s'opposent aux forces de l'armée avant ou après que l'état de guerre soit déclaré.

    Art. 9. L'art. 128 du Code pénal en vigueur de la marine de guerre dispose comme suit:

    «Art. 128. Le personnel de la marine qui s'insurgerait collectivement contre la Constitution de l'État républicain, contre le président de la République, contre l'Assemblée constituante, contre les deux Assemblées législatives ou contre le Gouvernement provisoire et légitime, sera puni…»

Le 9 décembre 1931 est promulguée la Constitution de la seconde République qui renferme dans son titre préliminaire les principes de liberté, de justice et d'égalité d'un système démocratique.

En outre, son article 6 dispose que: «L'Espagne renonce à la guerre en tant qu'instrument de politique nationale ».

Son article 7 dispose également que: «L'État espagnol respectera les normes universelles du droit international, en les incorporant à son droit positif».

Par la loi du 27 octobre 1932 (Gaceta du 5 novembre 1932, Ar 1408), le Code pénal révisé fut promulgué conformément à la Loi-cadre du 8 septembre 1932.

Le Chapitre Premier du Titre Premier (Délits contre la sécurité extérieure de l'État), du Livre Second (Délits et Peines) traite des Délits de Trahison.

Dans la Section Troisième du Chapitre Premier du Titre Second sont repris les «Délits contre la forme de gouvernement» (arts. 167 à 173).

L'Art. 167 dispose comme suit:

    «Est coupable de délit contre la forme de gouvernement établie par la Constitution toute personne qui exécuterait quelconque type d'actes directement destiné à poursuivre, par la force ou par des moyens illégaux, l'un des objectifs suivants:
      1. Remplacer le gouvernement républicain établi par la Constitution par un gouvernement monarchique ou par un autre gouvernement anticonstitutionnel.

      2. Priver en tout ou partie les organes législatifs ou le chef de l'État des prérogatives et pouvoirs qui sont de leur compétence. »

Et l'art. 170 stipule ce qui suit:

    «Toute personne armée qui s'insurgerait publiquement et hostilement afin de commettre l'un des délits prévus par l'article 167, se verra infliger les peines suivantes…».

Le Chapitre Premier du Titre Troisième réglemente le délit de rébellion (arts. 238 à 244)

Conformément à l'art. 238,

    «Est coupable de rébellion toute personne qui s'insurgerait publiquement et hostilement contre le gouvernement constitutionnel dans l'un des buts suivants:
      1. Destituer le chef de l'État ou l'obliger à exécuter un acte contraire à sa volonté.

      2. Empêcher la tenue d'élections au Parlement et au Sénat dans toute la République espagnole ou l'assemblée légitime du Parlement et du Sénat.

      3. Dissoudre le Parlement et le Sénat, les empêcher de délibérer ou obtenir par la force des décisions.

      4. Détourner la Nation, ou une partie de la Nation, ou un corps de l'armée de terre ou la marine, ou quelque autre genre de force armée, de l'obéissance au gouvernement.

      5. Utiliser et exercer à ses propres fins les pouvoirs des ministres de la République, les priver de leurs pouvoirs constitutionnels, empêcher ou entraver le libre exercice de ces pouvoirs.

En matière d'Ordre public, le gouvernement républicain promulgua la loi du 28 juillet 1933, «Nouvelle loi sur l'ordre public» (Gaceta du 30 juillet 1933. Ar 1111).

L'art. 58 de cette loi dispose que:

    «En état de guerre, les autorités militaires pourront adopter les mêmes mesures que les autorités civiles exposées dans les deux chapitres précédents, ainsi que les mesures autorisées par la présente loi et toute autre mesure nécessaire au rétablissement de l'ordre. Les autorités militaires feront tout particulièrement attention à ce que les officiers supérieurs et les commandants des forces qui transportent des prisonniers sous leur autorité ou sous l'autorité civile ou judiciaire les acheminent en toute sécurité jusqu'au point d'arrivée. Dans le cas contraire, les autorités prendront les mesures appropriées pour enquêter sur les erreurs et les infractions commises au cours de cette opération et pour les punir, quel que soit le grade de l'officier responsable de l'opération.»

Et l'art. 63 en matière de procédure dispose que:

    «En état d'urgence ou en cas de suspension des garanties constitutionnelles, serviront de tribunaux d'urgence les Audiencias provinciales [tribunaux de grande instance] composées d'une seule chambre et une ou plusieurs sections des instances supérieures composées de plusieurs chambres.»

En outre, «les tribunaux d'urgence ainsi constitués seront les seuls tribunaux compétents pour connaître des délits contre l'ordre public…» (art.64). «L'ordre des avocats désignera annuellement parmi ses membres des avocats qui devront intervenir devant ces tribunaux, en établissant un service d'avocats commis d'office, afin de pouvoir assurer la défense des accusés qui en font la demande.» (art.66)

Cela signifie que, même en cas de suspension des garanties constitutionnelles, le droit à un procès équitable et l'examen de ces procédures par des tribunaux ordinaires restent d'application.

Le 24 avril 1934, une amnistie fut promulguée (Gaceta du 24 et 25 avril 1934) pour, parmi d'autres délits et délits mineurs, «les délits contre la forme de gouvernement commis par des individus lors de l'exercice des droits individuels garantis par la Constitution», y compris pour le délit d'insurrection armée, prévu par l'art. 170 du CP de la République.

- À propos des victimes

Par conséquent, le coup d'État dirigé par le général Francisco Franco supposa une violation de l'ordre constitutionnel, de l'ordre juridique en vigueur, dont la légitimité était assurée par le principe de souveraineté populaire reconnu par la Constitution de la République.

Les lois de la République n'ont jamais été abrogées. Bien que le communiqué annonçant la fin de la guerre civile ait mis un terme à la République, il n'a pas mis fin à la légalité de cette dernière; en effet, le régime qui s'empara du pouvoir était illégal.

De même, dès le début des hostilités de la seconde guerre mondiale, le régime de Franco acquiert le statut de puissance de l'Axe et son illégalité au niveau interne le devient également au niveau international.


II. Les Nations Unies déclarent que le régime franquiste, en raison de son origine, sa nature, sa structure et son comportement général, est un régime fasciste calqué sur les « Puissances de l'Axe »

Depuis sa création, l'Organisation des Nations Unies a abordé la «question espagnole» comme un cas non résolu de l'après seconde guerre mondiale et le régime de Franco a été un motif de refus et une source d'inquiétude au sein de l'ONU.

Ce régime fut condamné au cours des conférences de Potsdam et de San Francisco et condamné à nouveau par l'Assemblée générale et le Conseil de sécurité de l'ONU.

Concrètement, la Résolution 32(I) du 9 février 1946 de l'Assemblée générale des Nations Unies dispose ce qui suit:

    «32(I). RELATIONS ENTRE LES MEMBRES DES NATIONS UNIES ET L'ESPAGNE

    1. L'Assemblée générale rappelle que la Conférence de San-Francisco a adopté une résolution aux termes de laquelle le paragraphe 2 de l'Article 4 du chapitre II de la Charte des Nations Unies ne pourra pas s'appliquer à des Etats dont les régimes ont été installés avec l'aide de forces militaires des pays qui ont lutté contre les Nations Unies tant que ces régimes seront au pouvoir.

    2. L'Assemblée générale rappelle que, à la Conférence de Potsdam, les Gouvernements du Royaume-Uni, des Etats-Unis d'Amérique et de l'Union soviétique, ont déclaré qu'ils n'appuieraient pas une demande d'admission aux Nations Unies du présent Gouvernement espagnol lequel, ayant été fondé avec l'appui des puissances de l'Axe, ne possède pas, en raison de ses origines, de sa nature, de ses antécédents et de son étroite association avec les Etats agresseurs, les titres nécessaires pour justifier son admission.

    3. L'Assemblée générale, faisant siennes ces deux déclarations, recommande aux Membres des Nations Unies de se conformer à la lettre et à l'esprit de ces déclarations dans la conduite de leurs futures relations avec l'Espagne.»

    Vingt-sixième séance plénière, le 9 février 1946.

La résolution 4 (1946) du 29 avril 1946 et la résolution 7 (1946) du 26 juin 1946 du Conseil de sécurité abordent à nouveau la question espagnole.

La première résolution établit la désignation d'un sous-comité pour examiner les déclarations faites devant le Conseil de sécurité concernant l'Espagne et pour procéder aux études qui apparaîtraient nécessaires, en vue de déterminer si la situation en Espagne a conduit à un désaccord entre nations et menace la paix et la sécurité internationales.

Par la résolution 7(1946), le Conseil décide de continuer à surveiller la situation en Espagne et de maintenir la question sur la liste des sujets don't il est saisi, et déclare que "l'enquête du Sous-Comité a pleinement confirmé les faits qui ont conduit à la condamnation du régime de Franco par les Conférences de Potsdam et de San Francisco".

Les 35e et 36e sessions plénières de l'Assemblée générale du 24 octobre 1946 traitent à nouveau la question espagnole dans les termes suivants:

    «La question espagnole.

    Je ne saurais manquer d'attirer l'attention de l'Assemblée générale sur la question espagnole qui résulte de l'existence en Espagne du régime fasciste imposé au peuple espagnol par l'intervention armée des Puissances de l'Axe.

    La question espagnole a sollicité à maintes reprises l'attention de divers organes des Nations Unies. Je n'ai pas besoin de vous rappeler la résolution qu'a adoptée à ce sujet l'Assemblée générale, dans la première partie de la présente session. Depuis lors, le Conseil de sécurité a discuté la question en détail et le Conseil économique et social l'a, lui aussi, plus d'une fois examinée à propos des problèmes qui lui ont été soumis.

    Il est probable que la tâche d'autres organes des Nations Unies et des institutions spécialisées sera rendue plus difficile par la question espagnole.

    Dans ces conditions, l'Assemblée générale, au cours de la présente session, peut rendre un service considérable aux organes et aux Etats Membres des Nations Unies en leur donnant des directives générales sur les relations qu'ils doivent entretenir avec le régime franquiste.

    Nous devons malheureusement constater qu'en dépit de la défaite de l'Allemagne et du Japon la domination fasciste en Espagne s'est maintenue sans changement. Il apparaît clairement que le régime franquiste, tant qu'il subsistera en Espagne, demeurera une cause permanente de méfiance et de désaccord entre les fondateurs des Nations Unies. J'espère, par conséquent, que ceux qui nous ont donné la victoire et la paix sauront aussi trouver le moyen de restaurer en Espagne la liberté et la démocratie.»

    Assemblée générale - Trente-cinquième séance plénière - Tenue le jeudi 24 octobre 1946 à 11 heures

Au cours de la séance plénière suivante, la question espagnole fait encore partie du débat général :

    «(…) L'inscription de la question espagnole à l'ordre du jour du Conseil fut demandée par le représentant de la Pologne, les 8 et 9 avril derniers. Au cours de la procédure, le Gouvernement belge fut amené, par des communications faites successivement en mai et en septembre, à contribuer à l'enquête ouverte sur le rôle du Gouvernement espagnol.

    Les informations que la Belgique fournit au Conseil visent surtout l'aide que le Gouvernement espagnol a apporté au traître Degrelle, l'un des principaux agents de l'Allemagne en Belgique, pour lui permettre d'échapper au sort qu'il méritait en raison de ses crimes politiques et de ses crimes de droit commun. Elles tendent à montrer que l'attitude de complicité du Gouvernement espagnol à l'égard des agents des Puissances de l'Axe pendant la guerre constitue un élément de trouble en Europe et une menace pour la sécurité.

    Le Gouvernement belge ne saurait demeurer indifférent au fait que les divers projets de résolution soumis au Conseil en vue de prendre des mesures positives sont jusqu'ici demeurés sans suite, n'ayant pas obtenu la majorité requise, et que l'affaire reste sans solution.

    La résolution adoptée à l'unanimité par l'Assemblée le 9 février fait sienne la déclaration de Potsdam, aux termes de laquelle le Gouvernement espagnol, ayant été fondé avec l'appui des Puissances de l'Axe, ne possède pas, en raison de ses origines, de sa nature, de ses antécédents et de son étroite association avec les Etats agresseurs, les titres nécessaires pour justifier son admission.

    La résolution recommande aux Membres des Nations Unies de se conformer à la lettre et à l'esprit de cette déclaration dans la conduite de leurs futures relations avec l'Espagne.

    Il est en vain de formuler des déclarations s'il ne doit en résulter aucun effet pratique. Semblable méthode ne saurait grandir le prestige de l'Organisation.

    Limitée dans ses initiatives par les dispositions de la Charte comme par les règles de la procédure, la délégation belge ne peut que présenter une proposition tendant à ce que l'Assemblée attire l'attention du Conseil de sécurité sur l'intérêt qu'il y a à prendre des dispositions concrètes, susceptibles de résoudre la question espagnole. Nous vous soumettrons une telle proposition au cours de la présente session (…).»

    Assemblée générale - Trente-sixième séance plénière - Tenue le jeudi 24 octobre 1946 à 16 heures

Par sa résolution 10 (1946) du 4 novembre 1946, le Conseil de sécurité décide de retirer la question espagnole de la liste des affaires dont il est saisi et de mettre à la disposition de l'Assemblée générale tous documents et archives relatifs à cette question.

L'Assemblée approuve la résolution 39(l) du 12 décembre 1946, qui affirme ce qui suit:

    «39 (l). Relations entre les Membres des Nations Unies et l'Espagne

    A San-Francisco, à Potsdam et à Londres les peuples des Nations Unies ont condamné le régime de Franco existant en Espagne et décidé qu'aussi longtemps que ce régime subsistera, l'Espagne ne pourra pas être admise comme Membre des Nations Unies.

    L'Assemblée générale, dans sa résolution du 9 février 1946, a recommandé aux Membres des Nations Unies de se conformer à la lettre et à l'esprit des déclarations de San-Francisco et de Potsdam.

    Les peuples des Nations Unies assurent la nation espagnole de leur sympathie constante et de l'accueil chaleureux qu'elle recevra lorsque les circonstances lui permettront d'être admise dans l'Organisation des Nations Unies.

    L'Assemblée générale rappelle qu'en mai et juin 1946, le Conseil de sécurité a procédé à une étude des mesures que les Nations Unies pourraient prendre ultérieurement à cet égard. Le Sous-Comité du Conseil de sécurité chargé de cette étude a conclu unanimement : |1|

      a) Par son origine, sa nature, sa structure et son comportement général, le régime franquiste est un régime fasciste calqué sur l'Allemagne nazie de Hitler et l'Italie fasciste de Mussolini et institué en grande partie grâce à leur aide.

      b) Au cours de la lutte prolongée menée par les Nations Unies contre Hitler et Mussolini, Franco, en dépit des protestations réitérées des Alliés, a fourni une aide très importante aux Puissances ennemies. Tout d'abord, par exemple, de 1941 à 1945, la Division bleue d'infanterie, la Légion espagnole des volontaires et l'Escadrille Salvadore ont combattu contre la Russie soviétique sur le front de l'Europe orientale. En second lieu, en été 1940, l'Espagne a pris Tanger en violation du statut international de cette ville et, du fait qu'elle entretenait une armée dans le Maroc espagnol, elle immobilisait des effectifs considérables de troupes alliées en Afrique du Nord.

      c) Des documents irréfutables établissent que Franco a été coupable, à côté de Hitler et de Mussolini, d'avoir fomenté la guerre contre les pays qui, au cours de la guerre mondiale, se sont finalement associés sous le nom de Nations Unies. Il a été prévu, dans le plan de cette conspiration, que la participation intégrale de Franco aux opérations de guerre serait différée jusqu'à un moment à déterminer d'un commun accord.

    L'Assemblée générale,

    Convaincue que le Gouvernement fasciste de Franco en Espagne, qui a été imposé par la force au peuple espagnol, avec l'appui des Puissances de l'Axe, et qui a fourni une aide matérielle aux Puissances de l'Axe dans la guerre, ne représente pas le peuple espagnol et rend impossible, tant qu'il restera au pouvoir en Espagne, la participation du peuple espagnol aux affaires internationales avec les autres peuples des Nations Unies;

    Recommande que l'on empêche le Gouvernement espagnol franquiste d'adhérer à des institutions internationales établies par les Nations Unies ou reliées à l'Organisation et de participer aux conférences ou autres activités qui peuvent être organisées par les Nations Unies ou par les institutions précitées, jusqu'à la formation, en Espagne, d'un gouvernement nouveau et acceptable.

    L'Assemblée générale,

    Désirant, en outre, que tous les peuples pacifiques, y compris le peuple espagnol, participent à la communauté des nations.

    Recommande que, si, dans un délai raisonnable, il n'est pas établi un gouvernement tenant son autorité du consentement des citoyens, qui s'engage à respecter la liberté de parole, de culte et de réunion, et à organiser sans délai des élections par lesquelles le peuple espagnol, libéré de toute contrainte ou intimidation, et sans considération de partis, puisse exprimer sa volonté, le Conseil de sécurité étudie les mesures adéquates à prendre pour remédier à cette situation;

    Recommande, dès maintenant, à tous les Membres des Nations Unies de rappeler de Madrid les ambassadeurs et ministres plénipotentiaires qu'ils y ont accrédités.

    L'Assemblée générale recommande en outre aux Etats Membres de faire rapport au Secrétaire général et à la prochaine Assemblée sur les mesures qu'ils auront prises en exécution de la présente recommandation.»

    Cinquante-neuvième séance plénière, le 12 décembre 1946

    1. Documents S/75 et S/76. [Retour]

Par la résolution 386(V) du 4 novembre 1950, l'Assemblée générale des Nations Unies décide «D'abroger la clause de la résolution 39 (I) adoptée le 12 décembre 1946 par l'Assemblée générale, aux termes de laquelle l'Assemblée recommandait aux Etats Membres de rappeler de Madrid leurs ambassadeurs et ministres» et «D'abroger la recommandation visant à empêcher l'Espagne d'adhérer à des institutions internationales établies par les Nations Unies ou reliées à l'Organisation (…)».

Cela signifie que la résolution de 1950 n'abrogeait pas pleinement celle de 1946. Les paragraphes relatifs à l'origine et à la nature du régime franquiste et à sa condamnation par les Nations Unies sont restés en vigueur. L'abrogation consistait simplement à laisser sans effet les mesures que l'Assemblée avait recommandées aux Etats Membres des Nations Unies.

Le fait d'avoir comparé le régime de Franco au régime nazi d'Hitler en Allemagne et au régime fasciste de Mussolini en Italie, et le fait d'avoir considéré que le régime franquiste était calqué sur les Puissances de l'Axe, eut pour conséquence que le régime de Franco reçut le même traitement juridique que celui accordé, à la fin de la seconde guerre mondiale, aux crimes commis par les Puissances européennes de l'Axe.

III.- Les crimes de la répression franquiste font partie du contexte européen et leur caracterisation provient du droit émanant de Nuremberg.

A) Obligation subsidiaire d'appliquer le Statut de Nuremberg, la doctrine émanant de ses jugements et les Principes de Nuremberg.

Le procès de Nuremberg ne représente pas tellement la fin d'une époque, mais le commencement d'une nouvelle époque, qui s'accompagne d'un nouveau droit international humanitaire et d'une mise en vigueur nouvelle des principes universels des droits de l'homme.

Mr Robert H. Jackson, qui fut juge de la Cour Suprême des États-Unis et procureur général américain au Tribunal militaire international de Nuremberg (TMI, 1945), prononce dans son discours inaugural ce qui suit :

«La manière dont un gouvernement traite son propre peuple ne regarde point les autres gouvernements ni les autres peuples. Mais les mauvais traitements infligés au peuple allemand par les nazis ont surpassé en barbarie et en cruauté tout ce que l'on peut imaginer. La civilisation moderne ne pouvait plus tolérer un tel état de choses. Si les autres nations avaient gardé le silence, elles se seraient faites les complices de ces crimes. (…)»

Les principes reconnus dans l'accord qui fut signé à Londres le 8 août 1945 par les États-Unis, la France, le Royaume-Uni et l'Union des Républiques Socialistes Soviétiques (cet accord sera ensuite également adopté par dix-neuf autres pays) et qui permit la création du Tribunal militaire international, sont connus officiellement sous le nom de «Principes de Nuremberg».

Le Tribunal Militaire International est régi par l'accord connu sous le nom de Statut de Nuremberg, qui intègre les principes à suivre en cas de crimes contre la paix et la sécurité de l'humanité.

L'art.1 dispose en ces termes :

«En exécution de l'Accord signé le 8 août 1945 par le Gouvernement Provisoire de la République Française et les Gouvernements des Etats-Unis d'Amérique, du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et de l'Irlande du Nord, et de l'Union des Républiques Socialistes Soviétiques, un Tribunal Militaire International (dénommé ci-après «le Tribunal») sera créé pour juger et punir de façon appropriée et sans délai, les grands criminels de guerre des pays européens de l'Axe.»

Cela signifie donc que le Tribunal était compétent pour juger les principaux criminels de guerre des pays européens de l'Axe.

Le 13 février 1946, l'Assemblée générale des Nations Unies adopta la résolution 3(1), dans laquelle elle prend acte de «la définition des crimes de guerre et des crimes contre la paix et contre l'humanité, telle qu'elle figure dans le Charte du Tribunal militaire international du 8 août 1945», c'est-à-dire, les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité figurant dans l'Art.6 et suivant du Statut, qui déclare en ces termes:

    « Article 6:Le Tribunal établi par l'Accord mentionné à l'article 1er ci-dessus pour le jugement et le châtiment des grands criminels de guerre des pays européens de l'Axe sera compétent pour juger et punir toutes personnes qui, agissant pour le compte des pays européens de l'Axe, auront commis, individuellement ou à titre de membres d'organisations, l'un quelconque des crimes suivants.

    Les actes suivants, ou l'un quelconque d'entre eux, sont des crimes soumis à la juridiction du Tribunal et entraînent une responsabilité individuelle :

      (a) LES CRIMES CONTRE LA PAIX : c'est-à-dire la direction, la préparation, le déclenchement ou la poursuite d'une guerre d'agression, ou d'une guerre en violation des traités, assurances ou accords internationaux, ou la participation à un plan concerté ou à un complot pour l'accomplissement de l'un quelconque des actes qui précèdent;

      (b) LES CRIMES DE GUERRE : c'est-à-dire les violations des lois et coutumes de la guerre. Ces violations comprennent, sans y être limitées, l'assassinat, les mauvais traitements et la déportation pour des travaux forcés ou pour tout autre but, des populations civiles dans les territoires occupés, l'assassinat ou les mauvais traitements des prisonniers de guerre ou des personnes en mer, l'exécution des otages, le pillage des biens publics ou privés, la destruction sans motif des villes et des villages ou la dévastation que ne justifient pas les exigences militaires;

      (c) LES CRIMES CONTRE L'HUMANITÉ : c'est-à-dire l'assassinat, l'extermination, la réduction en esclavage, la déportation, et tout autre acte inhumain commis contre toutes populations civiles, avant ou pendant la guerre, ou bien les persécutions pour des motifs politiques, raciaux, ou religieux, lorsque ces actes ou persécutions, qu'ils aient constitué ou non une violation du droit interne du pays où ils ont été perpétrés, ont été commis à la suite de tout crime rentrant dans la compétence du Tribunal, ou en liaison avec ce crime.

    Les dirigeants, organisateurs, provocateurs ou complices qui ont pris part à l'élaboration ou à l'exécution d'un plan concerté ou d'un complot pour commettre l'un quelconque des crimes ci-dessus définis sont responsables de tous les actes accomplis par toutes personnes en exécution de ce plan.»

Pour sa part, le secrétaire général des Nations Unies, Trygve Lie, suggère le 21 octobre 1946, dans son rapport complémentaire, que les Principes de Nuremberg soient adoptés comme une partie du droit international. Dans sa résolution 95(l) du 11 décembre 1946, l'Assemblée générale des Nations Unies accepta officiellement cette suggestion et en conséquence, «Confirme les principes de droit international reconnus par le statut de la Cour de Nuremberg, et par l'arrêt de cette Cour».

Les résolutions citées eurent comme résultat de consacrer universellement le droit créé dans le Statut et dans le jugement du Tribunal de Nuremberg. Leur entrée en vigueur en Espagne fut reconnue lors de la ratification de la Convention de Genève du 12 août 1949 relative au traitement des prisonniers de guerre (BOE du 5 septembre 1952 et du 31 juillet 1979), qui dans son art. 85 se référait aux «Principes de Nuremberg» approuvés par l'Assemblée générale des Nations Unies dans sa résolution du 11 décembre 1946.

La teneur littérale de la résolution 95(l) du 11 décembre 1946 susmentionnée est la suivante :

    «95 (l). Confirmation des principes de droit international reconnus par le statut de la Cour de Nuremberg.

    L'assemblée générale,

    Reconnait l'obligation qui lui incombe aux termes de l'Article 13, paragraphe 1, alinéa a, de la Charte, de provoquer des études et de faire des recommandations en vue d'encourager le développement progressif et la codification du droit international;

    Prend acte de l'Accord relatif à la création d'une Cour militaire internationale chargée de poursuivre et de châtier les grands criminels de guerre de l'Axe européen, Accord signé à Londres le 8 août 1945, ainsi que du statut joint en annexe; prend acte également du fait que des principes analogues ont été adoptés dans le statut de la Cour militaire internationale chargée de juger les grands criminels de guerre en Extrême Orient, statut promulgué à Tokyo, le 19 janvier 1946;

    En conséquence,

    Confirme les principes de droit international reconnus par le statut de la Cour de Nuremberg, et par l'arrêt de cette Cour;

    Invite la Commission chargée de la codification du droit international, créée par la résolution de l'Assemblée générale en date du 11 décembre 1946, à considérer comme une question d'importance capitale les projets visant à formuler, dans le cadre d'une codification générale des crimes commis contre la paix et la sécurité de l'humanité ou dans le cadre d'un Code de droit criminel international, les principes reconnus dans le statut de la Cour de Nuremberg et dans l'arrêt de cette Cour.»

    Cinquante-cinquième séance plénière,
    le 11 décembre 1946

De même, par sa résolution 177(II) du 21 novembre 1947, concernant la formulation des principes reconnus par le Statut et par les jugements du Tribunal de Nuremberg, l'Assemblée générale décida de confier cette formulation à la Commission du droit international et lui charge de:

    «a) Formuler les principes de droit international reconnus par le statut de la Cour de Nuremberg et dans l'arrêt de cette Cour, et

    b) Préparer un projet de code des crimes contre la paix et la sécurité de l'humanité, indiquant clairement la place qu'il convient d'accorder aux principes mentionnées au sous-paragraphe a) ci-dessus.»

La Commission, lors de sa première réunion en mai et juin 1949, formula les Principes et Crimes et les adopta en 1950 dans les termes suivants:

    «Principe premier Tout auteur d'un acte qui constitue un crime de droit international est responsable de ce chef et passible de châtiment.

    Principe II Le fait que le droit interne ne punit pas un acte qui constitue un crime de droit international ne dégage pas la responsabilité en droit international de celui qui l'a commis.

    Principe III Le fait que l'auteur d'un acte qui constitue un crime de droit international a agi en qualité de chef d'Etat ou de gouvernement ne dégage pas sa responsabilité en droit international.

    Principe IV Le fait d'avoir agi sur l'ordre de son gouvernement ou celui d'un supérieur hiérarchique ne dégage pas la responsabilité de l'auteur en droit international s'il a eu moralement la faculté de choisir.

    Principe V Toute personne accusée d'un crime de droit international a droit a un procès équitable, tant en ce qui concerne les faits qu'en ce qui concerne le droit.

    Principe VI Les crimes énumérés ci-après sont punis en tant que crime de droit international :

      a) Crimes contre la paix :

      i) Projeter, préparer, déclencher ou poursuivre une guerre d'agression ou une guerre faite en violation de traités, accords et engagements internationaux;

      ii) Participer à un plan concerté ou à un complot pour l'accomplissement de l'un quelconque des actes mentionnés à l'alinéa I;

      b) Crimes de guerre :

      Les violations des lois et coutumes de la guerre, qui comprennent, sans y être limitées, les assassinats, les mauvais traitements ou la déportation pour les travaux forcés, ou pour tout autre but, des populations civiles dans les territoires occupés, l'assassinat ou les mauvais traitements des prisonniers de guerre ou des personnes en mer, l'exécution des otages, le pillage des biens publics ou privés, la destruction perverse des villes ou villages ou la dévastation que ne justifient pas les exigences militaires;

      c) Crimes contre l'humanité : L'assassinat, l'extermination, la réduction en esclavage, la déportation ou tout autre acte inhumain commis contre toutes populations civiles, ou bien les persécutions pour des motifs politiques, raciaux ou religieux, lorsque ces actes ou persécutions sont commis a la suite d'un crime contre la paix ou d'un crime de guerre, ou en liaison avec ces crimes.

    Principe VII

    La complicité d'un crime contre la paix, d'un crime de guerre ou d'un crime contre l'humanité, tels qu'ils sont définis dans le principe VI, est un crime de droit international.»

Cette formulation des Principes de Nuremberg par la Commission du droit international considère la complicité dans des crimes contre la paix, dans des crimes de guerre et dans des crimes contre l'humanité comme un crime international, c'est-à-dire que la complicité dans un acte constituant un crime de droit international représente en soi un crime de droit international.

La confirmation du secrétaire général du caractère coutumier de ces instruments est contraignante pour tous les États en vertu de l'article 25 de la Charte des Nations Unies; le Conseil de sécurité a approuvé sans réserve le rapport du secrétaire général, reconnaissant que le Statut du Tribunal de Nuremberg faisait partie du droit coutumier international : «… La partie du droit international humanitaire conventionnel qui est sans aucun doute devenue partie du droit international coutumier est le droit applicable aux conflits armés qui fait l'objet des instruments suivants: […] le statut du Tribunal militaire international du 8 août 1945.» [Rapport du Secrétaire général établi conformément au paragraphe 2 de la résolution 808 (1993) du Conseil de sécurité, publié le 3 mai 1993 (S/25704) (Voir aussi S/Res. 827, 25 mai 1993, § 2]

Par conséquent, les États de la communauté internationale ont l'obligation erga omnes d'appliquer les principes émanant de Nuremberg, entre autres, parce que le simple fait d'être membre de l'Organisation des Nations Unies par acceptation de sa Charte implique l'acceptation des Principes de Nuremberg et l'obligation de les respecter, ces Principes faisant partie du droit international à caractère obligatoire, tant coutumier que conventionnel.

Dans le cas de l'Espagne, la primauté du droit international sur le droit interne est prévue par les arts. 10 et 96 de la Constitution espagnole de 1978. L'Article 10.2 de la Constitution dispose que«Les normes relatives aux droits fondamentaux et aux libertés que reconnaît la Constitution seront interprétées conformément à la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et aux traités et accords internationaux portant sur les mêmes matières ratifiés par l'Espagne».

De même, l'art. 96.1 dispose que «Les traités internationaux conclus de façon valable et une fois publiés officiellement en Espagne feront partie de l'ordre juridique interne. Leurs dispositions ne pourront être abrogées, modifiées ou suspendues que sous la forme prévue dans les traités eux-mêmes ou conformément aux normes générales du droit international».

B) Typologie des crimes de la répression franquiste.

Le Statut de Nuremberg classe les crimes commis par les puissances européennes de l'Axe de la manière suivante:

Article 6:

    «(…)

    (a) LES CRIMES CONTRE LA PAIX : c'est-à-dire la direction, la préparation, le déclenchement ou la poursuite d'une guerre d'agression, ou d'une guerre en violation des traités, assurances ou accords internationaux, ou la participation à un plan concerté ou à un complot pour l'accomplissement de l'un quelconque des actes qui précèdent;

    (b) LES CRIMES DE GUERRE : c'est-à-dire les violations des lois et coutumes de la guerre. Ces violations comprennent, sans y être limitées, l'assassinat, les mauvais traitements et la déportation pour des travaux forcés ou pour tout autre but, des populations civiles dans les territoires occupés, l'assassinat ou les mauvais traitements des prisonniers de guerre ou des personnes en mer, l'exécution des otages, le pillage des biens publics ou privés, la destruction sans motif des villes et des villages ou la dévastation que ne justifient pas les exigences militaires;

    (c) LES CRIMES CONTRE L'HUMANITÉ : c'est-à-dire l'assassinat, l'extermination, la réduction en esclavage, la déportation, et tout autre acte inhumain commis contre toutes populations civiles, avant ou pendant la guerre, ou bien les persécutions pour des motifs politiques, raciaux, ou religieux, lorsque ces actes ou persécutions, qu'ils aient constitué ou non une violation du droit interne du pays où ils ont été perpétrés, ont été commis à la suite de tout crime rentrant dans la compétence du Tribunal, ou en liaison avec ce crime.

On associe l'histoire du développement du concept de crime contre l'humanité à la seconde guerre mondiale et au Tribunal de Nuremberg, mais cette histoire remonte à une époque antérieure. Les horreurs commises lors des guerres du XIXe. siècle en Europe et les horreurs de la première guerre mondiale furent à l'origine d'une prise de conscience concernant certains actes contraires à l'essence même de l'être humain qui, de par leur nature, devaient être prohibés.

Ces crimes reçurent une reconnaissance légale il y a bien longtemps, en 1868, lors de la Déclaration de St-Pétersbourg sur l'usage de certains projectiles en temps de guerre entre les nations civilisées. Cette Déclaration cherchait à limiter l'utilisation de ces derniers, vu qu'elle les considérait «contraire aux lois de l'humanité». En janvier 1872, le Suisse Gustav Moynier proposa de constituer une Cour pénale internationale afin de prévenir les violations de la Convention de Genève de 1864 et de poursuivre les responsables des atrocités commises par les deux camps pendant la guerre franco-prussienne de 1870. Le concept de lois de l'humanité reçut ensuite une reconnaissance légale explicite lors de la première Conférence de La Haye de 1899, qui adopta à l'unanimité la clause de Martens en tant que partie du Préambule de la Convention de La Haye concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre.

A l'heure actuelle, la clause de Martens a été intégrée, presque sans modifications, à un grand nombre d'instruments de droit international humanitaire.

Les massacres perpétrés par l'empire ottoman contre les Arméniens en Turquie furent parmi les premiers crimes à être spécifiquement inclus dans la rubrique « crimescontre l'humanité». Lors d'une déclaration de la France, de la Grande Bretagne et de la Russie le 24 mai 1915, les massacres furent dénoncés en ces termes:

«(...) En présence de ces nouveaux crimes de la Turquie contre l'humanité et la civilisation, les gouvernements alliés font savoir publiquement à la Sublime Porte qu'ils tiendront personnellement responsables desdits crimes tous les membres du gouvernement ottoman ainsi que ceux de ses agents qui se trouveraient impliqués dans de pareils massacres.» [Archives du Ministère des Affaires Etrangères, Guerre 1914-1918, Turquie, tome 887, f. 127 - Document N#41]

La commission de la Conférence de la Paix de 1919 décida que les crimes contre l'humanité incluaient: les assassinats, les massacres, le terrorisme systématique, l'exécution d'otages, la torture de civils, le fait d'affamer délibérément des civils, le viol, l'enlèvement de femmes et d'enfants pour les forcer à la prostitution, la déportation de civils, l'emprisonnement de civils dans des conditions inhumaines, le travail forcé de civils lié à des opérations militaires ennemies et le bombardement intentionnel d'hôpitaux et de lieux sans défense.

Mais c'est seulement après la deuxième guerre mondiale, avec la création du Tribunal militaire international de Nuremberg, que la notion de crime contre l'humanité commencera à être définie. Le procureur général français au procès de Nuremberg, François de Menthon, le définit comme un «crime contre le statut d'être humain» motivé par une idéologie qui est «un crime contre l'esprit» visant à «rejeter l'Humanité dans la barbarie». C'est lors du procès de Nuremberg qu'eurent lieu les premiers jugements pour crime contre l'humanité.

Le Statut de Nuremberg, comme cela a été dit, définit les crimes contre l'humanité dans son article 6 (c).

L'art. 6 (c) du Statut du Tribunal de Nuremberg a été appliqué directement, non seulement par les tribunaux alliés après la seconde guerre mondiale, mais aussi:

    - en 1961, par la Cour de district de Jérusalem et par la Cour suprême d'Israël (affaire Eichmann, I.L.R., 36, pp. 39-42, 45-48, 288, 295);

    - en 1971, par les instances judiciaires du Bangladesh,pour demander l'extradition vers l'Inde d'officiers pakistanais «pour actes de génocide et crimes contre l'humanité» (I.C.J. Annuaire 1973-1974, p. 125);

    - en 1981, par la Cour de cassation des Pays-Bas dans l'affaire Menten ((N.Y.I.L. [Annuaire néerlandais du droit international], 1982, pp.401 et sqq.);

    - en 1983, par la Cour de cassation de France dans l'affaire Barbie, qui jeta les bases de l'application de l'art. 6 c) en usant des critères suivants (tous applicables en Espagne):

      a) Ces crimes «relèvent d'un ordre répressif international auquel la notion de frontières est fondamentalement étrangère».

      b) L'adhésion de la France à cet ordre répressif.

      c) La consécration, par la résolution 3(I) du 13 février 1946 de l'Assemblée générale des Nations Unies, de la définition de crimes contre l'humanité qui figure dans le Statut du Tribunal de Nuremberg.

      d)La recommandation des Nations Unies aux États, dans cette résolution, de poursuivre ou d'extrader les auteurs de ces crimes.

      e)La conformité de ces textes avec les arts. 15.2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques(et l'art. 7.2 de la Convention européenne des Droits de l'Homme), qui affirment que le principe de non-rétroactivité des lois pénales ne s'oppose pas à la poursuite et à la condamnation pour des faits «tenus pour criminels, d'après les principes généraux de droit reconnus par l'ensemble des nations» - art.15.2 susmentionné. Cette exception à la non-rétroactivité des lois pénales a été appliquée pour la poursuite pénale d'une personne accusée d'avoir détourné un avion; au moment où la personne a commis ce fait, il n'était pas punissable par le jus soli(Sri Lanka, Cr. of App., 28.5.1986, affaire Ekanayake, I.l.R., 87, p.298.);

    - en 1989, par la Cour supérieure de justice de l'Ontario (Canada), dans l'affaire Finta (10.5.1989, I.L.R., 82, 438 sqq.).

Par conséquent, les actes commis en temps de guerre ou de paix suivants, perpétrés de manière systématique ou sur une grande échelle, constituent des crimes contre l'humanité:

  • Le meurtre;
  • l'extermination;
  • la torture;
  • a réduction en esclavage;
  • a déportation;la persécution pour des motifs politiques, raciaux ou religieux;
  • l'emprisonnement arbitraire.

D'après D. Thiam, rapporteur spécial à la Commission du droit international des Nations Unies,

    «un acte inhumain commis contre une seule personne peut aussi constituer un crime contre l'humanité s'il s'inscrit dans un système ou s'exécute selon un plan, ou s'il présente un caractère de répétitivité qui ne laisse aucun doute sur les intentions de son auteur (…) Un acte individuel peut constituer un crime contre l'humanité s'il s'inscrit dans un ensemble cohérent et dans une série d'actes répétés et inspirés par le même mobile: politique, racial, religieux ou culturel.»

    [Annuaire de la Commission du droit international, 1989, Volume II, Première partie, p 95, §§ 60 et 62].

Dans le projet de code des crimes contre la paix et la sécurité de l'humanité, la Commission du droit international des Nations Unies explique que «manière systématique» signifie «en application d'un plan ou d'une politique préconçus»…La Commission attribue aux mots «commis sur une grande échelle» le sens de «dirigés contre une multiplicité de victimes». Cela donne deux conditions requises possibles; par conséquent, un acte peut constituer un crime contre l'humanité s'il remplit l'une de ces deux conditions.

De ce fait, tous les actes suivants, perpétrés systématiquement et sur une vaste échelle par la répression franquiste contre la population civile, constituent des crimes contre l'humanité:

a) L'extermination est un crime contre l'humanité qui est, par conséquent, punissable selon le droit international. L'extermination figure parmi les crimes contre l'humanité dans le Statut de Nuremberg (article 6 (c)), dans la Loi n° 10 (article II, paragraphe c) du Conseil de contrôle allié, organe suprême des alliés en Allemagne, loi sous laquelle se sont déroulés des procès sous les principes et la doctrine de Nuremberg contre d'autres responsables nazis de crimes contre la paix et l'humanité, dans le Statut du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (article 5) et pour le Rwanda (article 3), dans les Principes de Nuremberg (Principe VI c)), et dans les projets de code des crimes contre la paix et la sécurité de l'humanité de 1954 (article 2, paragraphe 11) et de 1996 (Article 18 (b)).

La Commission du droit international, dans son rapport de 1996, expliqua que le meurtre et l'extermination « ont trait à deux comportements criminels distincts mais étroitement liés, qui consistent à priver de la vie des êtres humains innocents. L'extermination est un crime qui, par nature, est dirigé contre un groupe d'individus. En outre, l'acte par lequel est commis le crime d'extermination comporte un élément de destruction de masse qui n'est pas exigé pour le meurtre. A cet égard, l'extermination est étroitement apparentée au crime de génocide, en ce sens que les deux crimes sont dirigés contre un nombre élevé de victimes. Le crime d'extermination, toutefois, s'applique à des situations différentes de celles que vise le crime de génocide. Il couvre les cas où un groupe d'individus n'ayant pas de caractéristiques communes serait massacré. Il peut aussi s'appliquer à des situations dans lesquelles certains membres d'un groupe seraient tués, tandis que d'autres seraient épargnés.»

Enfin, le Statut de Rome de la Cour pénale internationale adopté en 1998 inclut dans sa définition de l'extermination dans l'article 7.2 « le fait d'imposer intentionnellement des conditions de vie, telles que la privation d'accès à la nourriture et aux médicaments, calculées pour entraîner la destruction d'une partie de la population»;

b) Le meurtre systématique et à grande échelle constitue un crime contre l'humanité et est par conséquent punissable par le droit international et interne des états.

Le meurtre a été reconnu en tant que crime contre l'humanité depuis la première guerre mondiale, dans la Déclaration de la France, de la Grande Bretagne et de la Russie de 1915, et par la commission de la Conférence de la Paix de 1919. Depuis lors, le crime de meurtre a été classé dans les crimes contre l'humanité dans le Statut de Nuremberg (article 6 (c)), dans la Loi n° 10 (article II, paragraphe c) du Conseil de contrôle allié, dans le Statut du Tribunal International Militaire pour l'Extrême-Orient (article 5 (c)), dans le Statut du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (article 5(a)) et pour le Rwanda (article 3(a)), dans les Principes de Nuremberg (Principe VI (c)), et dans les projets de code des crimes contre la paix et la sécurité de l'humanité de 1954 (article 2, paragraphe 11) et de 1996 (Article 18).

Dans le projet de code des crimes [contre la paix et la sécurité de l'humanité], la Commission du droit international explique que «Le meurtre est un crime qui, dans le droit national de tous les États, a une signification claire et bien définie». Les différences conceptuelles présentes dans la définition du meurtre entre les différents systèmes nationaux de justice pénale entrainent parfois des confusions quant au fait d'inclure ou non le meurtre parmi les crimes contre l'humanité. La définition du meurtre en tant que crime comme l'humanité inclut les exécutions extrajudiciaires, qui sont des châtiments illégaux et intentionnels mise en œuvre sur ordre d'un gouvernement ou avec sa complicité ou son consentement. Ce type de meurtres est prémédité et constitue une violation des normes nationales et internationales. Néanmoins, le crime de meurtre ne requiert pas la préméditation de l'acte et implique la création de conditions dangereuses pour la vie humaine, qui ensuite conduiront sans doute à la mort.

Il existe des normes bien établies au niveau régional, national et international qui interdisent de priver arbitrairement quelqu'un de sa vie. L'article 15 de la Constitution espagnole stipule clairement: «Toute personne a le droit à la vie…». La protection contre le meurtre et la protection de l'intégrité physique sont garanties par le Code pénal espagnol dans ses articles 138 à 142. L'article 2, par. 1 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales impose une obligation aux Parties en disposant que « Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi».De même, l'article 3 de la Déclaration universelle des droits de l'homme établit que«Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne»; pareillement, l'article 6, par. 1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques stipule que «Le droit à la vie est inhérent à la personne humaine. Ce droit doit être protégé par la loi. Nul ne peut être arbitrairement privé de la vie».

Tel qu'indiqué dans ces dispositions, le droit à la vie est étroitement protégé par des normes internationales. De ce fait, le meurtre est une infraction pénale tant en droit international qu'en droit interne espagnol. Son caractère systématique le place dans la catégorie des crimes contre l'humanité et, à ce titre, n'est jamais prescriptible. Cela signifie que les meurtres et les exécutions extrajudiciaires perpétrés par les forces franquistes ne sont pas prescriptibles étant donné qu'ils entrent dans la catégorie des actes qui constituent des crimes contre l'humanité.

c) La torture est reconnue comme une violation du droit international coutumier depuis environ un siècle.

La Commission des responsabilités des auteurs de la guerre et des sanctions (Commission on the Responsibility of the Authors of the War and on Enforcement of Penalties) reconnaissait déjà la torture en tant que crime contre l'humanité dans le rapport de 1919 de la commission de la Conférence de la Paix. Au terme de la deuxième guerre mondiale, le concept de «crimes contre l'humanité» a été développé de manière concrète lors du procès de Nuremberg. Même s'il n'était pas fait explicitement mention de la torture dans la définition de crimes contre l'humanité donnée par le Tribunal militaire international de Nuremberg et de pour l'Extrême-Orient ("Tribunal de Tokyo"), les accusés furent jugés et condamnés pour des faits de torture, «acte inhumain» faisant partie de la définition des crimes contre l'humanité.

La torture a été reconnue pour la première fois en tant que crime contre l'humanité dans la Loi n° 10 (article II, 1(c)) du 20 décembre 1945 du Conseil de contrôle allié. Depuis la seconde guerre mondiale, les Nations Unies et d'autres organisations internationales et régionales chargées de la protection et de la promotion des droits de l'homme ont reconnu explicitement et de façon cohérente le droit à la protection contre la torture comme un droit fondamental et universel du droit international.

Les actes de torture appartiennent à la catégorie des crimes contre l'humanité s'ils sont commis par un gouvernement, une organisation ou un groupe de manière systématique ou à très grande échelle. Cette reconnaissance a également été exprimée dans le Statut du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, dans le Statut du Tribunal pénal international pour le Rwanda ainsi que dans le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

d) Les persécutions pour des motifs politiques, raciaux ou religieux constituent des crimes contre l'humanité et sont, par conséquent, punissables par le droit international et interne.

Ce type de crime contre l'humanité est reconnu en tant que tel dans l'article 6 (c) du Statut de Nuremberg, dans la Loi n° 10 (article II, 1(c)) du Conseil de contrôle allié, dans le Principe VI des Principes de Nuremberg, dans l'article 2(11) du projet de code des crimes contre la paix et la sécurité de l'humanité de 1954, dans l'article 5(h) du Statut du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie et dans l'article 3(h) du Statut du Tribunal pénal international pour le Rwanda, dans l'article 18 (e) du projet de code des crimes contre la paix et la sécurité de l'humanité de 1996, et enfin dans l'article 7(h) du Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

La Commission du droit international déclare: «L'acte inhumain qu'est la persécution peut revêtir bien des formes, dont le dénominateur commun est le refus de reconnaître les droits de l'homme et les libertés fondamentales auxquels chacun peut prétendre sans distinction, ainsi que le reconnaissent la Charte des Nations Unies (Art. 1 et 55) et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (art. 2). La présente disposition s'applique aux actes de persécution dénués de l'intention spécifique requise pour le crime de génocide aux termes de l'article 17 du code.»

Le professeur émérite et expert en droit humanitaire international, Mr Cherif Bassiouni, définit la persécution de la manière suivante:

    «(…) Leverbe persécuter et l'acte de persécution ont fini par acquérir un sens universellement accepté dont on pourrait donner la définition suivante: action ou politique d'un État visant à harceler, tourmenter, opprimer ou discriminer à l'égard d'une personne en vue de lui causer des souffrances physiques ou mentales ou de lui nuire économiquement, en raison des convictions ou opinions de la victime ou de son appartenance à un groupe identifiable donné (religieux, social, ethnique, linguistique etc.) ou simplement parce que l'auteur visait à distinguer une catégorie spécifique de victimes pour des raisons qui lui sont personnelles.»

e) L'emprisonnement arbitraire a été également reconnu en tant que crime contre l'humanité.

Il a été reconnu en tant que tel pour la première fois par la Loi n° 10 du Conseil de contrôle allié, par laquelle les criminels de guerre des Puissances de l'Axe continuent à être jugés depuis le procès de Nuremberg:

    «1. Chacun des actes suivants est reconnu comme un crime:

    (c) Crimes contre l'humanité : atrocités et délits comprenant, sans que cette énumération soit limitative, l'assassinat, l'extermination, l'asservissement, la déportation, l'emprisonnement, la torture, le viol ou tous autres actes inhumains commis contre toute population civile et les persécutions pour des motifs d'ordre politique, racial ou religieux, que lesdits crimes aient constitué ou non une violation de la loi nationale dans le pays où ils ont été perpétrés. »

Il figure également en tant que crime contre l'humanité dans le Statut du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (article 5) et pour le Rwanda (article 3), et dans le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (article 7 (e)).

En outre, le droit de ne pas être détenu arbitrairement, c.-à-d. sans jugement juste et rapide, conformément aux normes internationales établies dans le respect du procès équitable, est également un droit de l'homme fondamental reconnu par la Déclaration universelle des droits de l'homme (articles 9 et 10) et par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Les articles 6, 9, 14 et 15 de ce Pacte établissent expressément tant le droit à ne pas être détenu arbitrairement que les normes minimales du procès équitable concernant l'arrestation, la détention et la mise en accusation des individus.

Selon la Commission du droit international, «Par le terme emprisonnement, on entend le fait de priver un individu de sa liberté, le terme arbitraire impliquant que cette privation de liberté ne se fait pas dans le respect des formes légales. Pareil comportement est contraire aux droits de l'homme reconnus aux individus par la Déclaration universelle des droits de l'homme (art. 9) et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (art. 9). Ce dernier instrument dispose expressément : Nul ne peut être privé de sa liberté, si ce n'est pour des motifs et conformément à la procédure prévus par la loi »

L'emprisonnement arbitraire en tant que crime contre l'humanité reprend donc les cas d'emprisonnement arbitraire systématique ou à grande échelle, comme dans les camps de concentration ou de détention ou d'autres formes de privations de la liberté de longue durée.

C) Caractéristiques des crimes contre l'humanité.

En raison de la nature de ces crimes, en tant qu'offenses à la dignité humaine, les crimes contre l'humanité ont plusieurs caractéristiques particulières.

    1) Ils sont imprescriptibles;

    2) Ils sont imputables à l'individu qui les commet, qu'il soit ou non un organe ou un agent de l'État;

    3) Les personnes responsables ou suspectées d'avoir commis un crime contre l'humanité ne peuvent se voir accorder l'asile territorial ou le statut de réfugié;

    4) En tant que crime international, la nature du crime contre l'humanité et les conditions de responsabilité sont uniquement établies par le droit international, indépendamment des lois qui pourraient exister dans le droit interne des États. Cela signifie que ce n'est pas parce que le droit interne d'un État n'inflige pas une peine pour un acte considéré comme un crime contre l'humanité à un individu, que ce dernier n'est pas responsable de ce crime au regard du droit international;

    5) Ces crimes ne sont pas amnistiables;

    6) Les crimes contre l'humanité relèvent du principe de juridiction pénale universelle.

D) Distinction entre crimes de guerre et crimes contre l'humanité

Benjamin Ferencz, ancien procureur au tribunal de Nuremberg dans l'affaire des «Einsatzgruppen» (un des douze procès subséquents au procès principal de Nuremberg), explique dans son réquisitoire la différence entre crimes de guerre et crimes contre l'humanité de la façon suivante:

    «.. Les mêmes actes que nous avons qualifiés de Crimes contre l'humanité sous le chef d'accusation numéro 1 sont qualifiés de Crimes de guerre sous le chef numéro 2. Les mêmes actes font donc l'objet de deux chefs d'accusation distincts. Il n'y a aucune nouveauté en cela. Une agression, punissable en elle-même, peut faire partie du crime plus grave de coups et blessures, et un tribunal pourra à bon droit poursuivre leur auteur pour ces deux chefs. De la même façon, ici, le massacre de civils sans défense dans le cadre d'une guerre peut être qualifié de crime de guerre, mais ces massacres relèvent d'un autre crime. Un crime plus grave : génocide, ou crime contre l'humanité. C'est la distinction que nous faisons. Elle est réelle, et très importante. Pour éviter dès le début toute possibilité d'erreur, soulignons les différences entre ces deux crimes. Les crimes de guerre sont des actes et des omissions commis en violation des lois et des coutumes de la guerre. Par définition, ils ne peuvent affecter que les ressortissants d'un belligérant, et ne peuvent pas être commis en temps de paix. Le crime contre l'humanité n'est pas délimité de la même façon. Il est fondamentalement différent du simple crime de guerre, dans la mesure où il concerne des violations systématiques des droits fondamentaux de l'Homme, quel que soit le lieu où elles ont été commises et la nationalité des victimes.»

Dans le cas de la deuxième République espagnole, aucun acte ne peut être qualifié de crime contre l'humanité. Les excès commis par l'armée au cours d'opérations légales, au cours desquelles elle violait les lois et les coutumes de guerre par acte ou par omission, ne peuvent qu'être considérés comme des crimes de guerre. Le système juridique républicain définit les crimes contre les civils et la Constitution (dans son article 7) reconnait la primauté du droit international sur les lois nationales. Ces actes ont été jugés illégaux, conformément au système juridique de la deuxième République.

Les meurtres ou les exécutions extrajudiciaires non seulement constituaient des actes illicites, conformément au Code pénal républicain, mais ont aussi fait l'objet de poursuites par la justice ordinaire et, comme dans le cas de la Catalogne, ils ont conduit à l'identification des restes des personnes exécutées, à leur restitution aux familles ainsi qu'au jugement et à la condamnation des responsables. Il ne s'agit pas ici de démontrer que toutes les affaires passèrent en jugement, mais de démontrer que les tentatives [soi-disant] mises en œuvre pour mettre les deux parties sur un même pied d'égalité sont mensongères.

Les documents juridiques des institutions républicaines montrent clairement que leur finalité était la défense des libertés civiles et du régime démocratique et ce fait n'a jamais été mis en doute par la communauté internationale. Par contre, le régime franquiste prépara un plan d'extermination et de persécution politique qui apparait dans les instructions écrites des généraux qui s'insurgèrent contre le gouvernement républicain, qui participèrent directement au plan d'extermination national-socialiste au détriment de citoyens espagnols (affaire Mauthausen), qui prirent part aux actes d'agression et aux crimes contre la paix et qui permirent l'utilisation du territoire espagnol pour la planification de crimes contre la paix.

Ce plan d'extermination fut mis en œuvre pendant des dizaines d'années et fut explicitement condamné par les institutions internationales et tout particulièrement par les Nations Unies. A ce sujet, la résolution de l'Assemblée générale du 12 décembre 1946 définit la nature fasciste du régime imposé par le général Franco et le compara sur le plan juridique au régime national-socialiste allemand, au régime fasciste italien et au régime impérialiste japonais.

IV.- Le non-respect des droits des victimes et des familles des victimes de la répression franquiste fait partie du contexte d'impunité existant à l'heure actuelle en Espagne.

A) L'impunité

«L'impunité se définit par l'absence, en droit ou en fait, de la mise en cause de la responsabilité pénale des auteurs de violations des droits de l'homme, ainsi que de leur responsabilité civile, administrative ou disciplinaire, en ce qu'ils échappent à toute enquête tendant à permettre leur mise en accusation, leur arrestation, leur jugement et, s'ils sont reconnus coupables, leur condamnation à des peines appropriées, y compris à réparer le préjudice subi par leurs victimes.»

[Question de l'impunité des auteurs des violations des droits de l'homme (civils et politiques). Rapport final révisé établi par M. L. Joinet, en application de la décision 1996/119 de la Sous-Commission. E/CN.4/Sub.2/1997/20/Rev.1. 2 Octobre 1997]

Pour ce qui est du droit des victimes, considérées comme des sujets de droit, il est du devoir des États de garantir aux victimes les droits suivants, comme il est énoncé dans le rapport ci-dessus:

    a) Le droit de savoir des victimes;
    b) Le droit des victimes à la justice;
    c) Le droit des victimes à réparation.

B) Le droit de savoir

«Il ne s'agit pas seulement du droit individuel qu'a toute victime, ou ses proches, de savoir ce qui s'est passé en tant que droit à la vérité. Le droit de savoir est aussi un droit collectif qui trouve son origine dans l'histoire pour éviter qu'à l'avenir les violations ne se reproduisent. Il a pour contrepartie, à la charge de l'Etat, le devoir de mémoire afin de se prémunir contre ces détournements de l'histoire qui ont pour nom révisionnisme et négationnisme; en effet, la connaissance, par un peuple, de l'histoire de son oppression appartient à son patrimoine et comme telle doit être préservée. Telles sont les finalités principales du droit de savoir en tant que droit collectif.»

A ce sujet, les organisations signataires veulent attirer l'attention sur les nombreuses tentatives en Espagne d'élaborer des thèses révisionnistes de l'histoire. Dans le cadre des Nations Unies, le droit de savoir apparait dans le Principe 2 de l'ensemble des Principes pour la protection et la promotion des droits de l'homme par la lutte contre l'impunité et dont la teneur littérale est la suivante:

    «PRINCIPE 2 - LE DEVOIR DE MEMOIRE

    La connaissance par un peuple de l'histoire de son oppression appartient à son patrimoine et, comme telle, doit être préservée par des mesures appropriées au nom du devoir de mémoire qui incombe à l'Etat. Ces mesures ont pour but de préserver de l'oubli la mémoire collective, notamment pour se prémunir contre le développement de thèses révisionnistes et négationnistes.»

Et également:

    «PRINCIPE 3 - LE DROIT DE SAVOIR DES VICTIMES

    Indépendamment de toute action en justice, les victimes, ainsi que leurs familles et leurs proches, ont le droit de connaître la vérité sur les circonstances dans lesquelles ont été commises les violations et, en cas de décès ou de disparition, sur le sort qui a été réservé à la victime.»

«Le droit de savoir implique que soient préservées les archives.» A ce sujet, le Principe 13 dispose que:

    «Des mesures techniques à caractère conservatoire doivent être prises pour s'opposer à l'enlèvement, la destruction, la dissimulation ou la falsification des archives témoignant des violations commises.

    Ces mesures d'urgence sont suivies de réformes législatives ou autres réglementant de manière permanente le stockage de ces archives, leur conservation et leur accès selon les principes exposés ci-dessous; des mesures spécifiques sont prises pour les archives nominatives conformément au principe 18. En outre, les pays tiers détenant de telles archives sont invités à coopérer en vue de les restituer.

    Le détournement d'archives, spécialement à des fins de négoce, est sévèrement réprimé.»

Et aussi:

    «PRINCIPE 15 - MESURES ADMINISTRATIVES RELATIVES A L'INVENTAIRE DES ARCHIVES

    Dans un premier temps, priorité est donnée à l'inventaire des archives stockées, y compris, sous réserve de leur coopération, dans des pays tiers, ainsi qu'à la vérification de la fiabilité des inventaires existants. Une attention toute particulière doit être apportée aux archives des lieux de détention, en particulier lorsqu'ils n'avaient pas d'existence officielle.

    PRINCIPE 16 - MESURES FACILITANT L'ACCES AUX ARCHIVES

    L'accès aux archives doit être facilité, notamment dans l'intérêt de la recherche historique. Les formalités d'autorisation ont en principe pour seule finalité le contrôle de l'accès et ne peuvent être détournées à des fins de censure.»

C) Le droit à la justice

Concernant le droit à la justice, le Principe 19 dispose que:

    «Il n'est pas de réconciliation juste et durable sans que soit apportée une réponse effective au besoin de justice; le pardon est certes un facteur important de réconciliation, mais il suppose, en tant qu'acte privé, que soit connu de la victime ou de ses ayants droit l'auteur des violations et que ce dernier ait été en mesure de reconnaître les faits et de manifester son repentir.»

Les crimes de la répression franquiste étaient perpétrés de manière systématique et à grande échelle, ce qui veut dire qu'ils constituent des violations graves des droits de l'homme et qu'ils sont imprescriptibles, c.-à-d., le crime reste d'actualité et peut être poursuivi. Ces crimes sont restés impunis et, de ce fait, le droit à la justice n'a pas été respecté.

Au sujet de l'imprescriptibilité, l'ensemble des principes dispose comme suit:

    «PRINCIPE 27 - RESTRICTIONS A LA PRESCRIPTION

    La prescription pénale, tant en ce qui concerne les poursuites que la peine, ne peut courir pendant la période où il n'existe pas de recours efficace.

    Elle n'est pas applicable aux crimes graves selon le droit international qui sont par nature imprescriptibles.

    Lorsqu'elle s'applique, la prescription n'est pas opposable aux actions civiles ou administratives exercées par les victimes en réparation de leur préjudice.»

Au sujet des amnisties, il dispose comme suit:

    «PRINCIPE 28 - RESTRICTIONS A LA PRATIQUE DE L'AMNISTIE

    Lorsqu'elle est destinée à créer des conditions propices à un accord de paix ou à favoriser la réconciliation nationale, l'amnistie doit être contenue dans les limites suivantes :

    a) Les auteurs des crimes graves selon le droit international et les auteurs de violations massives ou systématiques ne peuvent être inclus dans l'amnistie à moins que les victimes n'aient été à même de bénéficier d'une voie de recours efficace et d'obtenir une décision équitable et effective;(…)»

D) Le droit à réparation

Au sujet du droit à réparation, l'ensemble des Principes dispose comme suit :

    «PRINCIPE 36 - DROITS ET DEVOIRS NES DE L'OBLIGATION DE REPARER

    Toute violation d'un droit de l'homme fait naître un droit à réparation en faveur de la victime ou de ses ayants droit qui implique, à la charge de l'Etat, le devoir de réparer et la faculté de se retourner contre l'auteur.

    PRINCIPE 37 - PROCEDURES DE RECOURS EN REPARATION

    Que ce soit par la voie pénale, civile, administrative ou disciplinaire, toute victime doit avoir la possibilité d'exercer un recours aisément accessible, prompt et efficace, comportant les restrictions apportées à la prescription par le principe 27; elle doit bénéficier, dans l'exercice de ce recours, d'une protection contre les intimidations et représailles.

    L'exercice du droit à réparation inclut l'accès aux procédures internationales applicables.»

« Le droit à réparation doit couvrir l'intégralité des préjudices subis par la victime; il comprend, d'une part, les mesures individuelles relatives au droit à restitution, à indemnisation et à réadaptation et, d'autre part, des mesures satisfactoires de portée générale » et des garanties de non-renouvellement des violations. Les mesures visant à mettre à effet le droit à réparation doivent couvrir les dommages matériels, les préjudices physiques et moraux ainsi que le problème de la soustraction des biens.


V.- Conclusions.

Par conséquent,

Les organisations signataire ci-dessous souscrivent au présent document, et:

Face au besoin de «récupération de la mémoire» du contexte historique dans lequel la répression franquiste eut lieu ainsi que les faits qui en découlèrent, c.-à-d. les violations graves des droits de l'homme et des libertés, principalement les représailles et les actes d'extermination dirigés contre la population civile ainsi que les violations des lois et coutumes de la guerre dans le traitement des prisonniers de guerre;

Face au non-respect du droit des victimes et du droit des familles à la vérité, à la justice et à une juste réparation;

Face aux tentatives d'élaboration de thèses révisionnistes et négationnistes;

Réaffirmant que la connaissance par un peuple de l'histoire de son oppression appartient à son patrimoine et, comme telle, doit être préservée par des mesures appropriées au nom du devoir de mémoire qui incombe à l'État;

Considérant que l'impunité est en soi une violation des droits de l'homme et que son existence même est non seulement une violation d'un droit de l'homme, tel que le droit à la justice et à la vérité, mais aussi une atteinte à la dignité humaine à proprement parler;

Considérant que l'initiative d'enquête appartient en premier lieu à l'État, et que, au cas où les pouvoirs publics ne rempliraient pas cette tâche, cette initiative doit être prise par les victimes, les parents de victimes et les organisations de défense des droits de l'homme;

Proposent ce qui suit:


VI.- Plan d'action:

1) Ratification par l'Espagne de la «Convention sur l'imprescriptibilité des crimes de guerreet des crimes contre l'humanité».

2) Promulguer une loi déclarant la nullité de toutes les actions légales du régime franquiste, en faisant mention expresse des résolutions des Nations Unies adoptées à l'unanimité par l'Assemblée générale des Nations Unies le 9 février 1946 [Res. 32(I)] et le 12 décembre 1946 [Res. 39(I)] et en faisant mention de leur caractère criminel conformément aux normes du droit international.

3) Déclarer la nullité de tous les procès pénaux et militaires du régime franquiste en raison de leur caractère arbitraire et illégal. Adopter également des mesures appropriées pour obtenir des compensations actualisées et proportionnelles aux dommages des victimes et reconstituer les archives pénales et judiciaires concernées.

4) Élaborer une loi pour l'exhumation et l'identification des victimes qui prenne en compte les types de délits et la nécessité de connaitre la vérité, et qui fixe les procédures conformes au droit international des droits de l'Homme.

Cette loi doit également prendre en compte les différents types d'enfouissement des cadavres (clandestins, officiels, etc.) et doit résoudre le problème des fosses communes résultant du plan d'extermination, le problème des enfouissements illégaux et celui des fosses communes contenant les corps des soldats de l'armée régulière sur les fronts de bataille.

5) Élaborer un Manuel d'Anthropologie médico-légal adapté aux normes internationales des droits de l'homme, aux crimes de guerre et à la situation historique de la deuxième République et du régime franquiste, qui permette de classifier les exhumations selon l'instruction pénale correspondante, en fonction du type de délits et des victimes, qu'ils s'agissent de civils ou de soldats réguliers des fronts de bataille.

6) Prendre des mesures légales afin de normaliser les banques de données ADN pour l'identification des victimes, en procédant à l'enregistrement par les tribunaux des échantillons des restes des victimes et des parents qui en réclament le prélèvement, et en établissant les paramètres de reconnaissance à partir de la pratique sociologique et anthropologique sur le plan médico-légal.

7) Elaborer une loi qui reconnait l'existence des camps de concentration et de travaux forcés et reconstituer les procédés établis dans les camps et la liste des victimes de ces camps.

8) Déclassifier et cataloguer toutes les archives diplomatiques, militaires et des services secrets jusqu'à la date de l'instauration du régime démocratique.

9) Faire un inventaire des archives pénales, judiciaires, carcérales, militaires, des services secrets, municipales, etc., les cataloguer et les réorganiser, en se servant des outils technologiques actuels, pour toutes les administrations, conformément aux lois du droit des victimes à la vérité et à la justice.

Le libre accès aux archives doit être reconnu, tout comme l'obligation légale pour les responsables de ces archives de coopérer avec les victimes, ses familles, les organisations de victimes, les organisations de défense des droits de l'homme et avec les systèmes judiciaires nationaux ou étrangers.

10) Reconstituer les listes des victimes espagnoles à l'étranger liées au régime franquiste, tout particulièrement les listes des «niños de la guerra» (enfants de la guerre), et solliciter, si besoin est, la collaboration internationale, plus particulièrement celle des pays européens, en tenant compte du travail effectué par les organisations d'exilés ou les organisations étrangères qui ont coopéré dans l'exil des républicains.

L'État espagnol doit également procéder à la résolution légale des problèmes de nationalité espagnole causés par l'exil et des problèmes qui découlent de l'enregistrement d'Espagnols par les autorités légitimes de la deuxième République, afin de leur permettre de garder la double nationalité pour tous ces cas (pour les exilés et leurs descendants).

11) Reconstituer la liste des victimes et des personnes qui ont subi des représailles depuis l'insurrection franquiste, via des documents valides aux yeux de la loi, afin d'apporter une reconnaissance légale et efficace, en accordant une attention particulière aux cas des mineurs, des orphelins et des femmes.

12) Adapter les lois au sujet des registres civils pour permettre d'identifier correctement les causes de décès.

13) Établir un inventaire des biens pillés, prohibés ou saccagés pour des motifs politiques ou religieux ou au cours de représailles.

14) Établir des lois permettant la récupération et l'indemnisation (aux frais de l'État ou des responsables s'ils existent) des biens pillés à des personnes physiques ou morales pour des motifs politiques et religieux ou au cours de représailles, quelle que soit leur nature.

15) Légiférer afin de reconnaitre tous les militaires qui servirent loyalement la deuxième République, en reconnaissant leur rôle historique et leur statut.

16) Légiférer afin de reconnaitre tout le personnel militaire et les forces irrégulières d'origine espagnole qui ont coopéré avec les pays alliés pour résister aux pays de l'Axe et au régime franquiste, en leur accordant le même traitement légal, militaire et social que celui accordé dans des pays comme la France.

17) Reconstituer la hiérarchie de toutes les organisations franquistes en Espagne et à l'étranger afin de faciliter l'application du droit à la vérité et de connaitre plus facilement les auteurs des crimes contre l'humanité.

18) Établir un système de compensations financières mis à jour en termes actuels et conforme aux réalités socio-économiques espagnoles, pour toutes les victimes encore en vie, pour leurs héritiers et leurs familles. Adopter également des mesures nécessaires pour la reconnaissance sociale et culturelle. À cette fin il est nécessaire de procéder à la localisation, au catalogage et à la déclaration en tant que patrimoine historique des lieux de mémoire de la lutte pour la défense de la République et de la répression franquiste.

Equipo Nizkor 14 avril 2004

Les organisations qui ont présenté ce document.

(par ordre alphabétique)

  • AFARIIREP - (Association des familles et des amis des victimes républicaines du franquisme), Ana Viéitez Gómez, présidente.
  • Groupement Gragero de León, Manuel Osorio, secrétaire.
  • Amis des personnes mortes pour la liberté (1939 - 1945), Mémoire historique de la région de Murcia, Floren Dimas Balsalobre, président régional.
  • Association pour la création d'un regroupement d'archives de la guerre civile, des brigades internationales, des «Niños de la guerra» (enfants de la guerre), de la Résistance et de l'exil espagnol - AGE (Archivo Guerra y Exilio - archive guerre et exil), Dolores Cabra, secrétaire générale.
  • Assemblée Permanente pour les droits de l'homme (APDH, Argentine), Horacio Ravena, vice-président.
  • Association des descendants de l'exil espagnol, Ludivina García Arias, présidente.
  • Association Manuel Azaña, Isabelo Herreros, président.
  • Association pour la récupération de la mémoire historique de Valladolid, Ricardo Bederan président.
  • Association de Salamanque pour la mémoire et la justice, Fermín Sánchez Martín, secrétaire.
  • Corporation de Promotion et Défense Des Droits du Peuple - CODEPU (Chili), Víctor Espinoza, secrétaire exécutif.
  • Derechos Human Rights (Droits de l'homme), Californie, États-Unis, Margarita Lacabe, présidente
  • Equipo Nizkor, Gregorio D. Dionis, président.
  • Forum pour la mémoire, José María Pedreño, presidente
  • Institut républicain des droits de l'homme, Félix Rodríguez Sanz, secrétaire.
  • Jeunes pour la mémoire historique «Amnésie», Javier Moreno y Juan Ignacio Díaz Bidart.
  • Serpaj Europe, Bruxelles (Belgique), Parmenia Camargo, présidente.

  • Quelques organisations qui adhèrent à ce document:

  • Association pour la mémoire historique d'Asturies, Marisa Marinez Caldevilla, présidente et Víctor Luis Alvarez, porte-parole du comité directeur.
  • Komite Internazionalistak (comité internationaliste) du Pays basque
  • Collectif de solidarité pour la justice et la dignité des peuples. COLICHE, Logroño, La Rioja.
  • Fondation Domingo Malagón
  • Paix et dignité, Espagne
  • OSPAAAL - Valladolid, Baleares, Málaga, Tarragona, Castellón et Madrid. (Espagne)
  • Forum Social, Madrid.
  • Association des Puits de Caudé, Teruel, Espagne.
  • Mouvement Tendance Républicaine 14 avril, Bs As., Argentine.
  • Fondation Luis Bello, José Esteban, président.
  • Disparus de la guerre civile y de l'exil républicain, DESPAGE, Antonio Cruz González, coordinateur.
  • Athénée républicaine de Galice
  • Union syndicale ouvrière (USO), Carmen Urrutia, Département confédéral de la Femme.
  • Fondation Largo Caballero, Antón Saracibar Santúa, président.
  • Association Joan Peset, Valence. Pablo Rodríguez Cortés, président.
  • Coordination fédérale de la gauche socialiste du PSOE, Vicent Garcés.
  • Association Héros de la République et de la Liberté de Cantabrie, Antonio Hontañon Toca, président.
  • Parti d'Action Socialiste (PASOC), Andrés Cuevas González, président fédéral.

  • Quelques adhésions à titre individuel.

  • Luis Alberto Quesada
  • Graciela Palacio de Lois, Buenos Aires, Arg.
  • Francisco Etxeberria Gabilondo, Faculté de Médecine, Univ. du Pays basque, San Sebastian.
  • Francisco Pérez Esteban, coordinateur: politique internationale Gauche Unie
  • Marcos Criado de Diego, Univ d'Alicante, Espagne.
  • Inés García Holgado, Buenos Aires, Arg.
  • Dante Patrignani, Bahía Blanca, Arg.
  • Florencia Roulet, Monthey (Valais), Suisse.
  • Claudia Julieta Duque, Bogotá, Colombie.
  • Inés Izaguirre, Argentine.
  • Mireya Folch-Serra (docteur), Londres, Canada.
  • Francisco Marqués Gómez, Espagne.
  • Rafael Bejarano Navarro, Univ de Cordoue, Espagne.
  • Florentina Navarro Benítez, Espagne.
  • Isabel Benítez Poblete, Espagne.
  • Nuria Mateos, Espagne. José Juna Scalla, Espagne.
  • Enrique Mosca, Bs As, Argentine.
  • Agustín Cabré, journaliste, Chile.
  • Víctor Pey, Santiago du chili.
  • Santiago Grande Aguilera, Collado Villalba, Espagne.
  • Raquel Elizabeth Palomino Quispe, Lima, Perou.
  • Rubén Herranz González.
  • Hendrik Vaneeckhaute, écrivain.
  • María Luisa Cisneros Cuesta.
  • Magdalena Diez de Bethencourt.
  • Clara Diez de Bethencourt.
  • Mariló Tudela Castillero.
  • José Cabañas González.
  • Antonio Arnau Carrillo de Albornoz.
  • María Dolores Díaz-Munío Roviralta, CPD, Université Polytechnique de Valence.
  • Casimir Nalda i Ausina.
  • Virtudes Albertos Pérez, Université Polytechnique de Valence.
  • Xavier Corrales, Technicien de laboratoire, Université Polytechnique de Valence.

  • Note:

    Toute personne ou organisation désireuse de signer le présent document en a la possibilité en contactant Equipo Nizkor par courrier électronique (voir ci-dessous).

    Pour plus d'informations à propos de ce document, veuillez contacter:

    Antonia Macías
    Equipo Nizkor
    Mailto:nizkor@derechos.org


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