Report by the Special Rapporteur on Torture and Other Cruel,
Inhuman, or Degrading Treatment or Punishment, Theo van Boven


Cameroon

188. Par une lettre en date du 30 mars 2004, le Rapporteur spécial a informé le Gouvernement qu’il avait reçu des renseignements sur des cas de torture ou mauvais traitements supposément commis par des autorités traditionnelles, dont la désignation par les coutumes locales serait sanctionnée par l’administration territoriale. En particulier, le Rapporteur spécial a reçu des renseignements sur les cas individuels suivants:

189. Paul Djafri, un cultivateur du quartier de Mayo Dadi III, dans le canton de Tchéboa, aurait été détenu dans une cellule de Ngong en décembre 2001, sous les ordres du lamido de Tchéboa à la suite d’une dispute avec un jeune berger. Il aurait par la suite été transféré à la prison de Tchéboa. Il aurait été violemment battu à la plante des pieds, aux genoux et aux cuisses. Il aurait finalement été remis en liberté suite à l’intervention de proches. Il aurait porté plainte contre le lamido de Tchéboa auprès du Procureur de la République le 28 février 2002.

190. Eloi Njami, un cultivateur du quartier de Mayo Dadi III, dans le canton de Tchéboa, aurait été arrêté par le messager du chef de Tchéboa et emmené les mains liées dans le dos dans une cellule de Tchéoba, où il serait resté trois jours. Il y aurait été battu à la plante des pieds, aux cuisses et aux genoux. Il aurait finalement été libéré moyennant une rançon. Il aurait porté plainte auprès du Procureur de la République le 28 février 2002.

191. Par lettre en date du 7 avril 2004, le Rapporteur spécial, conjointement avec le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, a informé le Gouvernement qu’il avait reçu des renseignements selon lesquels Mosses Punnsa Komban, militant du Southern Cameroon National Council (SCNC), un mouvement sécessionniste anglophone, aurait été arrêté par ordre d’un préfet à son domicile le soir du 14 septembre 2001. Il aurait été maintenu en détention durant deux mois dans de mauvaises conditions et aurait été battu à plusieurs reprises. Il aurait finalement été transféré dans un hôpital, où il serait resté une semaine, et, par la suite, présenté devant un tribunal qui aurait ordonné sa libération. Le 11 septembre 2002, il aurait à nouveau été arrêté par des gendarmes et emmené à la compagnie de gendarmerie de Kumbo. Il aurait été transféré à la brigade de Jakiri avec un autre militant du SCNC où il serait resté deux jours avant d’être ramené à Kumbo, où il aurait été entendu par un magistrat. Il aurait par la suite été emmené dans la ville de Bamenda et exhibé sur la chaîne de télévision nationale avec des pancartes sur lesquelles auraient été inscrits des slogans tels que « tueurs de gendarmes ». Comme il aurait refusé de les porter, il aurait été battu puis remis en cellule, les mains enchaînées derrière le dos. Il aurait été conduit à la prison de Bafoussa, où il aurait passé sept mois dans des cellules surpeuplées. Il aurait finalement été remis en liberté quatre jours après avoir reçu la visite du président du tribunal militaire.

192. Par une lettre en date du 8 avril 2004, le Rapporteur spécial a informé le Gouvernement qu’il avait reçu des renseignements sur des cas de torture ou mauvais traitements supposément commis par des autorités traditionnelles, dont la désignation par les coutumes locales serait sanctionnée par l’administration territoriale. En particulier, le Rapporteur spécial a reçu des renseignements sur les cas individuels suivants:

193. Paul Djafri et Eloi Njami, cités dans la communication envoyée précédemment par le Rapporteur spécial (cf. par. 186 et 187 ci-dessus).

194. David Dilwa, employé dans un hôtel de Garoua appelé la « Tempête du Sahel », aurait été soupçonné, comme d’autres collègues, d’avoir volé une somme de 570 000 francs CFA ; arrêté le 12 octobre 2001 par un sergent et le percepteur de Mading-Ring, il aurait été conduit à la brigade de gendarmerie territoriale de Garoua. Il aurait été remis en liberté peu après, mais le sergent et le percepteur l’auraient amené auprès du lamido de Garoua, un chef traditionne l. Avec un de ses collègues, ils y seraient restés durant une semaine, puis, le 19 octobre 2001, auraient été transférés chez le lamido de Tchéboa, puis emmenés chez les représentants de ce lamido à Ngong. Durant toute cette semaine, David Dilwa aurait été sévèrement battu. Il aurait finalement proposé d’aller chercher de l’argent chez sa sœur, Titandi Timsou. Le 19 octobre 2001, celle-ci aurait été amenée avec son frère chez le lamido de Tchéboa, qui l’aurait accusée des mêmes griefs. On lui aurait alors attaché les pieds aux mains avant de glisser une barre de fer entre ses membres ainsi rassemblés. Puis, elle aurait été frappée sans relâche, au point de saigner abondamment. Son frère aurait subi le même traitement. Son épouse serait venue le voir le 22 octobre 2001 et l’aurait trouvé dans un piteux état, ne pouvant plus s’alimenter et vomissant du sang. Titandi Timsou aurait finalement été libérée le 2 novembre 2001. David Dilwa serait décédé des suites de ses blessures, mais sa famille n’aurait pas eu accès à sa dépouille.

195. Le Rapporteur spécial a également reçu des renseignements selon lesquels un grand nombre de détenus, y compris des mineurs, de la prison centrale de Douala seraient décédés dans le courant de la première moitié de l’année 2003 en raison des conditions de détention insalubres et du manque de soins médicaux. Parmi la liste de défunts, qui a été mise à disposition du Rapporteur spécial, se trouvent les personnes suivantes:

196. Alphonse Nzongang, prévenu depuis le 16 décembre 2002, serait décédé le 26 février 2003 suite à des tortures supposément infligées après une tentative d’évasion.

197. Armand Tchakounté, prévenu depuis le 27 septembre 2002, serait décédé le 26 février 2003 suite aux tortures qui lui auraient été infligées au commissariat ava nt son arrivée à la prison centrale.

198. Victor Foko, prévenu depuis le 2 mai 2003, serait décédé le 18 mai 2003 suite aux tortures qui lui auraient été infligées lors de son arrestation.

199. Flobert Mvondo, condamné et en prison depuis le 12 juillet 2002, serait décédé d’un ulcère le 19 février 2003.

200. Samuel Dipito, prévenu depuis le 26 septembre 2002, serait décédé le 19 février 2003 des suites d’une diarrhée et d’une hernie.

201. Romain Kemkeu, condamné, serait décédé le 21 mars 2003 suite aux complications d’une forte toux accompagnée d’un brusque amaigrissement.

202. Gérard Azeh, condamné, en prison depuis le 4 janvier 2002, serait décédé le 29 avril 2003 des suites d’une toux aggravée et de fortes diarrhées.

203. Eyoum Mbenda, condamné, en prison depuis le 4 avril 2002, serait décédé le 15 mai 2003 suite à un arrêt du traitement de sa tuberculose.

204. André Ngounou, condamné à perpétuité, serait décédé le 24 mai 2003 suite à une forte toux et à un brusque amaigrissement.

205. Fomen Ketchemen, condamné, en prison depuis le 12 janvier 2001, serait décédé le 2 juin 2003 suite à une forte toux et à un brusque amaigrissement.

206. Robert Sando, condamné, en prison depuis le 8 janvier 1997, serait décédé le 2 juin 2003 suite à une forte toux et à un brusque amaigrissement.

207. Marcel Djob Goressia, prévenu depuis le 26 septembre 2002, serait décédé le 4 juin 2003 d’une forte toux.

208. René Kudi Batche, condamné, en prison depuis le 5 janvier 2001, serait décédé le 10 juin 2003 d’une toux sèche.

209. Gerandel Mogang, prévenu depuis le 11 décembre 2002, serait décédé le 11 juin 2003 d’une douleur gastrique accompagnée de vomissements.

210. Bouba Amadama, 16 ans, prévenu depuis le 25 octobre 2002, serait décédé le 9 août 2003 suite à une forte toux et à un brusque amaigrissement.

211. Dieudonné Tcheundji, préve nu depuis le 6 août 2003, serait décédé le 12 août 2003 de paludisme et diarrhée.

212. Elvis Kouma, 17 ans, prévenu depuis le 8 janvier 2003, serait décédé le 14 août 2003 d’une pneumonie.

213. Nkomba Maloka, prévenu depuis le 4 juillet 2003, serait décédé le 16 août 2003 de toux et diarrhée.

214. Jean-Pierre Komon, prévenu depuis le 18 juillet 2003, serait décédé le 26 août 2003 suite à une forte toux et à un brusque amaigrissement.

215. René Ekoulé, prévenu le 14 août 2003, serait décédé le 29 août 2003 suite à une forte toux et à un brusque amaigrissement.

216. Par une lettre en date du 13 avril 2004, le Rapporteur spécial, conjointement avec la Rapporteuse spéciale sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, a informé le Gouvernement qu’il avait reçu des renseignements selon lesquels Martial Mbong aurait été arrêté le 4 juillet 2002 et emmené dans une cellule de la police judiciaire à Douala. Il y serait décédé le 7 juillet 2002 des suites d’actes de torture. La police aurait amené son corps à la morgue sans informer la famille du décès. Le 8 juillet 2002, alors qu’un membre de sa famille se serait rendu au poste de détention pour le nourrir en cellule, il aurait été informé par un autre détenu de sa mort et des tortures subies. Cependant, la police aurait nié ce décès, et la commissaire (dont le nom est connu des Rapporteurs spéciaux) aurait indiqué qu’il n’était pas détenu à cet endroit. La famille se serait alors dirigée chez le Procureur de la République afin que des visites des morgues soient organisées. La dépouille de Martial Mbong aurait finalement été retrouvée par sa mère à l’hôpital provincial de Douala. Des agents de police y auraient laissé le corps afin qu’un médecin procède à une autopsie à la demande de la commissaire précitée. Une contre-expertise aurait prouvé que le décès avait été provoqué par l’usage de la torture en cellule. La mère du défunt aurait été avertie par la commissaire de ne plus trop remuer cette affaire. Depuis, le dossier judiciaire n’aurait pas avancé, la famille serait renvoyée d’une autorité à une autre, les résultats des autopsies n’auraient pas été transmis à un magistrat, et la contre-expertise ne serait plus disponible.

Appels urgents

217. Le 4 juin 2004, le Rapporteur spécial a envoyé un appel urgent, conjointement avec le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, et la Représentante spéciale du Secrétaire général sur la situation des défenseurs des droits de l’homme, qui concerne Madeleine Afité, présidente de l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT) à Douala et Me Essaïe Bisseck, président de l’ACATCameroun. Selon les informations reçues, le 3 juin 2004, Madeleine Afité aurait reçu à son bureau la visite de Me Essaïe Bisseck. Ce dernier lui aurait remis une convocation, lui signifiant qu’ils étaient tous deux convoqués au commissariat spécial de la ville de Douala. La convocation n° 02/04, datée du 3 juin 2004 et signée de la main d’un commissaire de police, dont le nom est connu des Rapporteurs spéciaux, lui demandait de se rendre au commissariat dès sa réception, aucun motif n’étant mentionné. Des craintes ont été exprimées que cette convocation ne soit en relation avec leurs activités de défense des droits de l’homme, et, en particulier, le urs efforts pour lutter contre la torture.

218. Le 25 juin 2004, le Rapporteur spécial a envoyé un appel urgent, concernant la situation de Bernard Afuh Weriwo. Dans la nuit du 13 mai 2004, Bernard Afuh Weriwo aurait été accusé du vol d’un vélo et conduit deva nt des policiers et gendarmes qui se trouvaient à un contrôle fixe et mixte sur la route Kumba – Manfé, dans le village d’Ikiliwindi. Sans avoir mené la moindre investigation, les policiers l’auraient aspergé de pétrole et aurait mis le feu à son corps. Sauvé par une famille environnante, il aurait été interné à l’hôpital de district de Kumba à 134 km de Douala, où il aurait reçu des soins inadaptés étant donné la gravité de ses blessures dont attestent les photographies transmises au Rapporteur spécial. Le 25 juin 2004, sa famille ne pouvant plus payer les soins, aucun traitement ne lui était plus administré. Les médecins de l’hôpital de Kumba auraient recommandé son transfert immédiat à l’hôpital de Douala, l’un des rares hôpitaux à détenir des installatio ns adéquates pour des cas de brûlés aussi graves, mais sa famille ne pouvait trouver les fonds pour payer un tel transfert.

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small logo   This report has been published by Equipo Nizkor and Derechos Human Rights on July 12, 2005.