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16mar16
La colère noire de Ban Ki-moon contre le Maroc
Le comportement «irrespectueux» adopté à l'égard du secrétaire général de l'Organisation des Nations unies (ONU) confirme que les autorités marocaines sont aujourd'hui prises de panique. Celle-ci devrait s'accentuer au fur et à mesure que se rapprochera la date prévue pour la présentation par Ban Ki-moon de son rapport sur le Sahara occidental devant le Conseil de sécurité de l'ONU.
Violemment critiqué la semaine dernière par le gouvernement marocain qui lui a reproché sa « partialité» dans le traitement du dossier du conflit du Sahara occidental lors de sa visite des camps de réfugiés sahraouis et des territoires sahraouis libérés, le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a été obligé de sortir de sa réserve pour lui répondre. Une réponse s'imposait d'autant que l'ONU et le Sud-Coréen ont été une nouvelle fois pris pour cibles lors d'une manifestation «antisahraouie» et «anti-ONU» organisée lundi à Rabat à l'instigation du makhzen et à laquelle ont participé plusieurs membres du gouvernement marocain.
Dans cette manifestation officiellement assumée donc, certaines des attaques ont visé la personne même du secrétaire général des Nations unies. Ces attaques «irrespectueuses» et attentatoires à sa dignité ont fait entrer Ban Ki-moon dans une colère noire. Fait rarissime dans les usages des Nations unies, le secrétaire général de l'ONU — qui est connu pour son grand flegme — a tenu, cette fois, à répondre personnellement aux Marocains et veillé à ce que sa colère soit médiatisée. C'est la seconde fois en l'espace d'une semaine que l'ONU recadre avec véhémence le Maroc.
Ban Ki-moon — qu'une majorité de Sud-Coréens espèrent voir devenir leur prochain Président — n'a par ailleurs pas raté l'occasion de la présence à New York du ministre marocain des Affaires étrangères, Salaheddine Mezouar, pour lui passer un savon «en live» et le charger de rendre compte à son gouvernement de l'étendue de sa «colère» et ainsi que de sa «profonde déception».
Il lui a exigé de plus de veiller à ce que l'ONU soit respectée au Maroc. «Le secrétaire général a fait part de sa stupéfaction concernant la récente déclaration du gouvernement du Maroc et exprimé sa profonde déception et sa colère au sujet de la manifestation qui a été mobilisée dimanche et qui l'a visé en personne», a déclaré l'ONU dans un communiqué diffusé juste après la rencontre entre Ban Ki-moon et le ministre marocain des Affaires étrangères.
Manipulations et désinformations marocaines
Loin d'avoir été impressionné et encore moins apeuré par les manœuvres marocaines destinées à faire pression sur l'ONU, Ban Ki-moon, droit dans ses bottes, a rappelé, en outre, au chef de la diplomatie marocaine (qu'il n'aurait même pas convié à s'asseoir tellement son courroux était grand) son attachement aux résolutions des Nations unies pour le règlement du conflit au Sahara occidental.
Dans sa réponse cinglante au royaume chérifien, l'ONU a insisté sur le fait que le dernier périple de Ban Ki-moon dans la région visait à «relancer les négociations entre Rabat et le Front Polisario afin de parvenir à une solution politique juste et mutuellement acceptable qui permet l'autodétermination du peuple du Sahara occidental».
L'Organisation a ainsi regretté que cet objectif ait été «déformé» par le gouvernement marocain. Un gouvernement qui tourne actuellement le dos à la paix et foule aux pieds la légalité internationale. Rabat refuse, en effet, le principe d'organiser un référendum d'autodétermination au Sahara occidental et rejette, en même temps, le principe de négocier avec le Front Polisario. Les Marocains ne veulent même plus recevoir Christopher Ross, l'envoyé spécial de Ban Ki-moon.
A ce propos, l'ONU dit ne pas comprendre la réaction hystérique du Maroc qui a suivi la visite de son secrétaire général dans les camps de réfugiés sahraouis, dans la mesure où «tous les Etats membres des Nations unies, y compris le Maroc, ont accepté de déterminer le statut final des territoires sahraouis en vertu des résolutions de l'Assemblée générale adoptées sans vote». Statut qui, bien évidemment, ne doit être déterminé qu'à l'issue d'un référendum d'autodétermination.
Affolement et crise de nerfs
En réalité, le Maroc est au fait de toutes les subtilités du dossier et connaît bien la position de l'ONU par rapport à la question du Sahara occidental. Il a perdu les pédales, car il vient de se rendre compte que son onéreux lobbying en faveur de la promotion de son «large plan d'autonomie» mis en place pour court-circuiter la tenue d'un référendum au Sahara occidental est loin de faire des émules, malgré le soutien actif de la France.
Pour tout le monde, le Sahara occidental reste est un «territoire non autonome», le Maroc n'a pas le statut de puissance administrante et le dossier sahraoui est une question de décolonisation. En clair, les trois grandes constantes rappelées à Tifariti par Ban ki-moon qui a même parlé d'«occupation».
L'affolement de Rabat s'explique aussi par les récentes victoires diplomatiques remportées par le Front Polisario, dont la plus retentissante était de convaincre l'Union européenne de revoir son accord agricole conclu avec le Maroc en 2012. La décision de Bruxelles est elle-même en train de provoquer un effet boule de neige en Europe.
Ce n'est pas tout. De nombreux grands pays, comme le Nigeria et l'Afrique du Sud, ont inscrit comme priorité de leur agenda diplomatique la décolonisation du Sahara occidental. La visite de l'ambassadrice des Etats-Unis à Alger, au début du mois, dans les camps de réfugiés sahraouis à Tindouf, a par ailleurs créé un vent de panique au Maroc. Surtout que cette visite a été autorisée par le Département d'Etat.
Les Etats-Unis font partie des pays qui aident le plus les réfugiés sahraouis. Depuis octobre 2013, l'Administration Obama leur a consacré 23 millions de dollars. Il n'y a pas longtemps, les Etats-Unis ont également soutenu au Conseil de sécurité de l'ONU un projet préconisant l'élargissement des prérogatives de la Minurso à la surveillance des droits de l'homme, avant de se raviser à la dernière minute.
Le comportement «irrespectueux» adopté à l'égard du secrétaire général de l'ONU confirme, en tout cas, que les autorités marocaines sont aujourd'hui prises de panique. Celle-ci devrait s'accentuer au fur et à mesure que se rapprochera la date prévue pour la présentation par Ban Ki-moon de son rapport sur le Sahara occidental devant le Conseil de sécurité de l'ONU.
Ce rapport, tout le monde l'attend d'ailleurs avec impatience. Mais c'est le cas surtout des Sahraouis qui patientent depuis 40 ans que la communauté internationale tienne ses engagements. Lors de sa visite dans les camps de réfugiés sahraouis, Ban Ki-moon a très bien compris que la patience des Sahraouis a des limites et qu'il n'est pas certain qu'ils pourront attendre davantage. Il sait aussi que la balle est dans le camp de l'ONU.
[Source: Par Zine Cherfaoui, El Watan, Alger, 16mar16]
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