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25oct16

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Lettre du groupe de femmes du Haut Comité des négociations de la Coalition nationale syrienne sur les violences faites aux femmes dans le conflit syrien


Nations Unies
Conseil de sécurité

S/2016/895

Distr. générale
25 octobre 2016
Français
Original : anglais

Lettre datée du 25 octobre 2016, adressée au Président du Conseil de sécurité par le Représentant permanent du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord auprès de l'Organisation des Nations Unies

J'ai l'honneur de vous faire tenir ci-joint une lettre du groupe de femmes du Haut Comité des négociations de la Coalition nationale des forces de la révolution et de l'opposition syriennes, datée du 24 octobre 2016 (voir annexe).

Je vous serais reconnaissant de bien vouloir faire distribuer le texte de la présente lettre et de son annexe comme document du Conseil de sécurité.

(Signé) Matthew Rycroft


Annexe à la lettre datée du 25 octobre 2016 adressée au Président du Conseil de sécurité par le Représentant permanent du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord auprès de l'Organisation des Nations Unies

Aucun conflit ne touche plus directement les femmes que la crise syrienne. Depuis 2011, plus de 16.000 femmes et filles syriennes ont été tuées. Quelque 8.614 femmes syriennes ont été arrêtées et détenues, et beaucoup d'entre elles ont été soumises à la violence sexuelle, à la torture et à de mauvais traitements dans les centres de détention du régime. Au moment où le Conseil de sécurité tient son débat annuel sur les femmes et la paix et la sécurité, il importe au plus haut point que toutes les mesures possibles soient prises pour protéger les femmes syriennes de la violence aveugle délibérément perpétrée contre elles et de poser les fondations d'une Syrie démocratique, dans laquelle les droits de tous les Syriens, femmes et hommes, sont respectés et protégés.

En tant que membres féminins du Haut Comité des négociations de la Coalition nationale des forces de la révolution et de l'opposition syriennes, nous connaissons bien les difficultés auxquelles se heurtent tous les Syriens qui osent réclamer la démocratie, la liberté et l'égalité. Nos membres ont été détenus et, dans certains cas, torturés par le personnel du régime syrien pour avoir exercé nos droits fondamentaux. Comme tant de femmes courageuses partout en Syrie, nous avons été chassées de notre patrie à cause de notre militantisme politique. Les membres de nos familles ont été pris pour cible et, dans certains cas, tués par le régime syrien et les milices qui lui sont affiliées. Nous avons certes bien des griefs, mais nos difficultés ne représentent que quelques-unes des réalités que vivent des millions de femmes syriennes dans les zones assiégées ou difficiles d'accès, qui subissent sans relâche des attaques aériennes perpétrées par Assad et la Russie, faute de protection civile.

Dans sa résolution 1325 (2000), le Conseil de sécurité demande à toutes les parties à un conflit armé de prendre des mesures particulières pour protéger les femmes et les petites filles contre les actes de violence sexiste et souligne que tous les États ont l'obligation de mettre fin à l'impunité et de poursuivre en justice ceux qui sont accusés de génocide, de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre, y compris toutes les formes de violence sexiste et autre contre les femmes et les petites filles. Or, à ce jour, aucune mesure n'a été prise pour protéger les femmes syriennes et pour demander des comptes aux auteurs des crimes de guerre commis contre les femmes. La violence à l'encontre des femmes syriennes a de ce fait atteint des proportions énormes, le monde faisant trop peu d'efforts pour y mettre fin.

Aujourd'hui, une femme syrienne peut s'attendre davantage à être déplacée, détenue, torturée ou tuée qu'à terminer ses études supérieures. Une femme syrienne risque davantage de périr dans un bombardement aveugle que de mourir du cancer ou d'une maladie cardiaque. Les femmes des villes assiégées, comme Alep, se retrouvent piégées, forcées de choisir entre se nourrir et nourrir leurs enfants. Dans les camps de réfugiés, les femmes et les filles sont exposées aux dangers, à la pauvreté et à l'insécurité, d'où le nombre croissant de mariages d'enfants et de cas d'exploitation sexuelle, de traite et de prostitution forcée.

Cependant, bien que les femmes syriennes subissent les conséquences de la crise syrienne, elles sont loin d'être des victimes passives. Alors que la violence s'aggrave dans toute la Syrie, les femmes jouent un rôle de plus en plus déterminant, préservant la vie civile, occupant des places de premier plan dans les conseils locaux, dirigeant les opérations de recherche et de sauvetage, rassemblant des preuves sur les cas de détention arbitraire et les atteintes aux droits de l'homme, prenant la direction du ménage et s'occupant de leur famille et défendant les revendications de démocratie, de responsabilité effective et de protection des Syriens.

Dans sa résolution 2254 (2015), le Conseil de sécurité encourage la participation effective des femmes au processus politique mené pour la Syrie sous les auspices de l'Organisation des Nations Unies. Les femmes syriennes ont participé à toutes les phases du processus de Genève, bien qu'elles ne soient pas aussi nombreuses que nous le souhaiterions. Les femmes ont orienté les travaux du Haut Comité des négociations de la Coalition nationale des forces de la révolution et de l'opposition syriennes, obtenant du Haut Comité qu'il fasse en sorte qu'un tiers des postes dans la future instance dirigeante soient occupés par des femmes. Nous avons dialogué directement avec l'Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie et sa conseillère pour la problématique hommes-femmes. Nous avons dirigé les initiatives visant à placer la libération des personnes détenues arbitrairement parmi les questions à traiter en priorité par l'Envoyé spécial et nous avons appelé l'attention sur la détresse sans précédent des détenues syriennes. Nous l'avons fait en sachant que les résultants que nous avons obtenus en ce qui concerne les droits des femmes demeurent incomplets. Il faut faire beaucoup plus pour que les femmes syriennes soient des partenaires égaux dans la quête nationale d'une Syrie démocratique, libre et sans exclusion. Mais pour édifier une Syrie de demain où les femmes seront autonomes et où triomphera l'égalité, nous devons d'abord établir la protection et la sécurité dans la Syrie d'aujourd'hui.

Les femmes syriennes ne sont pas libres de poursuivre leur quête résolue de l'égalité et de l'émancipation tant que leur priorité immédiate est d'échapper à des barils explosifs et d'éviter des missiles. Nous ne pouvons pas réaliser les droits politiques et économiques auxquels nous aspirons si notre droit fondamental à la vie et à la sécurité est bafoué par un régime que nous n'avons pas élu et par un gouvernement étranger auquel nous n'avons pas demandé de larguer des bombes sur nos proches. Que l'on ne s'y trompe pas : nous, femmes syriennes, ne sommes pas en mesure de réaliser l'émancipation ou l'égalité auxquelles nous aspirons tant que nous n'avons pas obtenu la protection dont nous avons besoin. C'est pourquoi nous, femmes syriennes et responsables syriennes, demandons aux États Membres de :

1. Prendre d'urgence des mesures visant à protéger les femmes syriennes de la violence aveugle, notamment en empêchant le principal meurtrier de civils syriens, le bombardement aérien, de faire son œuvre. La création d'une zone sans bombe sur tout le territoire national, protégée par des moyens maritimes présents dans la Méditerranée - sans bottes sur le sol ni avions dans le ciel -mettrait fin au ciblage délibéré des femmes syriennes par la Russie et Assad et créerait la pression nécessaire pour amener Assad à la table de négociation et le préparer à accepter une transition politique.

2. Demander des comptes aux auteurs des crimes de guerre. Étant donné les obstructions au Conseil de sécurité, il est impératif que des mesures soient prises par les États Membres et l'Assemblée générale pour rendre justice aux victimes des crimes de guerre. Les États Membres peuvent œuvrer individuellement pour appliquer les principes de compétence nationale et universelle aux crimes de guerre, tandis que l'Assemblée générale peut garantir la justice en créant un tribunal spécial et en sollicitant un avis consultatif de la Cour internationale de Justice.

3. Obtenir, pour les observateurs indépendants, l'accès à tous les centres de détention en Syrie, y compris les installations militaires secrètes d'Assad, où des femmes et des enfants sont soumis à la torture, aux agressions sexuelles et à la privation de nourriture.

4. Faire lever les sièges et mettre fin à la famine, qui touchent de manière disproportionnée les femmes et les enfants, notamment en autorisant le parachutage de vivres dans toutes les zones assiégées ou difficiles d'accès. Nous avons dépassé le stade de dernier recours - il est impératif que tous les moyens soient envisagés afin de faire parvenir de l'aide aux plus exposés.

5. Renforcer les sanctions ciblées contre les principaux responsables de la violence exercée à l'égard des femmes syriennes : le régime Assad et la Russie. Ce n'est qu'en faisant pression sur les parties responsables des crimes commis contre les femmes qu'on pourra faire cesser la violence à l'égard des femmes.

Monsieur le Président, le Conseil de sécurité affirme depuis longtemps qu'il soutient la participation des femmes au processus de paix mené sous les auspices de l'Organisation des Nations Unies. Cela est admirable, mais insuffisant. Pour vraiment soutenir les femmes syriennes, le Conseil doit appuyer nos revendications de protection, de justice et de sanctions. Si le Conseil ne peut s'entendre pour soutenir les femmes en Syrie, alors ce sont les États Membres qui doivent agir pour faire respecter notre droit fondamental de vivre en paix, sans craindre la violence aveugle.

Hind Kabawat, Directrice d'Interfaith Peacebuilding au Center for World Religions, Diplomacy and Conflict Resolution de la George Mason University et membre du Haut Comité des négociations
Bassma Kodmani, Directrice exécutive de l'Arab Reform Initiative et membre de l'équipe de négociateurs du Haut Comité des négociations
Alise Mofrej, membre de l'équipe de négociateurs du Haut Comité des négociations
Suheir Atassi, membre de la Coalition nationale des forces de la révolution et de l'opposition syriennes et du Haut Comité des négociations


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