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17aoû13


L'Egypte s'enfonce dans la violence


Soulève-toi ! Si tu te prosternes aujourd'hui, tu resteras à genoux pour des milliers d'années», martèle un slogan des Frères musulmans diffusé sur les réseaux sociaux appelant à une participation massive au «vendredi de la colère.

Le ton est donné : les partisans du président déchu, Mohamed Morsi, sont loin d'abdiquer après l'assaut donné contre les campements des pro-Morsi à Rabaa Al Adawiya et Nahdha, et qui s'est terminé par un carnage. Des milliers de manifestants sont ainsi sortis, après la prière du vendredi, pour dénoncer la «boucherie» de ce «mercredi noir» qui s'est soldée par 578 morts, dont 43 policiers, selon un bilan officiel (2200 morts, selon les Ikhwan).

«Toute l'Egypte est devenue aujourd'hui un immense sit-in et les manifestations vont se poursuivre par millions sur la voie de la désobéissance civile», assène Issam El Ariane, un des chefs de la confrérie, sur sa page facebook.

Sur le terrain, la place Ramsès, au cœur de la capitale égyptienne, a polarisé l'attention dans la mesure où le gros des manifestants islamistes s'est rué vers cette place. C'est, désormais, la nouvelle stratégie des Frères : après que les forces de l'ordre eurent bouclé la place Rabaa Al Adawiya qui était, depuis la révolution du 25 janvier, le point de ralliement des islamistes, les partisans de la confrérie sont obligés d'investir d'autres espaces urbains.

La densité démographique du Caire, avec ses quelque 20 millions d'habitants, et la morphologie urbaine de la mégapole égyptienne font qu'il est très difficile pour les forces de sécurité d'y rétablir l'ordre.

L'état d'urgence qui a pris effet mercredi dernier, assorti de l'instauration du couvre-feu au Caire et dans 12 autres gouvernorats, n'a guère dissuadé les Frères musulmans qui semblent avoir nettement opté pour la politique de l'affrontement pour faire plier le pouvoir «putschiste» installé au lendemain de la déposition du président Morsi.

Comme il fallait s'y attendre, les pro-Morsi étaient bien décidés à venger leurs morts. Une mobilisation qui s'est soldée par une nouvelle vague de violences, avec son lot de «martyrs», d'autant plus que la police est officiellement autorisée à tirer à balle réelle.

Plusieurs dizaines de personnes ont été tuées au Caire et dans les provinces égyptiennes au cours d'affrontements sanglants avec les forces de l'ordre. Pour la seule place Ramsès, le porte-parole des Frères musulmans, Gehad El Haddad, qui informait heure par heure le déroulement des événements sur son compte twitter, parle de 50 morts et plus de 1000 blessés.

A Ismaïlia, sur le canal de Suez, au moins 5 manifestants ont été tués, selon l'AFP. Huit autres personnes ont trouvé la mort à Doumiate dans des manifestations insurrectionnelles.

Sur leur site officiel, les Frères musulmans ont annoncé, dans un premier temps, la mort de pas moins de 30 personnes en se basant sur les informations données par l'hôpital de campagne installé à la mosquée El Fath, près de la place Ramsès.

La confrérie annonce, par ailleurs, que des milliers de ses fidèles ont bravé le couvre-feu dans la province d'El Minia. A Port-Saïd, le ministère de la Santé parle de 5 morts et 66 blessés dans des affrontements entre pro et anti-Morsi auxquels se sont mêlées les forces de sécurité. Plusieurs commerçants de la ville ont baissé rideau en signe de deuil. A Matrouh, des milliers d'insurgés islamistes ont marché en scandant : «Tirez ! Tuez ! Nous resterons fidèles à la légitimité».

Côté police, un jeune membre des forces de l'ordre a été tué dans l'attaque d'un poste de contrôle par des hommes armés dans la banlieue du Caire, indique l'AFP.

Spirale de violence

Les événements s'accélèrent à une vitesse vertigineuse. L'entrée en vigueur du couvre-feu à partir de 19h fait craindre le pire. Al Ahram nous apprend, en fin de journée, que les forces de police, soutenues par les blindés de l'armée, ont bouclé tous les accès menant vers la place Ramsès. Des hélicoptères assistent les troupes au sol dans les opérations d'évacuation des places publiques. Selon l'agence Mena (Middle-East news agency), plusieurs engins militaires ont quadrillé la place Tahrir et la place Abdelmoneim Ryadh, située près du Musée du Caire. La même source précise que l'armée a fermé l'accès au pont du 6-Octobre qui enjambe la place Ramsès, et d'où seraient partis des salves de tirs.

Des sources islamistes assurent, pour leur part, que des snipers ont tiré sur des manifestants depuis les hélicoptères.

El Qaradhaoui y est allé lui aussi de son appel, exhortant les Egyptiens à sortir massivement dans la rue «pour soutenir le droit». Côté chrétiens, des citoyens ont formé une chaîne humaine pour protéger l'église copte attenante à la place Ramsès. Plusieurs églises ont été incendiées, rappelle-t-on, dans le feu des affrontements de mercredi à titre de représailles. Hier encore, une église a été ciblée par des cocktails Molotov dans la ville de Tanta.

Le bilan provisoire des affrontements de ce «vendredi de la colère» faisait état de 70 morts, selon un décompte de l'AFP tombé en fin de journée. Les cortèges de morts se suivent et se ressemblent.

Des corps défigurés par l'impact des balles, langés dans des linceuls ensanglantés et empilés dans des mosquées transformées en morgues de fortune. La prière d'al djanaza exacerbe les tensions. Parmi les nombreux morts enterrés hier, le corps de la jeune Asma Mohamed El Baltagui, fille du leader ikhwaniste Mohamed El Baltagui. Elle a été inhumée à Nasr City en l'absence de son père, rapporte Al Masri Al Youm. Il faut dire que toute l'Egypte est en deuil, avec ses pro et ses anti-Morsi, et personne n'est en mesure de dire quand est-ce que ce cauchemar va s'arrêter.

Le moins que l'on puisse dire est que l'Egypte s'est enlisée dans une spirale de violence sans fin. Les rues du Caire sont devenues le théâtre d'affrontements à grande échelle et donnent l'image d'une société scindée en deux et fortement polarisée. Le pays du Nil est plus proche d'une situation de guerre civile que d'un scénario de guérilla urbaine.

Le Tahalouf, c'est-à-dire l'Alliance pour le soutien à la légitimité, principale force politique regroupant tous les pro-Morsi, a annoncé, pour sa part, en début de soirée, sa détermination à poursuivre ses actions insurrectionnelles.

«L'Alliance annonce le début de la 'semaine du départ', à partir d'aujourd'hui, et appelle le peuple égyptien à manifester quotidiennement à partir des mêmes endroits», peut-on lire sur la page facebook du Tahalouf qui invite ses partisans à assister massivement à la prière du mort en l'honneur des «martyrs tombés ce jour».

L'Alliance précise que la cérémonie funèbre est prévue juste après la prière d'el îcha, à la place Ramsès, soit en plein couvre-feu.

Démission du porte-parole du Front du salut national :

Quarante-huit heures après la démission de Mohamed El Baradei de son poste de vice-président, voilà que le porte-parole du Front du salut national, Khaled Daoud, annonce, lui aussi, sa démission de son poste de porte-voix du FSN, pour protester contre la position du Front. «Je me sens profondément affligé pour tout le sang qui a coulé et je dénonce vigoureusement les graves dépassements qui ont été commis par les forces de sécurité dans la dispersion des sit-in, ce qui a provoqué ce nombre effarant de victimes (…) Aucun homme raisonnable ne peut croire que tous ces gens étaient des hommes armés», a-t-il déclaré.

Même s'il n'a pas l'envergure d'El Baradei, le retrait de Khaled Daoud, une des figures les plus médiatiques du FSN, annonce une profonde fracture au sein du pôle libéral. Fracture aggravée par les attaques lancées contre Mohamed El Baradei par des gens de son propre camp qui l'ont qualifié de «lâche» .

[Source: Par Mustapha Benfodil, El Watan, Alger, 17aoû13]

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Crisis in Egypt
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