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07mai19


Forcadell i Lluis et Autres c. Espagne :
La décision de suspendre la séance plénière du Parlement de la communauté autonome de Catalogne a respecté la Convention


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TROISIÈME SECTION

DÉCISION

Requête no 75147/17
María Carmen FORCADELL I LLUIS et autres
contre l'Espagne

La Cour européenne des droits de l'homme (troisième section), siégeant le 7 mai 2019 en une Chambre composée de :

Vincent A. De Gaetano, président,
Georgios A. Serghides,
Paulo Pinto de Albuquerque,
Helen Keller,
Alena Poláková,
María Elósegui,
Gilberto Felici, juges,
et de Stephen Phillips, greffier de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 11 octobre 2017,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

1. Les requérants sont 76 ressortissants espagnols résidant à Barcelone. Devant la Cour ils sont représentés par Me Andreu Van den Eynde, avocat à Barcelone.

2. Au moment des faits les requérants étaient députés et membres des groupes parlementaires Junts pel Sí et Candidatura d'Unitat Popular Crida Constituent au Parlement de la communauté autonome de Catalogne. Parmi eux se trouvent celle qui était la Présidente dudit Parlement ainsi que le président du gouvernement catalan.

3. La liste des requérants figure en annexe.

A. Les circonstances de l'espèce

4. Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par les requérants, peuvent se résumer comme suit.

1. Genèse de l'affaire : les lois et résolutions adoptées par le Parlement et la Communauté autonome de Catalogne

5. La Cour renvoie à cet égard à la décision Aumatell i Arnau c. Espagne ((déc.), [comité], no 70219/17, §§ 3 à 7 et 21 à 25, 11 septembre 2018).

2. La procédure relative aux requérants

6. Le référendum pour décider la ségrégation unilatérale de la Catalogne du territoire espagnol eut lieu le 1er octobre 2017.

7. Le 4 octobre 2017, deux groupes parlementaires (Junts pel Sí et Candidatura d'Unitat Popular Crida Constituent) représentant le 56,3 % des sièges, demandèrent au Bureau du Parlement de la Catalogne (composé par la Présidente du Parlement, deux vice-présidents et quatre secrétaires), de convoquer une séance plénière du Parlement pour le 9 octobre 2017, en vue de la comparution du président du gouvernement de la Catalogne, M. C.P. Celui-ci devait évaluer les résultats obtenus dans le scrutin du 1er octobre, ainsi que leurs effets, conformément à l'article 4 de la Loi no 19/2017 dénommée « du referendum de l'autodétermination ».

8. Le même jour, le Bureau du Parlement se réunit pour décider sur l'acceptation ou non de la demande de convocation. Lors de cette réunion, le Greffier en chef et le Secrétaire Général du Parlement soumirent un rapport avertissant que l'approbation d'une déclaration formelle d'indépendance ou de toute autre initiative ayant pour but l'application des Lois nos 19/2017 et 20/2017 irait à l'encontre de la suspension de ces deux lois décidée par le Tribunal constitutionnel.

9. Le Bureau accepta la demande et la réunion plénière fut planifiée pour le 9 octobre à 10 heures. Trois autres groupes parlementaires, représentant 43,7 % des sièges, contestèrent la convocation, au motif qu'elle enfreignait le Règlement du Parlement de la Catalogne. Leurs griefs furent rejetés par le Bureau du Parlement.

10. Seize députés du groupe parlementaire socialiste saisirent alors le Tribunal constitutionnel d'un recours d'amparo et demandèrent comme mesure provisoire la suspension de la séance plénière. Ils alléguaient que la convocation portait atteinte à leur droit à exercer leurs fonctions publiques sans perturbations et rappelaient que la tenue d'une séance ayant pour but la déclaration d'indépendance de la Catalogne allait à l'encontre de la suspension accordée par le Tribunal constitutionnel à l'égard des Lois nos 19/2017 et 20/2017.

11. Le 5 octobre 2017, la haute juridiction déclara recevable le recours et accorda la suspension provisoire de la séance parlementaire du 9 octobre en attendant de se prononcer sur le fond. Dans sa décision, le Tribunal constitutionnel accorda dix jours au Ministère Public et aux autres parties intervenantes pour présenter les allégations pertinentes en relation à la mesure provisoire accordée.

12. Le 10 octobre 2017 (lendemain du jour où la séance avait été initialement convoquée), le président du gouvernement catalan comparut devant le Parlement réuni en séance plénière et déclara l'indépendance de la Catalogne, dans la forme d'une république, invitant immédiatement le Parlement à suspendre les effets de ladite déclaration.

13. Le Tribunal constitutionnel se prononça sur le fond du recours d'amparo le 26 avril 2018, faisant droit aux prétentions des députés demandeurs. Il observa que la procédure suivie par le Bureau du Parlement visant la convocation de la séance plénière ignorait, entre autres, la suspension provisoire de la Loi no 19/2017 décidée par la haute juridiction le 7 septembre 2017 et empêchait les parlementaires requérants d'exercer légitimement les fonctions qui leur étaient propres (ius in officium) conformément à l'article 23 de la Constitution espagnole. Par ailleurs, le Bureau aurait également porté atteinte indirectement au droit constitutionnel des citoyens à participer dans les affaires publiques à travers leurs représentants. Le Tribunal constitutionnel rappela à cet égard que la mission du Parlement de la Catalogne était celle de représenter l'ensemble de la population et non pas seulement certaines forces politiques, même si elles étaient majoritaires dans la chambre.

B. Le droit et jurisprudence internes pertinents

1. Loi Organique du Tribunal constitutionnel

Article 56

« 1. L'introduction du recours d'amparo ne suspendra les effets de l'acte ou jugement contestés.

(...)

6. Dans les cas d'urgence exceptionnelle, la suspension et les mesures provisoires pourront être adoptées dans la décision de recevabilité. L'adoption pourra être contestée dans un délai de cinq jours à compter de sa notification, pour le ministère public et le reste des parties. La Chambre ou la Section résoudront l'incident moyennant une décision (auto) qui ne pourra faire l'objet de recours. »

2. Loi no 19/2017, du 6 septembre, du référendum d'autodétermination

Article 4 § 4

« Si dans le décompte des voix valides émises il y en a plus de bulletin de vote favorables que contraires, le résultat implique l'indépendance de la Catalogne. À cet effet, le Parlement de la Catalogne, dans un délai de deux jours suivant la proclamation des résultats officiels par le Bureau électoral, célébrera une séance ordinaire afin de déclarer formellement l'indépendance de la Catalogne, concrétiser ses effets et initier le processus constituant ».

3. Règlement du Parlement de la Catalogne

Article 81 § 3

« L'ordre du jour de la Plénière peut être modifié si elle le décide ainsi, sous proposition du président, de deux groupes parlementaires ou d'un cinquième des membres du Parlement, ou encore lors qu'une loi l'exige. En cas d'inclusion d'un sujet, celui-ci devra avoir respecté les procédures réglementaires (...) sauf un accord explicite dans le sens contraire, [adopté par] une majorité absolue ».

Article 135 §§ 1 et 2 (selon rédaction en vigueur au moment des faits)

« 1. Un projet de loi peut être traité directement et en lecture unique par la Plénière du Parlement ou par une commission, si la nature du projet ainsi le préconise ou si la simplicité de la formulation le permet. Le traitement en lecture unique doit être approuvé par la Plénière du Parlement, sur proposition du Gouvernement ou du Bureau du Parlement, après avoir entendu l'Assemblée de porte-paroles où à la demande de cette dernière.

2. Les propositions de loi signées par tous les groupes parlementaires peuvent être traitées [selon la procédure de] lecture unique par la Plénière du Parlement ou par une commission, conformément à ce qui est prévu au premier alinéa. Une fois que l'initiative est exercée et que la demande de traitement en lecture unique est effectuée, le Bureau du Parlement donne l'ordre de publier la proposition de loi et de la transmettre au Gouvernement, conformément avec l'article 111 § 2 ».

4. La Commission de Venise

Le 3 mars 2017 la Commission Européenne pour la Démocratie par le Droit (Commission de Venise) émit un avis sur la Loi 15/2015, du 16 octobre 2015 portant modification de la Loi Organique 2/1979 |1|. Dans ses conclusions |2|, la Commission de Venise rappela que :

« les jugements des cours constitutionnelles ont un caractère définitif et contraignant. La primauté de la constitution a pour corollaire que les arrêts des cours constitutionnelles doivent être respectés par tous les organismes publics et titulaires de fonctions publiques. Ne pas se soumettre à l'arrêt d'une cour constitutionnelle équivaut à désobéir à la constitution, ainsi qu'au pouvoir constituant qui a confié à la cour le soin de garantir cette primauté. Lorsqu'un agent public refuse d'exécuter un jugement de la Cour constitutionnelle, il viole les principes de l'État de droit, de la séparation des pouvoirs et de la coopération loyale des organes de l'État. Il est donc légitime de prendre des mesures pour faire appliquer ses arrêts. À la lumière de l'absence de normes européennes communes, le présent avis examine la mesure dans laquelle les modifications apportées à la loi organique no 2/1979 sur la Cour constitutionnelle d'Espagne est une bonne façon d'atteindre ce but légitime ».

5. Arrêt du Tribunal constitutionnel no 114/2017, du 17 octobre 2017, sur le recours d'inconstitutionnalité no 4334-2017 à l'encontre de la Loi n 19/2017 dénommée « du referendum de l'autodétermination » :

« (...)

La [procédure d'approbation] de la Loi contestée s'est déroulée en dehors de toute procédure législative prévue dans le Règlement du Parlement de la Catalogne [RPC] et à travers d'une voie tout à fait inappropriée (article 81 § 3 du RPC). La majorité s'est servie [de cette voie] pour improviser et articuler ad hoc une [procédure] insolite dans laquelle les possibilités d'intervention et les droits du reste de groupes et députés demeuraient entièrement à leur discrétion.

(...)

Ce que la majorité imposa, avec l'appui du Bureau et la Présidente [du Parlement], fut la création d'une « procédure » atypique pour l'occasion, en apparence à l'image de celle de lecture unique prévue dans le Règlement du Parlement de la Catalogne (dont l'article 135 § 2, relatif à cette voie, était et continue d'être suspendu par une décision de ce Tribunal du 31 juillet 2017). Ceci a provoqué une dérogation arbitraire (...) de normes réglementaires pour l'aménagement de la législation, ainsi qu'une infraction manifeste des prévisions spécifiques contenues dans le Règlement du Parlement de la Catalogne pour sa réforme.

(...)

La majorité de la Chambre prétendit se servir de l'article 81 § 3 du RPC, mais cette disposition ne permet pas une telle opération. Cet article dispose que l'ordre du jour de la Plénière peut être modifié sous proposition de deux groupes parlementaires (...). [Cet article] est prévu dans le titre IV du RPC, en dehors des procédures législatives.

(...) »

GRIEFS

14. Invoquant les articles 10 et 11 de la Convention combinés, ainsi que l'article 3 du Protocole no 1, les requérants se plaignent que la décision du Tribunal constitutionnel de suspendre la convocation de la séance plénière constitue une violation de leur droit à la liberté d'expression et à la liberté de réunion, dans la mesure où ils se sont vus empêchés d'exprimer la volonté des électeurs ayant participé au référendum du 1er octobre. Ils soulignent qu'il n'existe aucune base juridique claire et précise pour que la haute juridiction puisse interdire au Parlement de la Catalogne de se réunir.

15. Sur la base de l'article 6 de la Convention, les requérants soutiennent, sans étayer leurs arguments, que ni eux ni le Parlement ont eu accès à un tribunal pour soulever leurs griefs.

EN DROIT

A. Concernant le statut de victime des requérants

16. Il importe d'abord de savoir s'il y a eu atteinte aux droits invoqués à l'égard des requérants eux-mêmes ou bien du Parlement de la communauté autonome de la Catalogne. Pour cela, la Cour devra examiner si la requête peut être considérée comme ayant été introduite par un « groupe de particuliers » ou par une « organisation gouvernementale ».

17. En effet, la jurisprudence de la Cour est claire sur le fait que la notion d'« organisation gouvernementale » ne saurait désigner en droit international exclusivement le gouvernement ou les organes centraux de l'État, et que là où il y a décentralisation du pouvoir, elle désigne toute autorité nationale qui exerce des fonctions publiques, laquelle autorité n'a pas qualité pour saisir la Cour sur le fondement de l'article 34 de la Convention, quel que soit leur degré d'autonomie par rapport auxdits organes (Assanidzé c. Géorgie [GC], no 71503/01, §§ 148-149, CEDH 2004 II). Ainsi, leurs actes ou omissions engagent la responsabilité de l'État en vertu de la Convention (Le Gouvernement de la Communauté autonome du pays Basque c. Espagne (déc.), no 29134/03, 3 février 2004 ; Karagiannis c. Grèce (déc.), no 33408/05, 27 septembre 2007 ; Breisacher c. France (déc.), no 76976/01, CEDH 2003 X ; Section de commune d'Antilly c. France (déc.), no 45129/98, CEDH 1999 VIII ; Commune de Rothenthurm c. Suisse, no 13252/87, décision de la Commission du 14 décembre 1988, DR 59, p. 251 ; Ayuntamiento de Mula c. Espagne (déc.), no 55346/00, CEDH 2001 I, et Danderyds Kommun c. Suède (déc.), no 52559/99, 7 juin 2001). Enfin, et certes dans un contexte concernant la responsabilité de l'État devant elle, la Cour a dit que les différends institutionnels ou de politique interne ne sauraient être examinés par elle (Assanidzé, précité, § 149).

18. La Cour note qu'il est question en l'espèce de la suspension de la séance plénière du Parlement d'une communauté autonome. Cette restriction fut imposée par le Tribunal constitutionnel comme mesure provisoire en attendant de se prononcer sur le fond du recours d'amparo introduit par seize députés de ce Parlement.

19. La requête a été introduite par 76 des 135 députés de ce Parlement à titre individuel, certains en tant que membres de deux groupes parlementaires (Junts pel Sí et Candidatura d'Unitat Popular Crida Constituent) et certains au titre de membres du Bureau du Parlement de la Catalogne. Par conséquent, la Cour considère que les droits et libertés invoqués par les requérants les concernent individuellement et ne sont pas attribuables au Parlement de la Catalogne en tant qu'institution (voir, a contrario, Demirbas et autres c. Turquie (déc.), no 1093/08, 9 novembre 2010).

20. Il s'ensuit que les requérants peuvent être qualifiés de « groupe de particuliers » se prétendant victime d'une violation des droits reconnus dans la Convention, au sens de l'article 34 de la Convention.

B. Sur le grief tiré des articles 10 et 11 de la Convention

21. Les requérants se plaignent que la restriction imposée par le Tribunal constitutionnel est contraire à l'article 10 combiné avec l'article 11 de la Convention. Les dispositions invoquées prévoient :

Article 10

« 1. Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n'empêche pas les États de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d'autorisations.

2. L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire. »

Article 11

« 1. Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d'association, y compris le droit de fonder avec d'autres des syndicats et de s'affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts.

2. L'exercice de ces droits ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. Le présent article n'interdit pas que des restrictions légitimes soient imposées à l'exercice de ces droits par les membres des forces armées, de la police ou de l'administration de l'État. »

1. Considérations liminaires

22. La Cour a souligné que la liberté de réunion garantie par l'article 11 est étroitement liée à la liberté d'expression garantie par l'article 10, la protection des opinions personnelles assurée par l'article 10 comptant parmi les objectifs de la liberté de réunion pacifique telle que la consacre l'article 11 (Navalnyy c. Russie [GC], nos 29580/12 et 4 autres, § 101, 15 novembre 2018).

23. La Cour reconnaît par ailleurs que, en matière de débat politique, les garanties offertes par les articles 10 et 11 sont souvent complémentaires (Primov et autres c. Russie, no 17391/06, § 91, 12 juin 2014). Malgré son rôle autonome et la spécificité de sa sphère d'application, l'article 11 doit s'envisager aussi à la lumière de l'article 10 lorsque l'exercice de la liberté de réunion a pour objectif l'expression d'opinions personnelles ou la nécessité de donner toute sa place au débat public et de laisser la contestation s'exprimer ouvertement (Kudreviius et autres c. Lituanie [GC], no 37553/05, § 86, CEDH 2015, avec d'autres références).

24. La Cour relève qu'en l'espèce, relativement aux mêmes faits, les requérants invoquent deux dispositions distinctes de la Convention : l'article 10 et l'article 11 de celle-ci. À son avis, dans les circonstances de l'espèce, l'article 10 s'analyse en une lex generalis par rapport à l'article 11, qui est la lex specialis (Ezelin c. France, 26 avril 1991, § 35, série A no 202). Ainsi, dans la mesure où les requérants se plaignent essentiellement de la suspension de la séance plénière du Parlement de la Catalogne prévue pour le 9 octobre, la Cour estime que ce grief doit être examiné au regard du seul article 11 (Schwabe et M.G. c. Allemagne, nos 8080/08 et 8577/08, § 101, CEDH 2011 ; voir également, mutatis mutandis, Galstyan c. Arménie, no 26986/03, §§ 95 96, 15 novembre 2007, et Primov et autres, précité, § 91).

25. À cet égard, la Cour rappelle que le droit à la liberté de réunion est un droit fondamental dans une société démocratique et, à l'instar du droit à la liberté d'expression, l'un des fondements de pareille société. Dès lors, il ne doit pas faire l'objet d'une interprétation restrictive (Kudreviius et autres c. Lituanie, précité, § 91 et Taranenko c. Russie, no 19554/05, § 65, 15 mai 2014). Afin de parer au risque d'interprétation restrictive, la Cour s'est gardée d'expliciter la notion de réunion, en laquelle elle voit une notion autonome, ou d'énumérer limitativement des critères permettant de la définir. Elle a précisé lorsqu'il y avait lieu que le droit à la liberté de réunion couvre à la fois les réunions privées et celles tenues sur la voie publique, ainsi que les réunions statiques et les défilés publics, et qu'il peut être exercé par les participants au rassemblement et par les organisateurs de celui-ci (Kudreviius et autres, précité, § 91, avec d'autres références, et Lashmankin et autres, précité, § 402). Elle a ajouté que l'article 11 de la Convention ne protège que le droit à la liberté de « réunion pacifique », notion qui n'englobe pas les réunions dont les organisateurs et participants ont des intentions violentes. Les garanties de cette disposition s'appliquent donc à tous les rassemblements, à l'exception de ceux dont les organisateurs ou les participants sont animés par de telles intentions, incitent à la violence ou renient d'une autre façon les fondements de la société démocratique (Kudreviius et autres, précité, § 92, avec d'autres références).

2. Existence d'une ingérence

26. La Cour note qu'en l'espèce, l'ingérence dans le droit des requérants à la liberté de réunion a été provoquée par la décision du Tribunal constitutionnel du 5 octobre 2017, déclarant recevable le recours et accordant la suspension provisoire de la séance parlementaire du 9 octobre.

3. Justification de l'ingérence

27. Pareille ingérence enfreint l'article 11, sauf si elle était « prévue par la loi », dirigée vers un ou des buts légitimes au regard du paragraphe 2 et « nécessaire, dans une société démocratique », pour les atteindre.

a) Prévue par la loi

28. La Cour rappelle que l'expression « prévue par la loi » figurant aux articles 8 à 11 de la Convention non seulement exige que la mesure incriminée ait une base en droit interne, mais vise aussi la qualité de la loi en cause, qui doit être suffisamment accessible et prévisible, c'est-à-dire énoncée avec assez de précision pour permettre à l'individu - en s'entourant au besoin de conseils éclairés - de régler sa conduite (voir, parmi d'autres, Sunday Times c. Royaume-Uni (no 1), 26 avril 1979, § 49, série A no 30), même si l'expérience montre l'impossibilité d'arriver à une exactitude absolue dans la rédaction des lois (voir, par exemple, Ezelin c. France, 26 avril 1991, § 45, série A no 202).

29. Pour ce qui est du grief tiré sur l'absence de base juridique pour suspendre la séance plénière, la Cour observe que la Loi Organique relative au Tribunal constitutionnel prévoit, dans son article 56, la possibilité d'adopter toutes les mesures préventives et décisions provisoires ayant pour but d'éviter que ce recours ne perde sa finalité. L'article prévoit également qu'en cas d'urgence exceptionnelle, le prononcé du sursis et des mesures préventives et provisoires pourra avoir lieu à l'occasion de l'adoption de la décision d'admissibilité du recours. Ce prononcé pourra être contesté dans un délai de cinq jours à compter de sa notification, tant par le Ministère public que par les autres parties ayant comparu. Force est de constater qu'en l'espèce le Tribunal constitutionnel donna dix jours aux parties pour ce faire.

30. S'agissant de la prévisibilité de cette ingérence, la Cour relève qu'en l'espèce la séance plénière du Parlement avait été convoquée en application de l'article 4 § 4 Loi no 19/2017. Cette loi avait été suspendue provisoirement le 7 septembre 2017 par le Tribunal Constitutionnel, réuni en séance plénière dans le cadre de la procédure constitutionnelle no 4334/17, rendant de fait la loi temporairement inapplicable. La suspension fut notifiée personnellement à l'ensemble des députés du Parlement. Par ailleurs, la Loi no 20/2017, sur le processus de transition juridique et de fondation de la République, se trouvait également suspendue par le Tribunal constitutionnel depuis le 12 septembre 2017. Les deux lois ont été déclarées inconstitutionnelles les 17 octobre et 8 novembre 2017 respectivement.

31. Au demeurant, la Cour observe que l'arrêt 259/2015, du 2 décembre, rendu par le Tribunal constitutionnel, peut déjà être considéré comme un précédent quant à la position de la haute juridiction concernant la procédure visant la création d'un état indépendant en Catalogne. En effet, le Tribunal déclara inconstitutionnelle et nulle la résolution 1/XI du Parlement de la Catalogne, adoptée le 9 novembre 2015, laquelle prétendait mettre en place les premières mesures à ce sujet.

b) But légitime

32. La Cour observe qu'il n'y a pas de raisons valables de s'écarter de celles avancées par le Tribunal constitutionnel dans sa décision du 5 octobre 2017 quant au but poursuivi avec la mesure litigieuse, à savoir celle de veiller à la protection des droits et libertés des parlementaires se trouvant en minorité au Parlement catalan, vis-à-vis des éventuels abus de la majorité parlementaire. En effet, la demande de convocation de la plénière fut effectuée par les groupes parlementaires rassemblant 76 des 135 parlementaires autonomiques. La mesure du Tribunal constitutionnel avait pour but de permettre aux demandeurs d'amparo d'exercer légitimement les fonctions qui leur étaient propres (ius in officium) conformément à l'article 23 de la Constitution espagnole.

33. Compte tenu des circonstances de l'espèce, la Cour estime que la suspension poursuivait plusieurs des buts légitimes énumérés à l'article 11, notamment le maintien de la sûreté publique, la défense de l'ordre et la protection des droits et libertés d'autrui (Herri Batasuna et Batasuna c. Espagne, nos 25803/04 et 25817/04, § 64, CEDH 2009 et, mutatis mutandis, Sürek c. Turquie (no 1) [GC], no 26682/95, § 52, CEDH 1999 IV).

c) Nécessité dans une société démocratique

34. Les exceptions visées à l'article 11 appellent une interprétation stricte, seules des raisons convaincantes et impératives pouvant justifier des restrictions à la liberté d'association. Pour juger en pareil cas de l'existence d'une nécessité au sens de l'article 11 § 2, les États ne disposent que d'une marge d'appréciation réduite, laquelle se double d'un contrôle européen rigoureux portant à la fois sur la loi et sur les décisions qui l'appliquent, y compris celles d'une juridiction indépendante (voir, par exemple, Herri Batasuna et Batasuna, précité, § 77).

35. Lorsqu'elle exerce son contrôle, la Cour n'a point pour tâche de se substituer aux juridictions internes compétentes, mais de vérifier sous l'angle de l'article 11 les décisions qu'elles ont rendues en vertu de leur pouvoir d'appréciation. Il ne s'ensuit pas qu'elle doive se borner à rechercher si l'État défendeur a usé de ce pouvoir de bonne foi, avec soin et de façon raisonnable : il lui faut considérer l'ingérence litigieuse compte tenu de l'ensemble de l'affaire pour déterminer si elle était « proportionnée au but légitime poursuivi » et si les motifs invoqués par les autorités nationales pour la justifier apparaissent « pertinents et suffisants ». Ce faisant, la Cour doit se convaincre que les autorités nationales ont appliqué des règles conformes aux principes consacrés par l'article 11 et ce, de surcroît, en se fondant sur une appréciation acceptable des faits pertinents (Parti nationaliste basque - Organisation régionale d'Iparralde c. France, no 71251/01, § 46, CEDH 2007 II).

36. En l'espèce, la Cour observe que la décision du bureau du Parlement autonomique d'autoriser la tenue de la séance plénière supposa un non-respect manifeste des décisions du Tribunal constitutionnel des 7 et 12 septembre 2017, lesquelles avaient accordé la suspension des Lois nos 19/2017 et 20/2017 respectivement. Ainsi, en adoptant la mesure de suspension provisoire, le Tribunal constitutionnel prétendait s'assurer du respect de ses propres décisions, afin de préserver ainsi l'ordre constitutionnel. À l'appui de cette approche, la Cour relève le fait qu'il ressort de l'avis produit par la Commission de Venise (voir supra) qu'il est obligatoire de se conformer aux arrêts rendus par les tribunaux constitutionnels, ces derniers étant compétents pour pouvoir adopter les mesures qu'ils estiment pertinents pour y parvenir.

37. La Cour se réfère en outre à la motivation contenue dans l'arrêt du Tribunal constitutionnel du 17 octobre 2017 concernant les irrégularités dans la procédure d'approbation de la Loi no 19/2017, à l'origine de la convocation de la séance plénière du 9 octobre. Elle rappelle à cet égard qu'un parti politique peut mener campagne en faveur d'un changement de la législation ou des structures légales ou constitutionnelles de l'État à deux conditions : 1) les moyens utilisés à cet effet doivent être en tous points légaux et démocratiques ; 2) le changement proposé doit lui-même être compatible avec les principes démocratiques fondamentaux (Herri Batasuna et Batasuna, précité, § 79). Enfin, tel que relevé dans l'arrêt rendu le 26 avril 2018 par le Tribunal constitutionnel, la Cour considère qu'il était essentiel, dans les circonstances particulières de l'affaire, d'éviter, d'une part, que les parlementaires représentant une minorité du Parlement se voient empêchés, par le biais d'une procédure irrégulière mise en place par la majorité, d'exercer légitimement les fonctions qui leur étaient propres (ius in officium) conformément à l'article 23 de la Constitution espagnole et, d'autre part, qu'il y ait une atteinte indirecte au droit constitutionnel des citoyens à participer dans les affaires publiques à travers leurs représentants.

38. Partant, l'ingérence dans le droit des requérants à la liberté de réunion peut raisonnablement être considérée, même dans le cadre de la marge d'appréciation réduite dont disposent les États, comme répondant à un « besoin social impérieux ». Il en résulte que la suspension de la séance plénière était « nécessaire dans une société démocratique », notamment pour le maintien de la sûreté publique, la défense de l'ordre et la protection des droits et libertés d'autrui, au sens de l'article 11 § 2 de la Convention (voir, mutatis mutandis, Herri Batasuna et Batasuna, précité, §§ 91 et 94).

39. Au demeurant, force est de noter que le président du Gouvernement catalan comparut devant la plénière du Parlement le lendemain, soit le 10 octobre. Au cours de cette réunion il déclara l'indépendance de la Catalogne, laissée par la suite sans efficacité juridique par le Parlement lui-même.

40. A la lumière de ce qui précède, il convient de rejeter ce grief comme étant manifestement mal fondé, en application de l'article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

C. Sur le grief tiré de l'article 3 du Protocole nº 1

41. Sous l'angle de l'article 3 du Protocole no 1, les requérants se plaignent que la suspension a porté atteinte à la libre expression de l'opinion du peuple sur le choix du corps législatif, garantie par cette disposition :

Article 3 du Protocole nº 1

« Les Hautes Parties contractantes s'engagent à organiser, à des intervalles raisonnables, des élections libres au scrutin secret, dans les conditions qui assurent la libre expression de l'opinion du peuple sur le choix du corps législatif. »

42. La Cour observe que la convocation de la séance plénière devait évaluer les résultats obtenus dans le scrutin du 1er octobre, ainsi que leurs effets. À cet égard, il convient de rappeler que la Cour a déjà eu l'occasion de se prononcer sur la question de savoir si un référendum d'indépendance peut être considéré comme faisant partie des droits protégés par l'article 3 du Protocole no 1 à la Convention. Elle a accepté que les mots « corps législatif » ne s'entendent pas nécessairement du seul parlement national; il convient de les interpréter en fonction de la structure constitutionnelle de l'État en cause (Py c. France, no 66289/01, § 36, CEDH 2005 I (extraits), Mathieu-Mohin et Clerfayt c. Belgique du 2 mars 1987, série A no 113, p. 23, § 53, et Matthews c. Royaume-Uni [GC], no 24833/94, § 40, CEDH 1999 I). Cependant, dans une affaire relative au référendum écossais, la Cour a dit que même si on pouvait considérer qu'il s'agissait de l'élection d'un corps législatif, les procédures électorales sous forme de référendum ne rentraient pas dans le champ d'application de l'article 3 du Protocole no 1 (Moohan et Gillon c. Royaume-Uni (déc.), nos 22962/15 et 23345/15, §§ 40 et 41, 13 juin 2017).

43. Certes, la Cour est consciente de la diversité existante dans les différents systèmes électoraux, appartenant à chaque État membre d'organiser les procédures selon leur propre vision démocratique (voir, à titre d'exemple, Scoppola c. Italie (no 3) [GC], no 126/05, § 83, 22 mai 2012 et Hirst c. Royaume-Uni (no 2) [GC], no 74025/01, § 61, ECHR 2005 IX). Ainsi, la Cour n'a pas exclu qu'une procédure démocratique décrite comme un referendum pour un État membre puisse potentiellement rentrer dans le champ d'application de l'article 3 du Protocole no 1 (McLean and Cole c. Royaume-Uni, (déc), no 12626/13 et 2522/12, § 33, 11 juin 2013).

44. Nonobstant, pour que cela soit possible la procédure doit se dérouler « dans des conditions qui permettront d'assurer la libre expression de l'opinion du peuple sur le choix du corps législatif » (Moohan et Gillon, précité, § 42). Ces conditions ne sont pas remplies en l'espèce. En effet, la séance plénière du Parlement avait été convoquée en application de l'article 4 § 4 Loi no 19/2017. Cette loi avait été suspendue provisoirement le 7 septembre 2017 par le Tribunal constitutionnel, réuni en séance plénière dans le cadre de la procédure constitutionnelle no 4334/17, rendant de fait la loi temporairement inapplicable. La suspension fut notifiée personnellement à l'ensemble de députés du Parlement.

45. Par conséquent, la décision du bureau du Parlement supposa un non-respect manifeste des décisions de la haute juridiction, lesquelles avaient pour but la protection de l'ordre constitutionnel.

46. Il s'ensuit que le grief des requérants tiré de l'article 3 du Protocole no 1 est incompatible ratione materiae avec les dispositions de la Convention et doit être rejeté conformément à l'article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

D. Sur le grief tiré de l'article 6 de la Convention

47. Les requérants invoquent enfin l'article 6 de la Convention, dont les dispositions pertinentes prévoient :

Article 6 § 1

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...)».

48. La Cour constate que les requérants se limitent à soutenir que ni eux ni le Parlement ont eu accès à un tribunal pour dénoncer leurs prétentions.

49. La Cour observe que ce grief est non étayé. Il s'ensuit qu'il doit être rejeté comme étant manifestement mal fondé, conformément à l'article 35 §§ 3 et 4 de la Convention. Elle note au demeurant que le Parlement de Catalogne fut partie, par le biais de ses services juridiques, à la procédure d'amparo qui donna lieu au jugement du 26 avril 2018.

Par ces motifs, la Cour, à l'unanimité,

Déclare la requête irrecevable.

Fait en français puis communiqué par écrit le 28 mai 2019.

Stephen PhillipsVincent A. De Gaetano

GreffierPrésident

ANNEXE

No

Prénom NOM

Date de naissance

1.

Maria Carme FORCADELL I LLUIS

29/05/1955

2.

Oriol AMAT SALAS

14/03/1957

3.

Antoni BALASCH PARISI

02/11/1958

4.

Ramona BARRUFET SANTACANA

09/10/1959

5.

Dolors BASSA COLL

02/02/1959

6.

Albert BATALLA SISCART

25/10/1977

7.

Albert BATET CANADELL

05/03/1979

8.

Germà BEL QUERALT

15/02/1963

9.

David BONVEHÍ TORRAS

12/03/1979

10.

Albert BOTRAN PAHISSA

14/01/1984

11.

Mireia BOYA BUSQUET

28/07/1979

12.

Montserrat CANDINI PUIG

08/09/1957

13.

Joan Ramon CASALS MATA

02/08/1974

14.

Magda CASAMITJANA AGUILÀ

27/01/1963

15.

Antoni CASTELLÀ CLAVÉ

26/06/1970

16.

Carmina CASTELLVÍ VALLVERDÚ

15/03/1967

17.

Anna CAULA PARETAS

06/04/1971

18.

Violant CERVERA GODIA

12/06/1969

19.

Ferran CIVIT MARTÍ

22/12/1977

20.

Antoni COMÍN OLIVERES

07/03/1971

21.

Lluis Maria COROMINAS DIAZ

14/02/1963

22.

Jordi CUMINAL ROQUET

13/02/1977

23.

Adriana DELGADO HERREROS

15/06/1978

24.

Chakir EL HOMRANI LESFAR

15/01/1979

25.

Albano Dante FACHIN POZZI

22/04/1976

26.

Anna FIGUERAS IBÁÑEZ

04/08/1969

27.

Natàlia FIGUERAS PAGÈS

07/12/1989

28.

Josep Maria FORNÉ FEBRER

12/07/1962

29.

Montserrat FORNELLS SOLÉ

07/06/1983

30.

Anna GABRIEL SABATÉ

13/09/1975

31.

Joan GARRIGA QUADRES

21/04/1953

32.

Joan GINER MIGUELEZ

26/06/1989

33.

Gerard GOMEZ DEL MORAL FUSTER

17/10/1989

34.

Germà GORDÓ AUBARELL

02/01/1963

35.

Lluís GUINÓ SUBIRÓS

29/05/1969

36.

Oriol JUNQUERAS VIES

11/04/1969

37.

M. Assumpció LAÏLLA JOU

10/03/1975

38.

Lluís LLACH GRANDE

07/05/1948

39.

Neus LLOVERAS MASSANA

03/08/1963

40.

Àngels MARTINEZ CASTELLS

09/05/1948

41.

Fabian MOHEDANO MORALES

17/02/1975

42.

Jordi MUNELL GARCIA

17/11/1965

43.

Joan Josep NUET PUJALS

08/08/1964

44.

Jordi OROBITG SOLÉ

15/10/1966

45.

Montserrat PALAU VERGÉS

13/07/1958

46.

Marta PASCAL CAPDEVILA

10/04/1983

47.

Àngels PONSA ROCA

10/03/1960

48.

Carles PRATS COT

22/06/1971

49.

Carles PUIGDEMONT CASAMAJÓ

29/12/1962

50.

Eulàlia REGUANT CURA

19/09/1979

51.

Eduardo REYES PINO

25/03/1951

52.

Carles RIERA ALBERT

01/04/1960

53.

Irene RIGAU OLIVER

22/06/1951

54.

David RODRIGUEZ GONZÁLEZ

08/09/1967

55.

Meritxell ROIGÉ PEDROLA

15/01/1976

56.

Raül ROMEVA RUEDA

12/03/1971

57.

Maria ROSELL MEDALL

30/06/1959

58.

Marta ROVIRA VERGÉS

25/01/1977

59.

Maria Dolors ROVIROLA COROMÍ

09/07/1960

60.

Josep RULL ANDREU

02/09/1968

61.

Sergi SABRIÀ BENITO

02/07/1975

62.

Sergi SALADIÉ GIL

17/01/1974

63.

Benet SALELLAS VILAR

07/10/1977

64.

Marc SANGLAS ALCANTARILLA

23/10/1971

65.

Jordi-Miquel SENDRA VELLVÈ

15/11/1961

66.

Maria SENSERRICH GUITART

18/11/1980

67.

Gabriela SERRA FREDIANI

18/12/1951

68.

Anna SIMÓ CASTELLÓ

26/07/1968

69.

Bernat SOLÉ BARRIL

30/01/1975

70.

Marc SOLSONA AIXALÀ

07/04/1976

71.

Roger TORRENT RAMIÓ

19/07/1979

72.

Jordi TURULL NEGRE

08/09/1966

73.

Teresa VALLVERDÚ ALBORNÀ

02/02/1968

74.

Mireia VEHÍ CANTENYS

09/02/1985

75.

Alba VERGÉS BOSCH

03/09/1978

76.

Montserrat VILELLA CUADRADA

07/07/1966

[Source: Conseil de l'Europe, Cour européenne des droits de l'homme, María Carmen Forcadell i Lluis et autres contre l'Espagne, Requête no 75147/17, 07mai19 ]


Notes:

[1]. CDL-AD(2017)003, Avis sur la loi du 16 octobre 2015 portant modification de la loi n° 2/1979 sur la cour constitutionnelle d'Espagne. [Back]

[2]. CDL-AD(2017)003, paragraphe 69. [Back]


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