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22juin14

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Communiqué de l'Equipo Nizkor après la disparition d'archives de renseignement et de contre-intelligence du DAS


1. Le 18 juin 2014, la disparition ou la dissimulation des archives informatiques de la Direction de l'intelligence de l'ancien Département administratif de sécurité (DAS) a été constatée, alors qu'elles devraient se trouver dans du matériel gardé par le "DAS en suppression" et sous la surveillance de la Procuraduría General de la Nación, organe de contrôle des fonctionnaires.

2. Au cours d'une inspection judiciaire ordonnée par la procureure nš 9 spécialisée de la Direction d'analyse et de contexte, qui enquête sur la torture psychique aggravée commise sur Claudia Julieta Duque, correspondante de Radio Nizkor en Colombie, le Parquet n'a pas pu trouver les informations relatives au renseignement, la contre-intelligence et les fonds réservés qui devraient être stockées dans un ordinateur confié depuis septembre 2013 aux Archives générales de la Nation (AGN).

3. Lors d'une première visite du Parquet au siège de l'AGN le 10 juin 2014, de nombreuses irrégularités avaient été constatées : les codes présumés pour accéder à l'ordinateur qui contenait apparemment le système d'information du DAS (SIFDAS) étaient erronés et la procédure dut être reportée. Par ailleurs, le dépôt dans lequel se trouvaient les codes d'accès était ouvert et les enveloppes contenant les mots de passe ne portaient aucun cachet de contrôle.

4. Au vu de tout cela et à la demande de la journaliste Claudia Julieta Duque, la Procuraduría ordonna l'ouverture d'une enquête sur le directeur du DAS en suppression, M. Ricardo Fabio Giraldo Villegas.

5. Le 18 juin, le Parquet effectua une deuxième inspection judiciaire aux AGN et, bien que cette fois il fut possible d'accéder à l'ordinateur où étaient censés se trouver les fichiers complets du SIFDAS, le Corps technique d'investigation (CTI) détermina que ces archives n'existaient pas ou étaient inaccessibles.

6. En 2009, l'archive complète du SIFDAS comptait 54 gigas (Gb) et contenait, entre autre, la base de données sur laquelle reposaient des preuves de persécutions et de missions illégales réalisées contre les "cibles" du DAS. Le jour de l'inspection judiciaire, le 18 juin, il fut constaté que le poids des archives était de 91 mégas (Mb), correspondant aux fiches décadactylaires de citoyens stockées par le Registre national de l'état civil ainsi que les feuilles de vie des fonctionnaires du DAS et les entrées et sorties de personnes au siège principal de cet organisme.

7. Comme l'a exprimé Claudia Julieta Duque au cours de la procédure judiciaire, la disparition des archives a transformé la base de données la plus importante du renseignement et de la contre-intelligence colombienne en un "logiciel de jeux de mensonges".

8. La disparition, la dissimulation et/ou la destruction des archives que contenait le SIFDAS constitue sans aucun doute un nouvel affront aux victimes de cet organisme et de la justice colombienne, puisqu'elles ont comme objectif l'obstruction de l'enquête judiciaire sur les différents délits et crimes commis par des fonctionnaires du DAS, sous prétexte de sécurité nationale et du renseignement au service de l'État.

9. Depuis octobre 2011, date à laquelle la liquidation du DAS a été ordonnée, plusieurs organisations des droits de l'homme ont dénoncé que la suppression de cet organisme entraînait la dissimulation de la vérité non seulement pour les victimes des interceptations illégales, mais également pour les citoyens en général, qui avaient et ont droit à la mémoire et à la vérité historique sur les délits graves dans lesquels la police secrète colombienne a été impliquée depuis sa création, parmi lesquels on trouve des faits de persécution contre l'opposition bien avant que n'éclate le scandale des écoutes téléphoniques, des homicides tels que celui de Luis Carlos Galán et de Bernardo Jaramillo et des montages judiciaires comme celui qui mena à l'impunité dans l'affaire de l'homicide du journaliste Jaime Garzón Forero.

10. Le DAS en suppression dépend toujours hiérarchiquement et fonctionnellement de la Présidence de la République. En ce sens, la responsabilité de l'Exécutif national, dont le supérieur hiérarchique est le président Juan Manuel Santos, dans la disparition, la dissimulation ou la destruction des archives du renseignement, de contre-intelligence et des fonds réservés du SIFDAS, est claire.

11. Selon l'article 24 du décret 4057 de 2011, qui dispose la clotûre du DAS, la fonction principale du directeur de cet organisme, Ricardo Fabio Giraldo Villegas, est d'adopter "les mesures nécessaires pour l'administration, la conservation et la fidélité des archives de l'entité" afin de "garantir la sécurité des archives du renseignement". Sa responsabilité est donc directe et évidente.

12. La responsabilité pour les faits en incombe également aux membres du conseil consultatif du DAS en suppression, à savoir : le ministre de la Justice, Alfonso Gómez Méndez, son vice-ministre, Daniel Samper Strouss, le ministre de la Défense, Juan Carlos Pinzón Bueno, son vice-ministre aux Politiques et affaires internationales, Jorge Enrique Bedoya, et le haut conseiller présidentiel à la cohabitation et la sécurité citoyenne, Francisco José Lloreda Mera. L'article 22 du décret 4057 confère au conseil consultatif la fonction de donner les directives au directeur du DAS en suppression "pour le processus de garde et de manipulation des archives contenant les informations du DAS afin de garantir son intégrité".

13. La perte, dissimulation et/ou destruction des informations du SIFDAS empêche l'identification de nouveaux auteurs des graves attaques subies par Claudia Julieta Duque ainsi que d'autres violations des droits de l'homme commises par cet organisme et la reconstruction de l'information concernant l'identité et les arguments employés par ceux qui ont ordonné et executé la persécution contre la société civile d'opposition en Colombie, seule manière de déterminer les responsabilités pénales sous-jacentes et de connaître réellement la manière dont fonctionnait cette organisation criminelle en termes de droit pénal international.

14. Aujourd'hui il a été confirmé que les alertes émises à l'époque étaient bien ancrées dans la réalité. C'est un fait certain et prouvé que la Procuraduría a été, au mieux, trompée, au pire, complice, dans ce que nous pourrions appeler une faillite systématique et destructrice du système de protection des archives stockées, dont la surveillance préventive dans le processus de suppression du DAS lui incombait.

15. Comme nous le manifestions dans notre communiqué du 13 mars 2013, l'importance de l'affaire de Claudia Julieta Duque réside dans le fait que le niveau de preuves existant est solide, incontestable et accablant et que l'avancement de la procédure pénale constitue une limite imposée par les instances judiciaires au pan délictuel et violatoire des libertés civiles propre à la conception et à l'exécution de ce genre d'opérations de contre-intelligence, opérations à propos desquelles il est souvent impossible d'obtenir des preuves, l'affaire du DAS constituant une exception en Amérique latine.

16. La liquidation totale du DAS est prévue pour le 27 juin 2014 et sa clôture impliquera la fin de l'existence juridique du DAS, ce qui pour effet la dispersion des responsables des faits dans différentes entités de l'État ou dans une retraite confortable. En tant qu'organisation internationale des droits de l'homme, nous exigeons du président Juan Manuel Santos qu'il ordonne l'investigation, l'identification et la sanction des responsables de la disparition et/ou destruction des archives du SIFDAS et la préservation des preuves recueillies jusqu'à aujourd'hui dans l'affaire de notre représentante en Colombie.

17. Étant donné le sérieux et la gravité des faits, nous exigeons que les archives du renseignement du DAS, ainsi que les 21 milliards de documents papier (selon les chiffres du dossier judiciaire) conservés aux AGN, soient remis pour leur conservation au Parquet général de la Nation, qui devra analyser, systématiser et informer les citoyens sur les découvertes qui seraient faites, et devra s'efforcer de récupérer les informations électroniques qui devraient se trouver sur les serveurs originaux du DAS. Pour ce faire, des mesures techniques devront être prises de manière à garantir l'existence de sauvegardes des archives et la duplication de toute l'information numérique ainsi que l'adoption de systèmes de contrôle électronique et passif de l'information et des bâtiments où celle-ci est stockée. Des mesures identiques doivent être prises concernant la numérisation et le stockage des documents papier.

18. Conscients des nouveaux risques que cette affaire implique, nous rendons responsable l'État colombien de toute détérioration de la situation sécuritaire de Claudia Julieta, de sa famille et de son avocat, Me Víctor Javier Velásquez Gil.

Charleroi, Madrid et Bogotá, 22 juin 2014

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