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20juil15
Lettre du Représentant permanent des Pays-Bas auprès des Nations Unies au sujet de l'enquête sur la destruction de l'appareil de la Malaysia Airlines en Ukraine
Nations Unies
Conseil de sécuritéS/2015/551
Distr. générale
20 juillet 2015
Français
Original : anglaisLettre datée du 20 juillet 2015, adressée au Président du Conseil de sécurité par le Représentant permanent des Pays-Bas auprès de l'Organisation des Nations Unies
Je vous écris en votre qualité de Président du Conseil de sécurité pour le mois de juillet 2015.
Me référant à la résolution 2166 (2014) du Conseil de sécurité ainsi qu'aux lettres que j'ai précédemment adressées au Conseil de sécurité en date des 1er et 28 août 2014, 9 septembre 2014 et 16 décembre 2014 au sujet de la destruction de l'appareil de la Malaysia Airlines affrété pour le vol MH17, j'ai l'honneur de vous informer de l'état d'avancement des mesures prises par les Pays-Bas depuis le dernier courrier que j'ai fait parvenir au Conseil en ce qui concerne les efforts de récupération et de rapatriement, l'enquête technique et la procédure d'établissement des responsabilités.
Mission de rapatriement et de récupération
La phase centrale du processus d'identification des victimes a été menée à bien le 1er juillet 2015. L'amélioration des conditions de sécurité a permis aux experts qui participent à la mission de récupération, avec le concours de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), de se rendre finalement, au mois d'avril, sur les sites incendiés et de les fouiller minutieusement. Bien que les experts aient fait tout ce qui était en leur pouvoir, nous ne pouvons exclure la possibilité que de nouveaux restes humains soient découverts par la suite dans cette zone. Nous avons pris toutes les dispositions nécessaires, en accord avec les autorités et les populations locales, pour les préparer à une telle éventualité.
Pour l'instant, 296 des 298 victimes ont été identifiées et des certificats de décès ont été délivrés à leur plus proche parent. Seules deux victimes, l'une comme l'autre de nationalité néerlandaise, doivent encore être identifiées. Nous nous employons actuellement, en étroite consultation avec leurs proches, à leur transférer les restes humains et les effets personnels des victimes.
Le 10 juin 2015, le Ministère néerlandais des affaires étrangères a informé les nations endeuillées (les États ayant perdu des ressortissants dans le vol MH17) de l'état d'avancement du processus d'identification, du transfert des effets personnels des victimes à un proche parent, de la cérémonie de commémoration prévue le 17 juillet 2015 et des progrès relatifs à la délivrance des certificats de décès par l'Ukraine.
Le 17 juillet 2015, un an après la destruction de l'appareil assurant le vol MH17, la fondation néerlandaise représentant les proches des victimes de nationalité néerlandaise a organisé une cérémonie de commémoration à Nieuwegein, aux Pays-Bas. La compagnie Malaysia Airlines a pris en charge les frais de voyage des proches de nationalité non néerlandaise qui avaient fait part de leur souhait d'y participer. Le Premier Ministre des Pays -Bas, Mark Rutte, a assisté à cette cérémonie; il était accompagné de plusieurs membres de son cabinet. Des cérémonies de commémoration se sont également déroulées, entre autres, en Australie, en Malaisie et en Ukraine.
Enquête technique internationale sur les causes de l'écrasement
Les Pays-Bas restent pleinement déterminés à appliquer la résolution du Conseil de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) datée du 28 octobre 2014, qui les prie instamment de poursuivre et de mener à son terme l'enquête internationale indépendante avec l'aide des États et des organisations concernés.
Le Conseil néerlandais de la sûreté a achevé son enquête dans un délai d'un an après l'incident. Le 2 juin 2015, il a remis un projet de rapport final qui a été présenté pour examen aux représentants accrédités des États participant à l'enquête, conformément à l'annexe 13 de la Convention relative à l'aviation civile internationale. Ces représentants sont invités, aux termes de l'annexe 13, à faire parvenir leurs observations dans un délai de 60 jours, observations qui seront ensuite évaluées par le Conseil et compilées dans la version définitive du rapport. Le 1er juillet, le Conseil a informé l'OACI de l'état d'avancement de l'enquête qu'il a menée sur la destruction de l'appareil affrété pour le vol MH17 et a signifié son intention de publier le rapport final avant le milieu du mois d'octobre 2015, comme indiqué sur son site Web à l'adresse suivante : http://www.onderzoeksraad.nl/en/onderzoek/2049/investigation-crash-mh17-17-july-2014/inzage/1643/progress-of-the-mh17-investigation#fasen.
Ces procédures sont pleinement conformes à la recommandation 6.6 de l'annexe 13, qui dispose ce qui suit : « Il est recommandé que l'État qui a mené l'enquête rende public le rapport final dans les plus brefs délais et, si possible, dans les 12 mois qui suivent la date d'occurrence. Si le rapport ne peut être rendu public dans les 12 mois, l'État qui a mené l'enquête devrait rendre public un rapport intérimaire à chaque date anniversaire de l'occurrence, détaillant les progrès de l'enquête et toutes questions de sécurité qui auront été soulevées. »
Comme pour le rapport préliminaire, je transmettrai au Conseil de sécurité un exemplaire du rapport final dès qu'il aura été publié. Je tiens à saisir cette occasion pour souligner une fois encore le caractère indépendant du présent rapport, ce qui signifie que le Gouvernement néerlandais ne connaît pas la teneur du rapport final.
Responsabilités
L'équipe d'enquête mixte, composée des autorités de poursuites de l'Australie, de la Belgique, de la Malaisie, des Pays-Bas et de l'Ukraine, a collaboré très étroitement à l'enquête judiciaire, sans subir aucune pression de la part des gouvernements de ces différents pays.
L'enquête, qui se poursuit, continue d'apporter de nouveaux éléments de preuve et d'ouvrir de nouvelles pistes à explorer. Un appel à témoins a été lancé le 30 mars 2015, qui a permis d'obtenir des informations utiles. De multiples témoins ont ainsi été entendus et des auditions supplémentaires sont prévues. Comme le veut l'usage dans les enquêtes judiciaires, la confidentialité doit être préservée afin de ne pas compromettre les investigations en cours ni faire obstacle à d'éventuelles poursuites ultérieures. La divulgation d'informations confidentielles, dont le Gouvernement néerlandais n'a pas connaissance compte tenu de l'indépendance du parquet, risquerait de compromettre l'enquête. Pour autant, dans un souci de parfaite transparence, nous pouvons indiquer ce qui suit.
Les débris de l'épave de l'appareil affrété pour le vol MH17 ont été examinés. Entre le 15 et le 29 juin 2015, l'équipe d'enquête mixte a dépêché dans l'est de l'Ukraine une nouvelle mission d'enquête, facilitée par l'OSCE, en vue de récupérer des éléments de preuve supplémentaires qui serviront à évaluer différents scénarios quant aux causes de l'écrasement de l'aéronef. Des échantillons de sol ont été prélevés en divers endroits et des études techniques portant sur la localisation des antennes de télécommunication et sur la couverture du réseau téléphonique dans l'est de l'Ukraine ont été réalisées.
La coopération des autres États aux devoirs d'enquête a été constructive. L'équipe d'enquête mixte a reçu de nombreux renseignements provenant de différents pays, dont l'exploitation se poursuit.
Le Procureur néerlandais indépendant qui dirige l'équipe d'enquête mixte, Fred Westerbeke, a publiquement déclaré que des progrès étaient en cours et que l'objectif était de conclure l'enquête dès que possible. Le Gouvernement des Pays-Bas s'abstient délibérément de faire des spéculations ou de porter des accusations concernant les responsabilités pénales relatives à la destruction de l'avion assurant le vol MH17.
L'enquête prend quelque temps, du fait de l'ampleur et de la complexité de l'affaire ainsi que de sa dimension internationale.
Afin de veiller à ce que la justice soit rendue de manière efficace, les pays qui composent l'équipe d'enquête mixte ont choisi de coordonner les efforts qu'ils déploient pour mettre en place un mécanisme de poursuites. Ils se sont engagés à faire en sorte de recourir au système le plus efficace qui soit et le plus largement accepté sous l'angle du droit international, compte tenu de la gravité de cette attaque qui a visé un aéronef de l'aviation civile utilisé à des fins pacifiques. Ils ont considéré qu'un tribunal pénal international ad hoc créé par le Conseil de sécurité de l'ONU en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies répondait à de tels critères; pareille instance serait en outre conforme à la résolution 2166 (2014) du Conseil et s'inscrirait dans le prolongement de cette dernière. Un tribunal pénal international créé par le Conseil optimiserait la coopération internationale, ce qui sera nécessaire pour assurer l'efficacité des poursuites et du procès.
Il conviendrait, dans l'intérêt de la justice, que ce tribunal soit opérationnel le plus rapidement possible une fois l'enquête terminée. Les autres tribunaux pénaux internationaux ou internationalisés ont pour la plupart été établis sans attendre que l'enquête judiciaire ait été menée à son terme. Les États qui participent à l'équipe d'enquête mixte sont attachés à ce que la justice soit rendue d'une manière qui transcende la politique nationale ou internationale. La mise en place d'un tribunal avant que soient connus les résultats de l'enquête s'inscrit dans le droit fil de cette détermination. Le procureur du tribunal serait totalement indépendant et aurait le pouvoir d'ordonner des devoirs d'enquête supplémentaires.
Le 2 juillet 2015, la Malaisie, au nom des pays composant l'équipe d'enquête mixte, a donc informé le Conseil de sécurité de son intention de présenter une résolution demandant la création d'un tel tribunal.
Prochaines étapes
Les Pays-Bas sont fermement convaincus que l'impunité dont jouissent les auteurs de tels actes de violence dirigés contre un aéronef de l'aviation civile utilisé à des fins pacifiques constitue une menace pour la paix et la sécurité internationales. Le Conseil de sécurité s'en est dit conscient dans sa résolution 2166 (2014), lorsqu'il a réaffirmé l'interdiction des actes de violence qui menacent l'aviation civile internationale, lorsqu'il a appelé tous les États à coopérer pleinement à toute enquête judiciaire portant sur cet incident et, en particulier, lorsqu'il a indiqué que tous les États étaient tenus par une obligation internationale de traduire en justice les auteurs de tels actes, en exigeant que les responsables de cet incident soient amenés à rendre des comptes et que chaque État apporte tout son concours aux efforts visant à faire établir les responsabilités.
Ce faisant, et en décidant de rester activement saisi de la question, le Conseil de sécurité, en sa qualité de plus haute instance politique représentant la communauté internationale, s'est fixé un rôle incontournable. La résolution 2166 (2014) a reconnu l'autorité du Conseil en la matière et affirmé qu'il lui incombait de suivre cette logique jusqu'au bout, c'est-à-dire de s'assurer que les États respectent l'exigence de voir les auteurs de tels faits répondre de leurs actes.
Agissant au nom de l'équipe d'enquête mixte, la Malaisie a soumis au Conseil de sécurité une proposition en bonne et due forme appelant à mettre en place un tribunal pénal international, qui serait créé en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, de façon à garantir que l'exigence juridiquement contraignante formulée par le Conseil en matière de responsabilités soit soutenue par un mécanisme d'enquête et de poursuites tout aussi contraignant au niveau international. Nous demandons au Conseil de sécurité d'examiner favorablement cette proposition. Une lettre adressée par les Représentants permanents de l'Australie, de la Belgique, de la Malaisie, des Pays-Bas et de l'Ukraine, dans laquelle il est demandé au Conseil de mettre en place un tribunal ad hoc, a été envoyée le 10 juillet 2015.
Dans l'intervalle, nous nous félicitons des multiples initiatives déployées par le Conseil de sécurité pour appeler tous les États et les autres acteurs de la région à continuer d'apporter leur concours aux enquêtes internationales, conformément à la résolution 2166 (2014).
Qu'il me soit permis de conclure en vous assurant que les Pays-Bas mettent toute leur énergie en œuvre pour s'acquitter des tâches qui leur incombent en ce qui concerne la coordination des efforts internationaux de récupération et de rapatriement, l'enquête technique indépendante et la procédure d'établissement des responsabilités pénales. Dans le cadre de cette mission, les Pays-Bas ne manqueront pas de tenir le Conseil informé de la situation.
Je vous serais obligé de bien vouloir faire distribuer le texte de la présente lettre a comme document du Conseil de sécurité.
L'Ambassadeur
(Signé) Karel J. G. van Oosterom
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