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30avr17
Succès surprise du Front Polisario au Conseil de sécurité
Le Conseil de sécurité a adopté, vendredi soir, une résolution qui, en théorie, doit contribuer à relancer les négociations entre le Maroc et le Front Polisario, en vue de l'organisation d'un référendum d'autodétermination du peuple sahraoui.
On retiendra surtout que c'est un succès inattendu du Front Polisario, qui a manœuvré de main de maître pour aboutir à ce résultat, qui, en outre, donne un nouveau mandat d'une année à la Minurso. Pourtant, jusqu'à vendredi après-midi, on ne donnait pas cher de la peau des Sahraouis au point que les Marocains s'étaient mis à crier victoire avant même la réunion du Conseil.
Tout a commencé il y a de cela quatre mois. Les Marocains sortent du mur dans lequel ils étaient confinés, conformément au cessez-le-feu dicté par l'ONU, et se mettent à bitumer un tronçon routier dans la zone de Guerguerat, proche de la frontière mauritano-sahraouie. Une provocation inacceptable pour les dirigeants de la RASD. Ils savent que chaque semaine 200 à 300 camions partent pour l'Afrique de l'Ouest, principalement pour le Sénégal.
Officiellement, ils transportent de la marchandise licite. En réalité, les Marocains, dont le pays est devenu un narco-Etat principal producteur mondial de cannabis, se livraient à un intense trafic de drogue. Le Front Polisario dépêche une quinzaine de gendarmes dans la zone. Comme à son habitude, le palais royal se met à se lamenter, accusant entre autres l'Algérie d'être la cause de tous ses malheurs. La tension monte brusquement dans la région.
Face au risque de dérapage, l'ONU demande au Maroc et au Front Polisario de retirer leurs forces de la zone. Rabat, traumatisé sans doute par les défaites des FAR face à l'ALPS durant les années 1970 et 1980, retire ses forces. Les Saharouis, estimant à juste titre qu'ils sont dans leur pays, refusent d'obtempérer.
A partir de là, la machine va s'emballer. Le nouveau secrétaire général de l'ONU, le Portugais Guterres, fait un rapport de situation dans lequel il demande au Front Polisario de retirer ses gendarmes de la zone. Le Conseil de sécurité est convoqué. Les Etats-Unis soumettent un projet de résolution qui culpabilise les Sahraouis pour leur refus d'obtempérer. Le Maroc jubile. Le Sénégal, allié inconditionnel du palais royal depuis l'époque où Senghor était à sa tête, travaille en coulisses contre l'indépendance de la RASD. Il a une arrière-pensée. Il espère qu'un jour les Marocains s'empareront du nord de la Mauritanie et lui prendra le sud, parce que peuplé de Noirs, un grand rêve senghorien.
Malheureusement pour tous ces apprentis colonialistes, les Sahraouis ont fait preuve d'une grande capacité manœuvrière. Quelques heures avant la réunion du Conseil de sécurité, ils annoncent le redéploiement de leurs gendarmes. Les Américains remanient leur texte et en font un document destiné à relancer les négociations entre les deux parties. Un processus au point mort jusque-là à cause des blocages marocains.
Cette résolution, précise Michele Sison, la représentante de la délégation américaine, fixe de «nouvelles normes» pour la Minurso. «Nous ne nous laisserons pas dévier de notre objectif qui est de permettre au peuple du Sahara occidental d'organiser un référendum sur le statut futur de ce territoire.» Le rêve marocain tombe à l'eau.
Il n'est plus question de l'intransigeance du Front polisario dans le texte, adopté à l'unanimité par 15 membres du Conseil. «Les dirigeants sahraouis ont fait preuve d'une grande lucidité et d'un haut sens de la responsabilité, puisque pendant des mois la tension était montée dans la zone de Guerguerat», nous a déclaré Ramtane Lamamra, le ministre des Affaires étrangères.
Le Front Polisario a su exploiter avec intelligence les maladresses marocaines et a poussé la communauté internationale à s'intéresser à nouveau et de façon sérieuse, au conflit qui n'a que trop duré et qui déstabilise tout le Maghreb.
Le ministre sahraoui des Affaires étrangères, Mohamed Islem Ould Saheb, dans une déclaration à El Watan, salue la résolution, estimant qu'il reste encore beaucoup à faire. «Rabat, a-t-il dit, a provoqué la crise de Guerguerat en ouvrant une brèche dans le mur pour faire du trafic, en violation du cessez-le-feu.
La prochaine étape pour le secrétaire général de l'ONU, souligne-t-il, est de résoudre le problème de Guerguerat s'appuyant pour cela sur le rapport onusien qui ''reconnaît que la crise à Guerguerat soulève des questions de fond, liées au cessez-le-feu'' et engage M. Guterres à trouver une solution.»
Un lourd dossier qui attend également Horst Kohle, ancien président de la RFA, qui a succédé à Christopher Ross comme représentant spécial du secrétaire général de l'ONU pour le Sahara occidental.
Les extraits de la résolution onusienne
Le Conseil de sécurité s'est engagé vendredi, aux termes d'une résolution qu'il a adoptée à l'unanimité sur le Sahara occidental, à mettre fin à l'impasse politique en appuyant la relance du processus onusien, bloqué par le Maroc depuis 2012. L'organe onusien a affirmé son plein appui aux efforts du secrétaire général et son envoyé personnel pour qu'une solution politique soit trouvée à la question du Sahara occidental.
La résolution du Conseil de sécurité, adoptée après plusieurs jours de tractations serrées, souligne que la relance des négociations avec «une nouvelle dynamique doit déboucher sur la reprise du processus politique pour parvenir à une solution politique qui soit mutuellement acceptable et qui permette l'autodétermination du peuple du Sahara occidental dans le cadre d'arrangements conformes aux buts et principes énoncés dans la Charte des Nations unies».
Le Conseil de sécurité a demandé aux deux parties du conflit de reprendre les négociations sous les auspices du secrétaire général, sans condition préalable et de bonne foi, en tenant compte de l'action menée depuis 2006. Le secrétaire général est tenu à ce propos de faire au moins deux exposés par an au Conseil de sécurité sur l'état d'avancement des négociations et des difficultés auxquelles se heurtent les opérations de la Minurso.
Soulignant la nécessité d'avancer sur la voie d'une solution politique, le Conseil de sécurité a enjoint au secrétaire général de le tenir informé dans les six mois, à compter de la désignation du nouvel envoyé personnel, de l'avancement des négociations.
Intervenant après le vote de la résolution, la représentante de la délégation américaine, Michele Sison, a relevé que le report de l'adoption de ce texte a été «essentiel pour permettre à l'ONU et à la Minurso de refermer le chapitre de l'année dernière au Sahara occidental». «Le Conseil de sécurité doit porter son attention là où elle doit être, à savoir soutenir un règlement politique», a-t-elle dit. La résolution fixe, selon Mme Sison, de «nouvelles normes» pour la Minurso, qui doit pouvoir recruter des personnels dotés de compétences adéquates, a-t-elle précisé. «
Nous ne laissons pas divertir de notre objectif qui est de permettre au peuple du Sahara occidental d'organiser un référendum sur le statut futur de ce territoire», a ajouté la représentante.
Le représentant de l'Uruguay, Elbio Rosselli, a appelé de ses vœux à une reprise des négociations «dans un nouvel esprit», alors que celui de la Suède, Carl Skau, a estimé que la reprise du processus politique est devenue indispensable, notant que le texte adopté encourage le nouvel envoyé spécial du secrétaire général à revitaliser les efforts en vue de parvenir à une solution politique.
De son côté, le représentant de l'Ethiopie, Tedeka Alemu, a insisté sur l'importance du retour de la composante civile de la Minurso, saluant l'évolution de la situation dans la zone tampon de Guerguerat. Selon lui, les conditions requises pour la reprise des négociations sont réunies. Il est impératif que le Conseil de sécurité «comprenne bien la situation générale», a-t-il dit.
Petr Iliichev, le représentant de la Russie, a indiqué qu'il faut s'orienter vers la reprise des pourparlers directs entre le Front Polisario et le Maroc, considérant que seul un règlement politique sera durable. Il a estimé que le nouvel envoyé spécial devra redoubler d'efforts pour parvenir à la reprise des négociations.
[Source: Par Tayeb Belghiche, El Watan, Alger, 30avr17]
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