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27mar15
Rapport du Secrétaire général sur la situation au Mali
Nations Unies
Conseil de sécuritéS/2015/219
Distr. générale
27 mars 2015
Français
Original : anglaisRapport du Secrétaire général sur la situation au Mali
I. Introduction
1. Le présent rapport est soumis en application de la résolution 2164 (2014) du Conseil de sécurité, par laquelle le Conseil a prorogé le mandat de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) et m'a demandé de lui faire rapport tous les trois mois sur l'application de la résolution et l'exécution du mandat de la Mission. Le présent rapport couvre la période allant du 17 décembre 2014 au 19 mars 2015.
II. Dialogue politique national et réconciliation nationale
Dialogue intermalien
2. Au cours de la période à l'examen et sur fond de forte augmentation du nombre d'affrontements armés, les parties au dialogue intermalien ont tenu une cinquième série de pourparlers à Alger à l'issue desquels la médiation a présenté un projet révisé d'accord de paix, qui a été paraphé par deux des trois parties. Tout au long de la période, la MINUSMA a continué, en étroite coordination avec l'équip e de médiation, à encourager les parties à réaffirmer leur engagement en faveur du cessez-le-feu et à parvenir à un accord en consultant les parties et leurs mandants.3. Entre la conclusion de la quatrième série de pourparlers le 27 novembre et la reprise du dialogue intermalien le 16 février, l'Algérie, principal médiateur, a tenu des consultations avec chaque partie aux pourparlers, à savoir le Gouvernement malien; la Coordination, qui regroupe le Mouvement national pour la libération de l'Azawad (MNLA), le Haut Conseil pour l'unité de l'Azawad (HCUA), le Mouvement arabe de l'Azawad (MAA), la Coordination des mouvements et fronts patriotiques de résistance II (CMFPR-II) et une faction de la Coalition du peuple de l'Azawad (CPA); et la Plateforme, qui regroupe principalement la CMFPR-I, la CPA, une faction du MAA et le Groupe d'autodéfense touareg Imghad et alliés (GATIA). Ces consultations ont porté sur les dispositions du projet d'accord de paix, rédigé et communiqué par la médiation, composée de l'Algérie, de la MINUSMA, de l'Union africaine, de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), de l'Union européenne, de l'Organisation de coopération islamique, du Burkina Faso, de la Mauritanie, du Niger et du Tchad, à l'issue de la quatrième série de pourparlers, comme décrit au paragraphe 5 de mon précédent rapport (S/2014/943).
4. Les parties maliennes ont, de leur côté, consulté leurs mandants avant la cinquième série de pourparlers. La Coordination et la Plateforme ont consulté leurs mandants à plusieurs niveaux, tandis que le Gouvernement a organisé, à Bamako le 7 février, une table ronde avec les principaux acteurs politiques et représentants de la société civile. Les partis d'opposition n'y ont pas participé au motif qu'ils n'avaient pas été consultés au sujet de l'ordre du jour. Les participants à la table ronde ont rejeté le concept d'« Azawad » ainsi que la proposition visant à établir des quotas afin de garantir la représentation de toutes les communautés dans les institutions publiques. La MINUSMA a organisé trois ateliers avec les partis politiques de la majorité présidentielle et de l'opposition (7 et 8 janvier), avec des femmes (13 et 14 janvier) et avec des chefs de file de groupes de jeunes (16 et 17 janvier) afin de les informer de manière générale du processus ayant abouti à la rédaction du projet d'accord de paix ainsi que de son contenu.
5. Le 22 janvier, après de violents affrontements armés entre la Coordination et la Plateforme à Tabankort (région de Gao) et dans ses environs, l'Algérie a présidé à Alger une réunion consacrée aux conditions de sécurité dans le nord du Mali, qui a réuni le Gouvernement malien, la Coordination et mon Représentant spécial pour le Mali, Mongi Hamdi. À l'issue de cette réunion, le Ministre algérien des affaires étrangères, Ramtane Lamamra, et mon Représentant spécial ont publié un communiqué dans lequel ils appelaient à l'arrêt immédiat des hostilités, au respect de l'accord de cessez-le-feu du 23 mai 2014, en particulier à Intillit, Tabankort, Tarkint et Tessit (région de Gao), et à l'organisation rapide d'une réunion de la Commission technique mixte de sécurité. Ils annonçaient également le déploiement de soldats de la MINUSMA dans les régions occupées par les groupes armés afin de protéger les civils. La Plateforme, qui n'avait pas participé à la réunion, a dénoncé ce communiqué et les références à des zones sous son contrôle.
6. Du 5 au 9 février, mon Représentant spécial a organisé à Alger une réunion extraordinaire du Comité de suivi et d'évaluation, créé par l'Accord préliminaire de Ouagadougou du 18 juin 2013, afin que les parties réaffirment leur engagement en faveur de la cessation des hostilités et des dispositifs de contrôle du cessez-le-feu. Le 14 février, il a publié un résumé du Président du Comité dans lequel il était demandé aux parties de mettre fin aux hostilités, de s'abstenir de tout acte de provocation et de garantir un contexte propice à la tenue des pourparlers. Parallèlement, mon Représentant spécial et l'Algérie ont facilité la signature, par les parties le 19 février, d'une déclaration dans laquelle elles réaffirmaient leur engagement en faveur de la cessation des hostilités et leur participation aux dispositifs de contrôle du cessez-le-feu.
7. La cinquième série de pourparlers dans le cadre du dialogue intermalien s'est tenue à Alger du 16 février au 1er mars en présence de hauts représentants de toutes les parties. Au cours de cette période, la médiation a tenu séparément avec chaque partie des négociations sur le projet d'accord de paix. Les parties ont qualifié le document de bonne base de négociation, mais leur position sur les questions de fond n'avait pas changé; le Gouvernement malien continuait de s'opposer à toute forme de fédéralisme, à une révision de la Constitution et à l'emploi du terme « Azawad » dans l'accord, affirmant qu'il s'agissait d'une tactique de la Coordination pour ouvrir la voie à la sécession. La Coordination a maintenu son exigence de fédéralisme et de reconnaissance de l'« Azawad » en tant qu'entité politique, géographique et culturelle incluant les régions de Gao, de Kidal et de Tombouctou. Elle a également réaffirmé son opposition au retour des forces de défense maliennes et de sécurité dans le nord du pays et redit que les forces de sécurité de même que la gestion des ressources naturelles devaient être dirigées par le peuple de l'« Azawad ». La Plateforme a de nouveau demandé que les autorités régionales soient directement élues et que les Forces de défense et de sécurité maliennes, incluant d'anciens combattants de la Plateforme, soient rapidement déployées dans le nord du pays. Elle a également proposé que la gestion des ressources nationales relève de l'État et des autorités régionales.
8. Le 25 février, la médiation a soumis aux parties un projet d'accord révisé incorporant certaines de leurs observations afin de parvenir à un compromis. Ce projet révisé propose un ensemble de mesures en matière politique, de sécurité et de développement qui visent à accroître la régionalisation tout en assurant l'unité de l'État malien, à savoir : a) le renforcement des pouvoirs des assemblées régionales et des administrations locales, la création d'une deuxième chambre du Parlement et l'instauration de quotas garantissant la représentation de la population du nord dans les institutions publiques, sous réserve d'une révision de la Constitution; b) le retour des Forces de défense et de sécurité maliennes dans le nord du pays, l'intégration des anciens combattants des groupes armés dans une nouvelle Force malienne dans le cadre d'un processus complet de désarmement, de démobilisation et de réintégration, et la création de forces de police locales dans le nord du pays; c) la création de zones de développement économique dans les trois régions du nord et la possibilité de coopération entre les régions; et d) une conférence nationale chargée de régler les questions en suspens, en particulier la mention de l'« Azawad ». Ce projet d'accord prévoit une période de transition de 18 à 24 mois et la création d'un Comité de suivi de l'accord (CSA), présidé par l'Algérie, qui devra appuyer et superviser les efforts déployés pour mettre l'accord en œuvre. La MINUSMA dirigerait le secrétariat de ce comité.
9. Lorsqu'elle a présenté ce projet, la médiation a annoncé qu'aucune modification de fond ne serait acceptée et invité les parties à le parapher. Le 1er mars, le Gouvernement, la Plateforme, tous les membres de l'équipe de médiation, ainsi que la France, en sa qualité d'observatrice des pourparlers, ont paraphé le texte, tandis que la Coordination a demandé un délai supplémentaire pour consulter ses mandants. Suite aux pourparlers d'Alger, le Premier Ministre nigérien, Brigi Rafini, a organisé, à Niamey le 8 mars, une réunion des responsables de la Coordination sur le projet d'accord de paix. Mon Représentant spécial a également participé à cette réunion à laquelle la MINUSMA a apporté un soutien logistique.
10. Les dirigeants de la Coordination ont poursuivi les consultations avec leurs partisans à Kidal du 12 au 15 mars et, le 15 mars, la Coordination a publié un communiqué dans lequel elle déclarait que le projet d'accord ne tenait pas compte des aspirations du peuple de l'« Azawad » et demandait à rencontrer la médiation et les partenaires internationaux afin d'examiner quelle serait la prochaine étape. Le 17 mars, mon Représentant spécial a dirigé une délégation regroupant les principaux membres de la médiation et des représentants de la Chine, de la France et de la Fédération de Russie qui s'est rendue à Kidal. La délégation a redit aux responsables de la Coordination que les négociations ne seraient pas rouvertes et que le projet d'accord ne serait pas révisé. Les membres de la délégation ont néanmoins accepté de poursuivre les consultations afin que certaines observations de la Coordination puissent être prises en compte lors de la phase d'application. À l'issue de la réunion, la Coordination a publié une déclaration dans laquelle elle demandait à la médiation de prendre en compte plusieurs observations concernant le projet d'accord de paix afin qu'elle puisse le signer. Le même jour, le Gouvernement a indiqué qu'il n'accepterait pas de rouvrir les négociations sur le projet d'accord. Dans un communiqué du 18 mars, la médiation a redit que les négociations étaient terminées mais que les préoccupations de la Coordination pourraient être abordées lors que la phase d'application. Elle a décidé que l'Algérie inviterait les responsables de la Coordination à Alger afin de déterminer la marche à suivre pour parapher et signer l'accord de paix.
Autres faits politiques importants
11. Pendant ce temps, le 8 janvier, le Président malien, Ibrahim Boubacar Keïta, a accepté la démission du Premier Ministre Moussa Mara et nommé en remplacement Modibo Keïta, son ancien Haut-Représentant pour le dialogue inclusif intermalien. Le 10 janvier, le nouveau Premier Ministre a constitué un gouvernement de 29 ministres, dont 6 occupaient ces fonctions pour la première fois et 3 étaient des femmes. Aucun ministre de l'ancien gouvernement visé par des allégations de corruption ne fait partie du nouveau gouvernement.
12. Le 19 février, l'Assemblée nationale a adopté un projet de loi sur le statut de l'opposition qui officialise les droits, obligations et devoirs de l'opposition et fixe les modalités de désignation du chef de l'opposition, qui en sera le porte-parole et qui aura les mêmes prérogatives que le Premier Vice-Président de l'Assemblée nationale. Les activités et devoirs officiels du chef de l'opposition seront financés par le budget de l'État.
13. Le 31 décembre 2014, le Gouvernement a achevé le recensement administratif à vocation d'état civil dans le pays qui a permis d'inscrire 1 879 419 personnes, dont 448 374 pour la première fois. Le nombre d'électeurs maliens est désormais d e 7 476 379. Avec l'appui de l'Équipe intégrée des Nations Unies pour l'appui électoral, le Gouvernement a actualisé la liste électorale et créé une nouvelle liste électorale biométrique pour les prochaines élections municipales et régionales. Le 18 février, un décret ministériel a fixé la date des élections communales et régionales au 26 avril. Cependant, le Ministre de l'administration territoriale et de la décentralisation a par la suite proposé de reporter ces élections pour la troisième fois, sans fixer de nouvelle date, au motif de l'instabilité des régions du nord et de l'absence de responsables de l'administration publique dans de nombreux districts du nord du pays.
III. Sécurité, stabilisation et protection des civils
14. La période à l'examen a été dominée par une forte hausse de l'insécurité liée à l'augmentation des affrontements entre les groupes armés de la Coordination et de la Plateforme, au banditisme à grande échelle, dirigée en particulier contre les véhicules et les convois, et au grand nombre d'actions extrémistes violentes. Les groupes extrémistes ont continué à mener des opérations dans la région de Kidal et notamment à attaquer la MINUSMA et les forces françaises de l'Opération Barkhane, et se sont montrés de plus en plus actifs dans d'autres régions, notamment celles de Mopti et de Ségou dans l'ouest du Mali.
Affrontements entre les groupes armés qui respectent le processus de paix
15. Le 20 décembre, les combattants du MAA ralliés à la Coordination basés à Ber et à Didi (région de To mbouctou) ont attaqué Bamba (région de Gao) avant d'être repoussés par la Plateforme. Les combattants du MAA ralliés à la Plateforme et du GATIA basés à Tabankort (région de Gao) ont riposté en prenant Zahro (région de Tombouctou) à la Coordination le 24 décembre. Bamba et Zahro sont deux points de passage sur la rive nord du Niger. Le 1er janvier, le GATIA a menacé d'attaquer Ber si la Coordination refusait de libérer six de ses membres qu'elle avait fait prisonniers. La MINUSMA est intervenue auprès des dirigeants du GATIA, les prévenant qu'elle emploierait la force, conformément à son mandat et à ses règles d'engagement et de comportement s'il s attaquaient Ber et mettaient les soldats de la paix et la population locale en danger imminent. Le GATIA s'est retiré de la périphérie de Ber à Zahro le 3 janvier, et de Bamba au cours de la deuxième quinzaine de janvier. Les Forces armées maliennes ont installé un poste à Bamba début février, ce qui a renforcé les allégations - largement répandues - de collusion entre la Plateforme et le Gouvernement.
16. De nombreux affrontements dans le nord du Mali, y compris à Bamba et Zahro entre le 20 et le 24 décembre, s'expliquent par l a lutte pour le contrôle des routes stratégiques pour le commerce et les trafics. Suite à la fermeture du point de passage voisin de Didi sur le Niger, le contrôle de Bamba et de Zahro, situées sur la rive nord du fleuve, est devenu essentiel pour les trafics à travers le Sahel. Par exemple, des photos aériennes prises par les drones de la MINUSMA le 24 décembre montrent deux convois de camions transportant des cigarettes escortés par différents groupes armés. La MINUSMA a également reçu des informations concernant des tensions entre les factions de la Coordination au sujet du contrôle des routes commerciales. Début février, à Ménaka (région de Gao), le MNLA aurait détourné, depuis Gao vers le Niger, un camion transportant des médicaments qui se trouvait sous la protection du MAA rallié à la Coordination.
17. Les conséquences des affrontements sur les civils à Tabankort (région de Gao et ses environs) étaient particulièrement préoccupantes. Les tensions croissantes entre la Coordination et la Plateforme ont conduit la MINUSMA à envoyer des patrouilles de longue distance et à déployer une unité de 36 soldats à Tabankort le 12 janvier. Le 16 janvier, la Coordination a attaqué des positions de la Plateforme dans la ville. Vingt-deux civils se sont réfugiés dans le camp provisoire de la MINUSMA, où la Mission a renforcé sa présence. Le 17 janvier, au moins six combattants du GATIA auraient été tués et plusieurs autres auraient été blessés. Au cours des combats pour Tabankort, la MINUSMA a organisé l'évacuation sanitaire de 13 civils et de 6 blessés de la Plateforme et fourni des soins à 25 combattants de la Plateforme. Par la suite, elle a mené deux missions intégrées visant à évaluer les répercussions des combats sur les civils et à encourager les responsables communautaires à prendre des mesures de réconciliation.
18. Les affrontements se sont néanmoins poursuivis et, le 20 janvier, la Coordination a tiré à la mitrailleuse lourde et lancé des roquettes sur Tabankort, près de la position de la MINUSMA et de sites civils. La MINUSMA a envoyé deux hélicoptères d'attaque pour surveiller la situation et prévenir tout autre tir. Quand la Coordination a continué à tirer des roquettes, les hélicoptères de la MINUSMA ont tiré des coups de semonce, mais les tirs ont continué. Par conséquent, conformément au mandat et aux règles d'engagement et de comportement de la Mission, ils ont détruit le lance-roquettes. Le MNLA a publié une déclaration dans laquelle il accusait la MINUSMA d'avoir tué et blessé certains de ces hommes. Le 21 janvier, la Plateforme a affirmé que ses forces avaient détruit les positions de la Coordination et demandé à la MINUSMA de permettre aux groupes armés de continuer à combattre à Tabankort.
19. La réaction énergique de la MINUSMA à Tabankort a entraîné une série de manifestations pour et contre la Mission. Les partisans de la Coordination ont manifesté contre la MINUSMA le 21 janvier à Kidal, où ils ont dégradé la piste d'atterrissage qu'ils ont occupée jusqu'au 16 février, et ont manifesté à Ménaka le 22 janvier. À Ber en revanche, la population a ignoré les appels à manifester lancés par la Coordination du fait du rôle que la MINUSMA a joué en janvier 2015 pour empêcher l'attaque du GATIA contre la ville. À Gao, des associations de jeunes ont organisé le 23 janvier une manifestation de soutien à la MINUSMA.
20. Pendant ce temps, conformément à son mandat de bons offices, la Mission a tenté de faciliter l'instauration d'un cessez-le-feu local à Tabankort pour prévenir toute nouvelle violence et d'obtenir le retrait des groupes armés de la Coordination et de la Plateforme de Tabankort, ainsi que la création d'une zone de sécurité provisoire exempte d'armes entre Almoustarat (région de Gao) et Anéfis (région de Kidal). Au cours des consultations menées en parallèle avec la Coordination et la Plateforme sur un éventuel cessez-le-feu, la Coordination a détourné un document de travail signé avec la MINUSMA en y ajoutant son logo et celui de l'ONU, et en le publiant sur le site d'un média social le 24 janvier. Les autorités maliennes, la Plateforme et les groupes de la société civile ont exprimé leur profond désaccord avec ce document et accusé la MINUSMA d'essayer de déplacer les groupes armés de la Plateforme hors de la zone. Le 25 janvier, une délégation de représentants de groupes de jeunes et de groupes armés de la Plateforme à Gao a prévenu la MINUSMA que des manifestations seraient organisées pour protester contre l'accord qu'elle aurait conclu avec la Coordination.
21. Le 26 janvier, à Gao, un rassemblement organisé par ces mêmes groupes de jeunes et représentants de la Plateforme ont dégénéré : des manifestants ont lancé des pierres sur le camp de la MINUSMA et exigé qu'elle dénonce le soi -disant accord et son contenu. Le 27 janvier, les manifestants ont tenté de forcer l'entrée du camp en lançant des pierres et des cocktails Molotov contre les unités de police constituées. La MINUSMA a riposté avec des gaz lacrymogènes et des tirs de semonce; des coups de feu ont été également tirés en direction des manifestants. L'hôpital régional de Gao a par la suite indiqué que 3 manifestants avaient été tués et que 18 autres avaient été blessés, dont 4 par balles. Cinq policiers des unités de police constituées de la MINUSMA ont également été blessés. Le 28 janvier, des manifestants ont lancé des pierres sur un autre camp de la MINUSMA à Gao. La MINUSMA a employé des gaz lacrymogènes pour disperser la foule. Le 29 janvier, au cours de sa première visite à Gao depuis son entrée en fonctions, le Président Keïta a demandé aux acteurs locaux de continuer de coopérer avec la Mission. Il s'est rendu à l'hôpital de Gao où il a rencontré c eux qui avaient été blessés lors des manifestations, ainsi que des combattants du GATIA et du MAA ralliés à la Plateforme blessés à Tabankort. Le 29 janvier, j'ai annoncé l'ouverture d'une enquête visant à établir les faits survenus lors de la violente manifestation du 27 janvier à Gao et nommé trois experts indépendants chargés de mener rapidement des enquêtes approfondies. L'équipe d'enquête a débuté ses travaux à Bamako et à Gao le 20 février. Son rapport devrait être prêt fin mars.
22. Le 8 février, 17 combattants du MAA ralliés à la Coordination sont arrivés à bord de véhicules armés à Agouni (région de Tombouctou) et ont occupé la ville. Ils ont remplacé le drapeau malien accroché à la mairie par le drapeau du MAA rallié à la Coordination. Les écoles ont été fermées, les acteurs humanitaires ont suspendu leurs opérations et les véhicules le transport ont cessé de se rendre à Agouni. Le 26 février, l'Équipe mixte d'observation et de vérification de Tombouctou, opérationnelle depuis janvier, a conduit sa pre mière mission d'évaluation à Agouni. Les membres de cette équipe étaient au complet le 10 mars avec l'arrivée de membres du Mouvement national pour la libération de l'Azawad et du Haut Conseil pour l'unité de l'Azawad.
23. La MINUSMA a continué de s'employer à mettre en place la Commission technique mixte de sécurité en créant un secrétariat permanent disposant de capacités propres. Les équipes mixtes d'observation et de vérification ont mené des missions d'évaluation dans les six lieux dont les parties se disputent le contrôle. La reprise des hostilités a cependant contrarié le programme de travail de la Commission technique et entraîné l'annulation de sa réunion mensuelle de février. La Coordination n'est toujours pas membre de la Commission technique mixte de sécurité car elle conteste la participation du GATIA, qui n'a pas signé la feuille de route du 24 juillet 2014. La mise en place de l'équipe mixte d'observation et de vérification de Kidal est restée au point mort.
Attaques perpétrées par des groupes extrémistes violents
24. Au cours de la période à l'examen, les activités des groupes extrémistes violents ont augmenté, notamment les attaques contre des civils. La MINUSMA a enregistré 10 attaques en décembre (9 contre la Mission, 1 contre des civils), 18 en janvier (9 contre la Mission, 7 contre des civils, 1 contre les Forces de défense et de sécurité maliennes et le personnel du gouvernement, 1 contre le MNLA), 14 en février (3 contre la Mission, 1 contre l'Opération Barkhane, 5 contre les Forces de défense et de sécurité maliennes et 5 contre des civils); et 13 entre le 1er et le 16 mars (4 contre la Mission, 2 contre l'Opération Barkhane, 2 contre les Forces armées maliennes et 5 contre des civils). Les attaques contre les soldats de la paix ont fait 3 morts et 35 blessés au cours de la période à l'examen.
25. Le 24 décembre, dans la région de Gao, deux obus de mortier ont atterri près du camp de la MINUSMA/de l'Opération Barkhane à Ansongo sans faire de victimes ni causer de dégâts. Le 29 décembre, au moins 1 5 roquettes ou obus de mortier ont été tirés vers des infrastructures partagées par la MINUSMA, l'Opération Barkhane et les Forces armées maliennes à Tessalit (région de Kidal), dont 1 a atterri dans l'enceinte du camp, détruisant un véhicule des Forces armées maliennes. Le 31 décembre, au moins trois roquettes ou obus de mortier ont atterri près de la piste d'atterrissage de Tessalit. Le 17 janvier, une attaque complexe a été lancée contre le camp de la MINUSMA/l'Opération Barkhane à Kidal. Deux véhicules piégés ont explosé à l'entrée nord du camp et à un poste de contrôle de la MINUSMA, situé à 1 kilomètre à l'est du camp, tandis qu'au moins huit roquettes et mortiers étaient tirés contre le camp. Les soldats de la MINUSMA ont repoussé les assaillants mais un soldat de la paix, qui était au poste de passage a été tué et un autre a été blessé. Le 8 mars, six obus ont atterri dans l'enceinte du camp, tuant un soldat de la paix et en blessant huit autres. Les forces de la MINUSMA et de l'Opération Barkhane ont riposté et mis fin à l'attaque. Au cours de l'attaque, deux obus ont touché un campement civil, tuant trois personnes et en blessant deux autres. Les blessés ont été évacués par les forces de la MINUSMA et de l'Opération Barkhane.
26. Des attaques à l'aide d'engins explosifs improvisés de plus en plus sophistiqués se sont poursuivies sans relâche dans toute la zone d'opérations de la Mission. Entre le 17 décembre et le 16 mars, la MINUSMA a enregistré 10 attaques contre son personnel qui ont tué l'un de ses me mbres et en ont blessé 28 (11 blessés dans la région de Kidal; 1 tué et 16 blessés dans la région de Gao; 1 blessé dans la région de Ségou). Le 18 décembre, trois soldats de la paix ont été blessés lorsque leur véhicule a heurté un dispositif explosif à 200 mètres du camp de la Mission à Aguelhok (région de Kidal). Les soldats de la MINUSMA ont poursuivi et arrêté les suspects, membres du Haut Conseil pour l'unité de l'Azawad, qu'ils ont remis à la gendarmerie malienne le 21 décembre. Les 27 et 28 décembre, deux engins explosifs improvisés télécommandés repérés sur des véhicules des Nations Unies stationnés à Gao ont été neutralisés. Le 21 janvier, un véhicule de la MINUSMA qui avait touché un engin explosif improvisé à 60 kilomètres à l'est d'Ansongo a été la cible de tirs d'assaillants non identifiés. Un soldat de la paix grièvement blessé a succombé à ses blessures.
27. Une intensification de l'activité des groupes extrémistes a été signalée dans les régions auparavant épargnées de Ségou et de Mopti. Pour la première fois, Bamako. a été visée. Le 5 janvier, des hommes armés ont attaqué Nampala (région de Ségou) près de la frontière mauritanienne, tuant 11 soldats des Forces armées maliennes et en blessant trois. Le 6 janvier, des hommes armés ont attaqué Dioura (région de Mopti), à 50 kilomètres au sud-ouest de Nampala, et ont incendié la mairie et la préfecture. Le 8 janvier, des hommes armés ont attaqué la préfecture de Tenenkou dans la région de Mopti. Le 16 janvier, un nouveau groupe extrémiste violent, le Front de libération du Macina, a revendiqué cette attaque. Le même jour, lors de combats contre des hommes armés à Tenenkou, trois soldats des Forces armées maliennes ont été tués et cinq autres ont été blessés. Le 14 février, une attaque menée par des hommes armés contre des positions des Forces armées maliennes dans le Cercle de Youwarou (région de Mopti) a fait deux morts et six blessés parmi les soldats et six morts parmi les insurgés. Le 7 mars, deux hommes armés ont ouvert le feu dans un restaurant de Bamako, tuant cinq personnes et en blessant neuf autres, y compris deux membres du personnel recrutés sur le plan international détachés au Service de la lutte antimines de l'ONU. Le même jour, Al Mourabitoun a revendiqué cette attaque dans une vidéo diffusée par une agence de presse mauritanienne.
Protection des civils
28. Le 6 mars, la MINUSMA a adopté une stratégie globale qui définit un cadre cohérent et coordonné pour l'exécution de son mandat de protection des civils. Du personnel de protection a été déployé dans le bureaux de Gao et de Tombouctou. Entre le 19 et le 24 février, des membres des composantes militaire et civile de la MINUSMA se sont rendus dans une zone isolée située au sud d'Ansongo où il y avait eu de nombreux incidents violents afin de renforcer la sécurité des civils et de mieux faire connaître le mandat de la Mission à la population. La Mission souhaite faire de même ailleurs dans le pays. Le 12 février, la MINUSMA a lancé Radio Mikado à Gao et à Tombouctou pour s'adresser direct ement à la population locale, notamment pour faire connaître son mandat et ses fonctions. Elle envisage d'étendre cette radiodiffusion à d'autres régions.
IV. Rétablissement de l'autorité de l'État
29. Concernant le rétablissement de l'autorité de l'État, on constate dans certaines régions du nord du pays un retour en arrière par rapport aux progrès accomplis début 2014. Aucune avancée notable n'a été effectuée en ce qui concerne le déploiement des forces de sécurité maliennes (police nationale, protection civile, gendarmerie et garde nationale). Au 15 mars, 1 995 membres des services de sécurité seulement étaient en poste dans le nord du Mali, jusqu'à Bourem (région de Gao). Un sentiment général d'insécurité persiste dans les localités où la présence des forces de sécurité est réduite au minimum, par exemple à Baye et à Ouenkoro (région de Mopti). En moyenne, dans les régions de Gao, de Mopti et de Tombouctou, 95 % des préfets sont à leur poste et assurent leurs fonctions, de même que 75 % des sous-préfets, soit 5 % de moins qu'au cours de la période précédente. Six d'entre eux ont quitté le Cercle de Tenenkou à la suite des attaques perpétrées en janvier. La région de Kidal reste dépourvue de toute présence de l'administration publique. Le 10 février, le Ministère de l'administration territoriale et de la décentralisation a ordonné à tous les représentants de l'État chargés de l'administration à Kidal de se rendre à Gao en attendant leur retour dans la région. Soixante-sept pour cent des membres du personnel judiciaire et pénitentiaire prévus sont en place dans le nord du Mali. Malgré la promulgation, le 26 décembre, de deux décrets reconduisant les magistrats dans leurs fonctions au sein des juridictions, seuls 7 des 12 tribunaux et bureaux du Procureur associés et 7 des 12 prisons restent opérationnels.
30. Aucune amélioration n'a été observée en ce qui concerne l'accès aux services de base dans le nord du Mali. Quatre-vingt-douze pour cent des centres de santé dans les quatre régions du nord du pays sont opérationnels, mais tous dépendent de l'aide des organisations humanitaires. Jusqu' à 58 % des infrastructures d'approvisionnement en eau des régions de Gao, de Kidal et de Tombouctou sont toujours hors service. Dans les régions de Mopti et de Ségou, 67 écoles ont fermé leurs portes à la suite des attaques du mois de janvier, privant 9 134 élèves d'éducation. Dans la région de Kidal, toutes les écoles sont restées officiellement fermées pour la quatrième année consécutive, mais certaines communautés sont parvenues, de leur propre initiative, à organiser des cours non officiels dans 14 écoles.
31. Le 4 mars, la MINUSMA a entamé la rénovation de l'École de police dans le cadre d'un projet de 4,5 millions de dollars financé par le Gouvernement japonais. Au cours de la période considérée, la police de la MINUSMA a renforcé sa cellule de lutte contre la criminalité transnationale organisée, qui compte désormais 17 agents, dont 4 installés dans les bureaux des unités maliennes chargées de la question. La police de la MINUSMA a continué à fournir une assistance technique aux agents de la police malienne, à contribuer au renforcement de leurs capacités et à organiser des programmes de mentorat et des stages de formation spécialisés à leur intention.
32. La Mission de soutien de l'Union européenne au Mali est officiellement présente dans le pays depuis le 10 février 2015 et dispose actuellement de 39 agents sur le terrain. Si les modalités de la collaboration entre les Nations Unies et l'Union européenne restent encore à définir, de même que la division du travail, des attachés de liaison ont déjà été nommés et, en février, des spécialistes de la police des deux missions ont dispensé conjointement une formation aux agents maliens chargés du maintien de l'ordre.
33. La MINUSMA a continué d'œuvrer au développement des structures de coordination du plan de réforme du secteur de la sécurité et du programme de désarmement, de démobilisation et de réintégration en créant un groupe de travail technique chargé de coordonner les initiatives internationales menées à l'appui du Conseil national pour la réforme du secteur de la sécurité. Des représentants de la MINUSMA, de l'Union européenne, de la CEDEAO, des missions de formation et de soutien de l'Union européenne au Mali ont participé à la première réunion du groupe de travail technique, qui s'est tenue le 20 février.
V. Droits de l'homme
34. La MINUSMA a recueilli des preuves de violations des droits de l'homme et du droit international humanitaire, lesquelles vont des arrestations arbitraires et des disparitions forcées aux victimes civiles et aux mauvais traitements. Le 1er janvier, des combattants du GATIA ont roué de coups deux conducteurs et se sont emparé de leurs véhicules à un barrage à Ber. Le 7 janvier, des membres de ce même groupe ont infligé des mauvais traitements à deux hommes de la communauté touareg qu'ils ont arrêtés à Tessit (région de Gao). Le 23 janvier, à Tin-Wazadi (région de Tombouctou), une femme a été tuée par balle et son enfant blessé au cours d' affrontements entre le MNLA et la CMFPR-1. Le 28 janvier, à Didi, des membres du MNLA ont tiré sur un homme de la communauté songhai qui avait refusé de s'arrêter à un barrage, le blessant à la jambe. Enfin, le 30 janvier, à Kano (région de Tombouctou), la Coordination a arrêté arbitrairement 54 personnes, dont des enfants, et les a détenus à Ber jusqu 'au 3 février.
35. Le fait que la Plateforme et la Coordination continuent de détenir arbitrairement des civils pour des motifs ethniques pendant des périodes prolongées est particulièrement préoccupant. Autour du 20 janvier, le MNLA a arrêté quatre combattants du GATIA à Tabankort et les a retenus à Kidal. Le 11 février, des membres du GATIA ont arrêté cinq hommes et deux garçons à Ersane (région de Gao) et les ont remis aux Forces armées maliennes et à la gendarmerie. Ils ont tous été remis en liberté le 21 février, sans qu'aucune poursuite n'ait été engagée. À la mi-février, la Plateforme a relâché six personnes à Tabankort, et la Coordination a relâché cinq personnes à Ber. Étant donné que les civils mentionnés ont été enlevés et retenus illégalement, sans qu'ils soient liés aux hostilités, représentent une menace pour la sécurité ou aient commis un crime, et qu'ils ont uniquement été relâchés dans le cadre d'un échange de prisonniers, les actes de la Coordination et de la Plateforme peuvent être qualifiés de prise d'otage. La MINUSMA est consciente que d'autres civils sont toujours aux mains de groupes armés, dont trois personnes que la Plateforme détient depuis janvier, probablement à Tabankort. Un conseiller âgé et un partisan du MNLA de la ville d'Anéfis ont été arrêtés par la Plateforme le 20 janvier alors qu' ils se rendaient à Tabankort. Tous deux sont morts en captivité.
36. Aucun progrès n' a été accompli en ce qui concerne la poursuite des auteurs présumés de violations des droits de l'homme par les autorités maliennes. Les deux procès intentés contre le général Sanogo sont restés au même stade, l'un à l'instruction et l'autre à la mise en accusation. Des enquêtes sont toujours en cours sur les événements suivants : le meurtre de 16 pasteurs dans un camp des Forces armées maliennes à Dyabali (région de Ségou) en septembre 2012; l'exécution sommaire de trois membres de la communauté touareg par des soldats des Forces armées maliennes en février 2014 à Djébock (région de Gao); la mort par balle d'un détenu non armé par des agents pénitentiaires le 3 octobre 2014 à Gao; l'utilisation de son arme par un soldat des Forces armées, dans un lieu public à Gao, qui a fait un mort et cinq blessés le 16 novembre 2014. Par ailleurs, aucune enquête n'a encore été ouverte sur le meurtre, le 12 avril 2014, d'un homme de la communauté dogon par des policiers à Mopti.
37. Au 11 mars, 236 personnes étaient toujours détenues par les autorités maliennes pour des raisons liées au conflit qui sévit depuis 2012. La libération de 26 de ces détenus avait été réclamée par des groupes armés dans le cadre des mesures de confiance prévues dans l'accord préliminaire de Ouagadougou. Le 18 décembre, pour la première fois, la Cour d'Assises de Bamako a rendu son jugement sur une affaire relative au conflit et a prononcé une condamnation de cinq ans de prison pour conspiration, insurrection, terrorisme et détention illégale d'armes et de munitions de guerre.
Violations des droits de la femme
38. En ce qui concerne les 80 plaintes déposées en novembre 2014 par des organisations non gouvernementales locales de défense des droits de l'homme au sujet de violences sexuelles que des membres de groupes armés auraient commises en 2012, les poursuites judiciaires n'ont pas avancé. Des juges doivent encore être désignés responsables pour statuer sur ces affaires. Vingt-quatre autres dossiers, également introduits par des organisations non gouvernementales, sont encore devant le tribunal de première instance de Tombouctou, étant donné que celui de la Commune III de Bamako, qui est chargé par la Cour suprême de traiter toutes les affaires relatives au conflit, n' a pas encore nommé les membres de la commission qui se prononcera sur leur éventuel renvoi de Tombouctou à Bamako.
Violations des droits de l'enfant
39. Des enfants ont encore été aperçus dans les rangs du MNLA, du HCUA et du GATIA, et le MNLA, le HCUA, le MNA allié à la Coordination, le MNA allié à la Plateforme et la CPA ont continué d'occuper 20 écoles dans les régions de Gao, de Kidal et de Tombouctou. Du 16 au 18 décembre, la MINUSMA a tenu des discussions avec le MNLA et la HCUA à Kidal au sujet du recrutement et de l'emploi présumés d'enfants. Le HCUA s'est engagé à évaluer l'âge de ses combattants et à démobiliser ceux qui seraient mineurs. Le MNLA, qui est connu pour recruter et utiliser un grand nombre d'enfants, a affirmé qu'il avait interdit à ses combattants de se livrer à cette forme de violation des droits de l'enfant.
40. Quatre cas de violence sexuelle contre des enfants âgés de 11 à 15 ans ont été signalés, lesquels auraient tous été commis par des membres des Forces de défense et de sécurité maliennes dans la région de Gao en octobre et en novembre 2014. Des soins médicaux ont été dispensés aux quatre enfants concernés. Dans trois des cas, des enquêtes sont en cours et la gendarmerie malienne a arrêté un suspect et un complice. Dans le dernier cas, l'auteur présumé des faits, un officier supérieur de police, a été transféré vers un autre lieu d'affectation par les autorités de police maliennes.
41. La MINUSMA et le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) continuent de surveiller les conditions de détention des enfants dans les prisons de Bamako. Les autorités maliennes en ont libéré un le 25 février mais n'ont pas pu confirmer où se trouvaient les trois autres mineurs qui avaient été arrêtés auparavant. Au 17 mars, six enfants étaient encore détenus à Bamako pour association présumée avec des groupes armés, dont un depuis pas moins de deux ans, ce qui est contraire au protocole du 1er juillet 2013 sur la libération et la réintégration des enfants associés aux forces et groupes armés.
VI. Aide humanitaire
42. La dégradation des conditions de sécurité a continué d'entraver l'acheminement de l'aide humanitaire dans le nord du Mali. Au cours de la période considérée, des individus se sont emparés de sept véhicules appartenant à des organisations humanitaires : quatre sur l'axe Tombouctou-Goundam (région de Tombouctou) et trois dans le Cercle de Bourem (région de Gao). La MINUSMA et les Forces armées maliennes ont effectué des patrouilles coordonnées le long de l'axe Tombouctou-Goundam. Dans les régions de Mopti et de Ségou, les attaques de janvier ont provoqué le retrait temporaire de trois organisations non gouvernementales internationales pendant environ un mois. De même, la fermeture provisoire de l'aéroport de Kidal en janvier et en février a fortement compliqué la fourniture de l'aide humanitaire dans cette région. Depuis le 16 février, le Programme alimentaire mondial a interrompu ses livraisons d'aide alimentaire aux cantines des écoles de 10 communes de la région de Tombouctou pour des raisons de sécurité. Dans la même région, les autorités locales, les organismes des Nations Unies, des organisations non gouvernementales et la MINUSMA ont pris des mesures concrètes pour faciliter et améliorer l'acheminement de l'aide humanitaire, dont certaines ont déjà été appliquées, notamment le renforcement de la présence et des patrouilles des Forces armées maliennes. La Direction générale Aide humanitaire et protection civile de la Commission européenne et les Services aériens d'aide humanitaire des Nations Unies ont augmenté le nombre de vols à destination du nord du Mali en janvier et en février, respectivement.
43. Une diminution a été observée dans le nombre de déplacés, avec 61 621 personnes en date du 31 décembre, contre 86 216 en octobre 2014. Le nombre de réfugiés maliens enregistrés dans les pays voisins a également baissé, avec 132 915 réfugiés enregistrés au 31 janvier contre 143 530 à la mi-novembre 2014.
44. Le plan stratégique d'intervention humanitaire de 2015, qui a été lancé par la Coordonnatrice des secours d'urgence le 12 février à New York, dans le cadre d'un appel de fonds mondial de 2 milliards de dollars pour aider le Sahel, a été présenté à Bamako le 26 février par le Coordonnateur des opérations humanitaires. Un budget de 377 millions de dollars est prévu pour la mise en œuvre du Plan de réponse stratégique pour le Mali, destiné pour moitié à répondre aux besoins de la population touchée par le conflit dans le nord et le centre du Mali, et pour moitié à remédier à l'insécurité alimentaire et à la malnutrition qui persistent dans l'ensemble du pays. Cet appel de fonds est inférieur de 200 millions de dollars à celui lancé en 2014, en raison de la mobilisation du Gouvernement et de la diminution des besoins déterminés sur le plan de la sécurité alimentaire.
45. Le 18 janvier 2015, le Gouvernement malien et l'Organisation mondiale de la Santé ont annoncé que l'épidémie d'Ebola au Mali avait été éradiquée, aucun nouveau cas n' ayant été enregistré dans le pays depuis 42 jours.
VII. Relèvement rapide et développement
46. Les 17 et 18 décembre, le mécanisme de financement des interventions rapides du Fonds pour la consolidation de la paix a annoncé qu'il allait financer quatre projets au Mali pour un montant total de 7,6 millions de dollars. Il s'agit de projets en faveur des femmes et des jeunes, des rapatriés, de l'éducation et du projet de regroupement qui seront mis en œuvre par le Programme des Nations Unies pour le développement, l'Organisation des Nations Unies pour le développement industriel, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, l'Organisation internationale pour les migrations, l'UNICEF, le Bureau des Nations Unies pour les services d'appui aux projets et la Mission sur une période de 18 mois, à compter de début 2015 à la mi-2016.
47. Le 19 décembre, la Mission et l'équipe de pays des Nations Unies ont terminé l'élaboration du Plan-cadre des Nations Unies pour l'aide au développement (PNUAD) pour la période 2015-2019. Doté d'une enveloppe de plus de 1,1 milliard de dollars, le Plan prévoit que les organismes, fonds et programmes des Nations Unies et la Mission appuieront les efforts déployés par le Gouvernement pour atteindre ses quatre objectifs prioritaires, à savoir : a) la paix, la sécurité et la réconciliation; b) la bonne gouvernance; c) l'accès aux services sociaux; et d) le développement durable.
48. Le 30 janvier, la Mission a lancé son plan de stabilisation et de relèvement pour la région de Gao, élaboré à la suite de larges consultations avec les autorités de la région, les partenaires techniques et financiers, et les organismes, fonds et programmes de Nations Unies, et fondé notamment sur une analyse de la sécurité et du conflit réalisée en partenariat avec le Groupe de centralisation du renseignement de la Mission. Le plan recense les zones prioritaires et propose des solutions concrètes correspondant à cinq grands objectifs : l'instauration de conditions de sécurité favorables, y compris la protection des civils; le rétablissement de l'autorité de l'État; le relèvement économique; la prestation de services sociaux de base; et la cohésion sociale. Des plans identiques élaborés pour les régions de Tombouctou et Mopti doivent encore être approuvés par les parties prenantes.
49. Du 28 au 30 janvier, l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) a organisé à Bamako une conférence internationale sur les manuscrits anciens du Mali, au cours de laquelle les participants ont souhaité qu' un plan d'urgence pour la sauvegarde des manuscrits soit élaboré et recommandé que les manuscrits soient archivés sous forme numérique à Bamako aux fins de leur conservation. En janvier, l'une des quatre bibliothèques privées de Tombouctou a pu être rénovée grâce à un projet à effet rapide mené conjointement par la Mission et l'UNESCO.
50. Le 4 février, les conclusions préliminaires de l'étude sur les incidences socioéconomiques de la présence de la MINUSMA, réalisée conjointement par la Mission et la Banque mondiale, ont été publiées. Elles montrent que, pour la première année, les dépenses de la Mission au Mali s'élèvent à près de 69 millions de dollars, soit environ 0,7 % du PIB malien, dont 45 % proviennent des dépenses directes du personnel et des contingents. Les dépenses de la Mission n'ont globalement pas entraîné d'inflation, même s'il semblerait que le prix de certains produits ait augmenté. L'étude a conclu que l'Organisation des Nations Unies et les donateurs internationaux constituaient une source d'emplois non négligeable, le nombre total d'emplois créés directement et indirectement se situant entre 2 000 et 3 000, et la Mission en ayant créé 670.
VIII. Élargissement et mise en œuvre opérationnelle de la Mission
51. Au 13 mars, 78 % du personnel civil de la Mission avait été déployé selon la répartition suivante : 80 % des postes soumis à un recrutement international autorisés, 79 % des postes de Volontaire des Nations Unies et 75 % de l'ensemble des postes soumis à recrutement national. L'effectif autorisé de 1 440 hommes de la composante police de la Mission était pourvu à 73 %, (63 % des policiers individuels et 76 % des effectifs des unités de police constituées), y compris une unité de police constituée supplémentaire en cours de déploiement. Quant à l'effectif militaire autorisé (11 200 hommes), il était déployé à 79 %.
52. Alors que le deuxième bataillon de réserve de la Mission a commencé son déploiement depuis le 26 février, le fait que certains éléments, dont un bataillon d'infanterie dans le secteur ouest et certaines unités d'hélicoptères, n'aient pas encore pu être déployés empêche toujours la force d'exécuter pleinement son mandat et de protéger comme il se doit les convois. En réponse aux attaques constantes qui visent les convois civils affrétés par la Mission, la force a fait tout son possible pour fournir des escortes bien que ses capacités soient considérablement sollicitées. Les convois de la Mission ont subi 11 attaques au total, dont une le 4 janvier à 60 kilomètres au nord de Gao, entre Anéfis et Gao, au cours de laquelle sept véhicules ont été incendiés sans que leur chargement ne soit endommagé, et une autre le 10 janvier, à 70 kilomètres à l'est d'Ansongo, au cours de laquelle deux camions ont été incendiés par deux hommes armés. La force de la MINUSMA a repoussé des attaques lancées contre des convois qu'elle escortait, comme par exemple le 10 mars, à 23 kilomètres au sud d'Almoustarat, quand un convoi de 31 véhicules de fournisseurs reliant Gao à Kidal a essuyé des tirs de mortiers et de mitrailleuses. Le 13 mars, quelque 30 assaillants ont tendu une embuscade à des véhicules escortés par la Mission près d'Indelimane, sur l'axe Ménaka-Ansongo. La force a riposté et capturé quatre des assaillants, qui ont été remis aux autorités maliennes à Bamako le 16 mars.
53. Des mesures ont été prises pour équiper les sites de déploiement éloignés et renforcer la capacité de la Mission de répondre aux urgences médicales. La Mission a établi un plan de rotation pour le secteur nord, y compris la région de Kidal, qui sera appliqué dès l'arrivée du bataillon de réserve. l'unité médicale de niveau II a été déplacée de Sévaré à Kidal et est pleinement opérationnelle. Depuis l'arrivée, en janvier, d'une unité aérienne militaire supplémentaire disposant d'un appareil de transport militaire tactique (CASA 295), la Mission est en mesure d'assurer des vols d'évacuation sanitaire depuis des sites où des aéronefs à voilure fixe peuvent se poser. Parallèlement, les évacuations sanitaires de nuit ont bénéficié de l'appui de l'Opération Barkhane. L'unité médicale de niveau I de la Mission, qui se trouve à Bamako, a été reclassée au niveau I+, étant équipée d'une petite salle d'opération et d'une petite salle de soins intensifs.
54. Les chantiers de la MINUSMA ont bien progressé malgré des conditions de sécurité difficiles. Au mois de janvier, les travaux de terrassement dans les camps intégrés de Gao, Kidal, Tessalit et Tombouctou ont permis de déployer des moyens militaires et de police supplémentaires dans le nord du Mali, en particulier de transférer un bataillon d'infanterie de Dyabali (région de Ségou) à Gao. Les principaux camps et la majorité des autres sites sont déjà occupés à des degrés divers, et le personnel prend possession des nouveaux bureaux et logements à mesure qu'ils sont construits. Les dispositions contractuelles relatives aux travaux dans six camps intégrés et sept camps militaires sont prêtes, et trois contrats supplémentaires devraient être attribués d'ici à la fin du mois de mars. À Bamako, la construction du nouveau quartier général de la Mission à proximité de l'aéroport progresse et le personnel devrait y être transféré à la fin de 2015.
55. La Mission a terminé l'extension des pistes d'atterrissage de Kidal et Tessalit à la fin du mois de décembre, augmentant ainsi la capacité de transport vers ces destinations, mais les problèmes de sécurité décrits à la section III ci-dessus du présent rapport ont entraîné la fermeture des pistes le temps qu 'elles soient réparées. Le 19 janvier, la piste de Tessalit a rouvert pour les urgences et un nombre limité d'opérations, dans l'attente de la fin de la construction de l'abri souterrain fortifié. L'impossibilité d'utiliser la piste de Kidal du 21 janvier au 16 février et la persistance des menaces pesant sur la sécurité des convois routiers ont retardé la construction des infrastructures nécessaires au déploiement d'une unité d'hélicoptères moyens de transport militaires, initialement prévu en mars et repoussé à la mi-mai.
56. La Mission a poursuivi son programme de lutte contre les engins explosifs improvisés. Entre le 17 décembre et le 8 mars, les deux compagnies de neutralisation, enlèvement, destruction des engins explosifs et d'inspection des routes ont réalisé 93 missions à l'appui des convois, déminé quotidiennement des routes et effectué des opérations de reconnaissance et de marquage à la suite d'explosions afin de neutraliser les engins explosifs improvisés et d'enlever les munitions non explosées. Le Service de la lutte antimines de l'ONU a assuré des formations à la neutralisation des engins explosifs improvisés à l'intention de 859 soldats, ainsi qu' une formation à l'utilisation des trousses individuelles de premiers secours à l'intention de 856 autres. Parmi les autres mesures mises en œuvre, on peut citer : la formation des compagnies de neutralisation, enlèvement et destruction des engins explosifs à leur arrivée; le transfert de sept véhicules à l'épreuve des mines à destination des contingents déployés dans le nord du pays; les préparatifs en vue de la formation préalable au déploiement des compagnies d'infanterie. En plus des membres du Service de la lutte antimines intégrés dans les huit équipes de neutralisation des engins explosifs présentes à Kidal, la Mission souhaiterait recruter du personnel qui formerait les soldats aux techniques d'atténuation des risques d'attaques asymétriques.
57. Compte tenu des évolutions notables de l'environnement opérationnel au Mali, tant sur le plan politique que sécuritaire, depuis la création de la MINUSMA en 2013, la Mission a entrepris une révision de son concept stratégique et des concepts opérationnels de ses composantes connexes pour mieux se concentrer sur un ensemble restreint de priorités politiques et de stabilisation grâce à un effort intégré.
IX. Observations
58. Aujourd'hui, le Mali se trouve à un tournant. Après huit mois de pourparlers organisés sous l'égide de la communauté internationale, les parties sont saisies d'un projet d'accord de paix. Si un accord est trouvé, il pourrait ouvrir la voie à la fin du conflit armé et au lancement d'un processus de réconciliation, de réforme et de développement sur le long terme, non seulement dans le nord mais dans l'ensemble du Mali. Les enjeux sont importants. La violence s'intensifie et s'étend au-delà du nord du Mali, avec des incidences sur la protection des droits fondamentaux et la sécurité des civils, qu'elle prive d'un accès à l'éducation, à la santé, et à d'autres services essentiels. De telles conditions favorisent le développement de l'extrémisme violent, de la criminalité organisée et des trafics qui, s'ils ne sont pas maîtrisés, menacent l'avenir même de l'État malien. Une intervention militaire ne peut mettre fin à ces menaces, qui ne pourront être contrées que par un processus politique sur le long terme débouchant sur des résultats tangibles. Le peuple du Mali ne mérite rien de moins.
59. Le niveau sans précédent de mobilisation de la communauté internationale en faveur de la paix témoigne de la gravité de la situation au Mali et témoigne de l'engagement déterminé en faveur du pays, de son peuple et de la région. Toutefois, c' est en dernier ressort aux Maliens que revient la décision de rechercher la paix. Tant que les parties en présence et les populations qu 'elles représentent n'auront pas la volonté de parvenir à un règlement politique définitif et de faire les concessions nécessaires pour que la paix s'installe durablement, les mesures prises par la communauté internationale auront un effet au mieux limité.
60. La paix ne pourra se faire sans un accord négocié. Néanmoins, ce n 'est que la première étape d'un long chemin vers la paix, la sécurité, la réconciliation et le développement que suppose la poursuite du dialogue. Le projet d'accord dont sont actuellement saisies les parties maliennes pose les bases d'un tel dialogue. Il aborde une grande partie des problèmes, politiques, institutionnels, sécuritaires et de développement, et pose les bases d'un règlement négocié pendant la phase de mise en œuvre. J'exhorte les parties maliennes à saisir cette occasion historique et à prendre leur avenir en main.
61. Je tiens à féliciter le chef algérien ainsi que les membres de l'équipe de médiation pour les efforts qu'ils ont déployés en vue d'aboutir à un règlement négocié. Si les parties maliennes sont disposées à conclure un accord, la communauté internationale s'est engagée à s'en porter garante et à appuyer activement sa mise en œuvre. Il est essentiel que les partenaires du Mali continuent de faire preuve de la même cohésion et, alors que le dialogue se poursuit, qu'ils commencent à mettre en place les mécanismes de mise en œuvre et d'appui, notamment financier, qui seront nécessaires pour garantir une paix durable.
62. Inévitablement, on observe un manque de confiance entre les parties maliennes. Les communautés sont polarisées. Des éléments perturbateurs, dont des extrémistes violents, chercheront à conserver un accès sans restriction au nord du Mali pour poursuivre leurs trafics et exploiter les populations civiles. Des mécanismes clairs et solides de mise en œuvre peuvent participer au renforcement de la confiance dans la perspective de l'instauration de la paix et permettre de résoudre les différends qui ne manqueront pas de se faire jour lorsque seront abordés les problèmes qui durent de longue date. L'ONU est prête à continuer d'appuyer le dialogue et la mise en œuvre d'un éventuel accord de paix. Mon Représentant spécial et la MINUSMA restent déterminés à exercer leurs bons offices, à aider à la réconciliation nationale et à favoriser la sécurité et l'application des dispositions d'un accord relatives à la défense et à la sécurité.
63. Alors que des avancées politiques étaient réalisées à Alger, il est regrettable de constater que les parties ont continué de violer le cessez-le-feu sur le terrain, notamment dans la vallée du Tilemsi (fin décembre 2014) et à Ber (janvier 2015). Je demande aux parties de s'abstenir de toute nouvelle action militaire susceptible de compromettre la réussite du processus de paix qui se trouve dans une phase délicate, et de s'acquitter de leurs engagements en respectant le cessez-le-feu, en appuyant les activités des organes chargés de gérer l'accord en la matière, des é quipes mixtes d'observation et de vérification et de la Commission technique mixte de sécurité.
64. Je reste vivement préoccupé par le risque de violence intercommunautaire et de manipulation de l'opinion publique à cette phase délicate du processus de paix. Il incombe à toutes les parties maliennes de communiquer avec les populations qu' elles représentent et de répondre aux doléances et aux préoccupations légitimes de façon pacifique. Elles ont aussi l'obligation de ne pas donner une image déformée du rôle de la Mission. La violente manifestation qui a eu lieu à Gao le 27 janvier contre un camp de la MINUSMA et fait plusieurs morts et blessés parmi les manifestants est très préoccupante. Je suis déterminé à faire toute la lumière sur les circonstances de cet évènement déplorable, et à déterminer le rôle et les responsabilités de l'ONU. L'équipe d'enquête indépendante que j'ai créée à cet effet conclura ses travaux à la fin du mois de mars.
65. Je condamne dans les termes les plus énergiques les attaques visant les civils et le personnel des Nations Unies, qui pourraient constituer des crimes de guerre au regard du droit international, et j' appelle le Gouvernement malien à enquêter sans tarder sur ces évènements. Je suis profondément attristé à chaque fois qu'une personne est tuée ou blessée, et je saisis cette occasion pour exprimer mes plus sincères condoléances aux familles des victimes de ces crimes odieux, au Gouvernement malien et au gouvernement des pays dont proviennent les soldats de la paix qui ont perdu la vie en faisant leur devoir. L'attaque terroriste qui a eu lieu le 8 mars à Bamako ainsi que les attaques asymétriques commises contre les forces gouvernementales au sud du Niger nous ont rappelé de manière brutale que l'insécurité n'est pas limitée à l'extrême nord du Mali.
66. Pendant cette période, l'Opération française Barkhane a continué de fournir un appui d'urgence à la Mission, y compris pour l'évacuation sanitaire des Casques bleus blessés. Je me félicite de cet appui, qui entre dans le cadre du mandat respectif de chaque entité.
67. La persistance de la violence, en particulier des actes de banditisme et des activités des groupes extrémistes, entrave considérablement l'acheminement de l'aide humanitaire aux populations et aux individus qui en ont le plus besoin. Je demande à toutes les parties de contribuer à l'instauration d'un environnement permettant l'acheminement de l'aide humanitaire en toute sécurité. J'encourage également les partenaires internationaux à faire preuve de générosité et à verser des contributions au plan d'intervention stratégique humanitaire pour 2015, dont la moitié des fonds sont destinés à apporter une aide d'urgence aux populations touchées par le conflit dans le nord et le centre du Mali.
68. Le processus de paix doit se traduire d'urgence par des améliorations concrètes pour le peuple malien. Le rétablissement des services publics dans l'extrême nord du pays exige une coordination entre les parties, idéalement dans le cadre de la mise en œuvre d'un accord de paix mais, dans l'intervalle, j'encourage le Gouvernement à envoyer des forces de sécurité et des fonctionnaires, dont des enseignants et du personnel de santé, dans les zones qu'il contrôle. Il signifierait ainsi aux populations se trouvant au nord du fleuve que le pouvoir central est déterminé à assumer les responsabilités qui lui incombent et à fournir les mêmes services à tous les citoyens maliens.
69. La MINUSMA opère dans un des environnements les plus austères et les plus hostiles qu'aient connu les opérations de maintien de la paix. Les soldats de la paix des Nations Unies demeurent la seule force régulière présente en permanence dans le nord du Mali et sont de ce fait en première ligne lors des attaques des groupes extrémistes violents, ce qui a un coût financier et humain inévitablement élevé. Je me félicite de l'ensemble complet de mesures de sécurité mises en œuvre par la Mission à la suite du dialogue interactif informel sur le Mali, tenu par le Conseil de sécurité en novembre 2014, et je reste déterminé à définir et à mettre en œuvre d'autres mesures novatrices pour assurer l'exécution du mandat de la MINUSMA tout en renforçant les dispositifs de protection. C'est pourquoi j'encourage tous les pays fournisseurs de contingents et de personnel de police et tous les donateurs bilatéraux à poursuivre leurs efforts de sorte que le personnel soit déployé en nombre suffisant, et avec les capacités nécessaires à son intervention dans cet environnement des plus hostiles.
70. Enfin, je tiens à exprimer ma gratitude à mon Représentant spécial pour le Mali, Mongi Hamdi, ainsi qu'à l'ensemble du personnel des Nations Unies en poste au Mali, qu'il soit civil ou en tenue, pour le dur labeur qu'ils continuent d'accomplir, dans des conditions très difficiles, afin de rétablir durablement la paix et la stabilité dans le pays. Je remercie également tous les pays fournissant des contingents et des effectifs de police, l'Union africaine, la CEDEAO, l'Union européenne et les partenaires bilatéraux, les organismes, fonds et programmes des Nations Unies, les organisations non gouvernementales et tous les autres partenaires pour leurs contributions importantes au processus de paix au Mali.
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