Informations
Equipo Nizkor
        Bookshop | Donate
Derechos | Equipo Nizkor       

18juin15

English | Español


Rapport du Secrétaire général sur la protection des civils en période de conflit armé


Nations Unies
Conseil de sécurité

S/2015/453

Distr. générale
18 juin 2015
Français
Original : anglais

Rapport du Secrétaire général sur la protection des civils en période de conflit armé

I. Introduction

1. Le présent rapport fait suite à la demande figurant dans la déclaration du Président du Conseil de sécurité du 12 février 2013 (S/PRST/2013/2).

2. Le présent rapport, qui est mon onzième sur la protection des civils dans les conflits armés, porte sur la période allant de novembre 2013 à mai 2015. Il fait le point sur l'état de la protection des civils dans les principales crises liées aux conflits, recense les problèmes existants ou naissants en matière de protection et met l'accent sur les efforts déployés pour renforcer la protection des civils. Enfin, il formule des recommandations sur les moyens de mieux protéger les civils en temps de conflit armé et de favoriser une démarche plus cohérente et plus systématique de la part du Conseil de sécurité.

3. Ces 10 dernières années, le nombre de personnes ayant besoin d'aide humanitaire internationale a triplé. L' écrasante majorité sont des civils touchés par des conflits armés ou des situations d'urgence complexes, lesquels constituent environ 80 % des crises nécessitant une intervention humanitaire internationale. Environ 42 % des pauvres dans le monde vivent aujourd'hui dans des pays fragiles ou touchés par des conflits, taux qui devrait passer à 62 % d'ici à 2030. La communauté internationale doit placer en tête de ses priorités la protection de ces personnes et la préservation de leur dignité, notamment en faisant respecter le droit international et en cherchant à faire répondre de leurs actes les auteurs de violations.

4. Or, c'est le niveau effarant de brutalité et le mépris de la vie et de la dignité humaines qui sont devenus les caractéristiques de la plupart des conflits armés d'aujourd'hui. Les civils sont tués et mutilés dans des attaques ciblées ou aveugles. Ils sont torturés, pris en otage, portés disparus, sont recrutés de force par des groupes armés, chassés de chez eux, séparés de leur famille et privés d'accès aux biens de première nécessité. La violence sexuelle et sexiste est répandue. Les attaques directes contre des écoles et des hôpitaux sont devenues chose courante dans de nombreux conflits armés. Le personnel humanitaire et sanitaire est délibérément pris pour cible. Dans de nombreux conflits, les règles les plus élémentaires du droit international humanitaire sont quotidiennement violées, en toute impunité ou presque. Cette impunité, qui demeure généralisée dans l'ensemble des conflits, suscite à son tour d'autres violations.

5. Les conséquences de cet engrenage sur le plan humain sont dévastatrices. Les déplacements dus aux conflits et à la violence ont atteint leur plus haut niveau depuis la Seconde Guerre mondiale, avec quelque 38 millions de personnes déplacées au sein de leur pays et 13 autres millions réfugiées à l'étranger. Rien qu'en 2014, 11 millions de personnes environ ont dû fuir leurs maisons et chercher refuge ailleurs dans le pays afin d'échapper à des attaques ou par peur d'être attaqués. Cela représente 30 000 personnes arrachées à leur foyer chaque jour, presque sans espoir de retour. En moyenne, les personnes déplacées dans leur propre pays par un conflit le restent pendant 17 ans. Pour beaucoup, le déplacement marque le début d'une vie de lutte pour la sécurité et la stabilité.

6. La défense de l'humanité est au cœur de l'action humanitaire et de la Charte des Nations Unies. Les civils victimes de conflits armés comptent parmi les personnes les plus vulnérables sur terre. Ils ont droit à une protection. Mais la volonté ainsi que la capacité de la communauté internationale de protéger les civils en période de conflit et de préserver leur dignité sont sans cesse mises à l'épreuve. Ces 16 dernières années, le Conseil de sécurité a établi un solide cadre normatif pour la protection des civils, consigné dans différentes résolutions et déclarations présidentielles et fondé sur les principes du droit international humanitaire, des droits de l'homme et du droit des réfugiés. Il a considérablement renforcé les fonctions de protection et les mandats de défense des droits de l'homme de nombreuses opérations de paix des Nations Unies. À cela se sont ajoutées la mise à jour régulière de l'aide-mémoire sur les questions relatives à la protection des civils en période de conflit armé et la création du Groupe d'experts informel du Conseil sur la protection des civils. L'établissement par le Conseil de mandats thématiques sur le sort des enfants en temps de conflit armé et les violences sexuelles liées aux conflits a été essentiel à la création d'un élan politique et au renforcement de mesures d'intervention adaptées à ces situations. Cependant, malgré ces améliorations sur le plan normatif, la mission de protection des civils sur le terrain s'est distinguée par ses échecs plus que par ses succès.

7. Les cinq grands impératifs de la protection des civils, détaillés dans mes précédents rapports, restent d'actualité. Premièrement, nous devons mieux faire respecter le droit international par les parties au conflit, en particulier dans les combats. À cette fin, le rôle d'un Conseil de sécurité uni est crucial. La non-application et les violations persistantes affaiblissent le droit international humanitaire et le droit international des droits de l'homme. Deuxièmement, nous devons collaborer de façon systématique avec les groupes armés non étatiques afin de les pousser à respecter le droit, à protéger les civils et à laisser les personnes dans le besoin accéder à l'aide humanitaire. Troisièmement, nous devons, dans le prolongement des progrès accomplis jusqu'à présent, davantage renforcer le rôle de protection des civils des opérations de maintien de la paix. Il faut donner aux soldats de la paix les ressources et les capacités nécessaires à l'exécution de ces mandats tout en engageant activement les autorités nationales à s'acquitter de la responsabilité de protéger les civils, qui leur incombe au premier chef. Quatrièmement, il faut des mesures plus concertées de la part de l'ensemble des acteurs concernés, notamment ceux qui ont une influence sur les parties au conflit, afin de garantir l'accès rapide et sans entrave des organisations humanitaires aux personnes ayant besoin de protection et d'aide. Le refus arbitraire par les parties au conflit d'autoriser les opérations de secours ne saurait rester sans conséquences. Cinquièmement, il existe toujours la nécessité impérieuse de faire répondre de leurs actes les responsables de violations du droit, faute de quoi c'est une culture d'impunité, dans laquelle prospèrent les violations, qui est favorisée. De nombreuses recommandations visant à aider le Conseil, les États Membres et les parties au conflit à répondre à ces impératifs ont été formulées dans mes précédents rapports. Ces recommandations méritent d'être sérieusement étudiées et suivies d'effet. C'est aux États qu'incombe au premier chef la responsabilité de protéger les civils présents sur leur territoire, et ces recommandations ont pour objectif final de renforcer leur responsabilité, non de s'y substituer

8. Il faut saisir l'occasion du Sommet mondial sur l'action humanitaire prévu en 2016 pour lancer un ambitieux programme pour le changement visant à réduire sensiblement la violence et les conséquences des conflits sur les civils et assorti d'objectifs et de cibles clairement définis. Il y a également lieu de s'appuyer sur les travaux effectués dans le cadre du processus d'élaboration du programme de développement pour l'après-2015 afin de ne laisser réellement personne pour compte, encore moins les déplacés et autres personnes touchées par les conflits. Le fait de formuler clairement nos ambitions de réduction de la violence d'ici à 2030 et de définir des cibles et des indicateurs concrets nous permettra de juger des progrès accomplis, de susciter le dialogue et de promouvoir des initiatives dans ce domaine crucial.

II. Problèmes propres aux différents pays

9. Si des progrès ont été effectués sur le plan normatif ces 18 derniers mois, l'état général de la protection sur le terrain demeure peu propice. Les civils constituent toujours la grande majorité des victimes des conflits armés, et les violations généralisées du droit international humanitaire et du droit international des droits de l'homme sont souvent commises en toute impunité.

Afghanistan

10. Les victimes civiles et les déplacements ont fortement augmenté en 2014, les femmes et les enfants comptant de façon disproportionnée parmi les personnes touchées. Le rapport de la Mission d'assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA) fait état d'un nombre de victimes civiles plus élevé en 2014 (10 548) que toutes les autres années depuis 2009, avec une hausse de 22 % par rapport à 2013. L'augmentation spectaculaire (40 %) du nombre de victimes parmi les enfants est particulièrement inquiétante. Le nombre de victimes civiles de l'utilisation d'engins explosifs dans des zones peuplées est également en forte hausse. Plus de 166 000 personnes ont été déplacées en 2014, ce qui en porte le nombre total dans le pays à plus de 805 000. En outre, depuis juin 2014, l'Afghanistan a accueilli 280 000 réfugiés pakistanais, tandis que le Pakistan continue d'héberger environ 1,5 million de réfugiés afghans. En février 2014, le Gouvernement afghan a adopté une politique nationale globale en matière de déplacement. Nous devons appuyer ses efforts afin d'en garantir l'application effective. L'accès humanitaire demeure très difficile en raison de la forte insécurité. Les attaques contre les produits et le personnel humanitaires ont continué d'augmenter tout au long de l'année, avec notamment l'enlèvement et le meurtre de cinq membres afghans du personnel de l'organisation Save the Children.

République centrafricaine

11. Le pays a continué d'être marqué par les violences confessionnelles, le taux élevé de déplacements et la persistance de l'insécurité et de la peur en 2014. Malgré les progrès accomplis en 2015 sur le plan politique, la situation humanitaire reste désastreuse : plus de 60 % de la population a aujourd'hui besoin d'aide humanitaire. Si les conditions de sécurité se sont améliorées à Bangui et dans d'autres secteurs grâce au déploiement de forces internationales et de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine en 2014, les affrontements entre les groupes armés et les attaques contre les civils demeurent néanmoins répandus. Les obstacles constants qui s'opposent au rétablissement de l'autorité de l'État par les institutions nationales et locales rendent extrêmement difficile la protection des civils. La Commission internationale d'enquête sur la République centrafricaine a recueilli des preuves d'exécutions extrajudiciaires, d'arrestations et de détentions arbitraires, d'enlèvements et de torture. Les groupes armés antibalaka ciblent systématiquement les minorités. La quasi-totalité de la population musulmane de l'ouest de la République centrafricaine, y compris de Bangui, a fui et nombre de ses membres ont été délibérément pris à partie. Entre 6 000 et 10 000 enfants ont été recrutés ou utilisés par des groupes armés et on signale toujours des actes d' exploitation et des atteintes sexuelles perpétrés par les parties au conflit et les forces armées internationales. Un cinquième de la population environ a été déplacé, dont 463 000 personnes à l'intérieur du pays et 430 000 réfugiés dans les États voisins. Quelque 36 000 déplacés appartenant à des minorités religieuses ou ethniques sont piégés dans des enclaves encerclées par des éléments antibalaka, privés de toute aide alimentaire et médicale. Il est fait état d'éleveurs foulani mis en esclavage, torturés, violés, mutilés et tués. L'accès humanitaire demeure difficile dans de nombreux endroits en raison d'hostilités ouvertes, de la violence contre le personnel humanitaire et de l'entrave à l'exécution d'activités humanitaires. Rien qu'au cours des 12 derniers mois, 18 travailleurs humanitaires ont été tués.

Colombie

12. S'il est permis de se féliciter des progrès accomplis en 2014 dans les négociations de paix entre le Gouvernement et les Forces armées révolutionnaires de Colombie - Ejército del Pueblo, ceux-ci ne se sont pas accompagnés d'une amélioration générale de la situation humanitaire sur le terrain, les groupes autochtones et les Colombiens d'ascendance africaine étant particulièrement touchés par les violences continuelles et l'insécurité persistante. Les Forces armées révolutionnaires ont maintenu leur emprise sur les populations, notamment au moyen de restrictions des déplacements, d'extorsions et de menaces. De plus, le conflit avec l'Armée nationale de libération et les violences perpétrées par les groupes armés démobilisés et d'autres structures armées locales continuent. Le risque d'accidents causés par des mines demeure élevé dans de vastes régions du pays. On craint que les lois proposées en matière de justice militaire nuisent à la lutte contre l'impunité pour les exécutions extrajudiciaires et autres graves violations supposément commises par des soldats au cours du conflit. Plus de 150 000 personnes ont été nouvellement déplacées par le conflit et les violences en 2014, ce qui porte le nombre total de déplacés dans le pays à plus de 6 millions. La loi de 2011 sur les victimes et la restitution des terres offre une belle occasion de fournir des voies de recours à des millions de déplacés, toutefois seul un petit nombre d'entre eux en a bénéficié jusqu'à présent.

République démocratique du Congo

13. Durant deux décennies, le conflit persistant dans les provinces orientales et l'instabilité dans d'autres parties du pays ont entraîné des crises humanitaires récurrentes et prolongées, des taux de malnutrition élevés et des épidémies. Ces 18 derniers mois, les groupes armés et les forces gouvernementales ont continué de commettre des violations telles que des homicides illégaux, des actes de torture, des viols et des pillages, en particulier dans l'est du pays. Celles-ci comprennent notamment l'exécution sommaire d'au moins 237 civils par les Forces démocratiques alliées dans le territoire de Beni, au Nord -Kivu, entre octobre 2014 et mai 2015. Les violences sexuelles liées aux conflits sont endémiques. Les inquiétudes demeurent également au sujet des attaques contre des écoles et du recrutement et de l'utilisation d'enfants par les groupes armés. Près de 2,8 millions de personnes sont déplacées au sein du pays et 443 000 ont cherché refuge dans les États voisins. Si, dans les zones relativement calmes, les déplacés ont pu retourner chez eux, le nombre total de déplacements est en hausse. Dans la seule province du Katanga, 180 000 personnes ont été déplacées entre décembre 2013 et octobre 2014 en raison des combats et de l'insécurité. De plus, environ 10 000 réfugiés en provenance du Burundi sont arrivés en avril et mai 2015. L'accès humanitaire est limité dans de nombreux secteurs en raison de l'insécurité, de l'insuffisance des infrastructures, des attaques contre des travailleurs humanitaires et d'autres contraintes.

Iraq

14. Depuis l'établissement de mon précédent rapport (S/2013/689), la crise iraquienne s'est considérablement aggravée et les attaques contre des civils, les violences sexuelles et sexistes et les actes d'intimidation se sont multipliés et se poursuivent de plus belle - pour des motifs souvent ethniques ou sectaires. Plus de 8,2 millions d'Iraquiens ont besoin d'une aide humanitaire, soit une augmentation de 3 millions de personnes au cours des cinq derniers mois. Plus de 12 000 personnes ont été tuées et 23 000 blessées en 2014. Des civils ont continué d'être tués, blessés ou déplacés, notamment du fait de l'utilisation d'engins explosifs dans des zones habitées. L'expansion rapide de groupes armés, en particulier de l'État islamique d'Iraq et du Levant (EIIL), a également eu des répercussions dévastatrices. Des enfants ont été pris pour cible et enrôlés par des groupes armés, et des milliers de femmes et de filles ont été enlevées, mariées de force et victimes de violences sexuelles et sexistes. Toutes les parties au conflit sont accusées de commettre des violences et des meurtres motivés par des raisons sectaires ou ethniques. Près de 3 millions de personnes, dont la moitié étaient des enfants, ont été déplacées depuis que le conflit a éclaté dans la province d'Anbar en janvier 2014. Les déplacés vivent dans des abris misérables, dotés de services d'approvisionnement en eau et d'assainissement restreints. Leur retour est entravé par l'utilisation fréquente de pièges et d'engins explosifs improvisés, le mauvais état de l'infrastructure publique, l'absence de services de base et les restrictions d'accès qu'imposent les forces de sécurité. L'entrée dans des provinces plus sûres est souvent refusée aux hommes déplacés. L'Iraq continue également d'accueillir quelque 248 000 réfugiés syriens. Compte tenu des répercussions de la violence et de l'insécurité actuelles sur les opérations humanitaires, l'accès humanitaire reste très difficile, en particulier pour les 2,3 millions d'Iraquiens en détresse qui vivent dans les zones du nord et de l'ouest de l'Iraq échappant au contrôle du Gouvernement, notamment dans les régions contrôlées par l'EIIL. Dans l'ensemble du pays, près de 7 millions de personnes, soit 20 % de la population, n'ont pas accès aux services élémentaires de santé, d'approvisionnement en eau et d'assainissement.

Libye

15. La situation humanitaire s'est gravement détériorée depuis que les affrontements se sont intensifiés à la mi-2014. L'utilisation fréquente d'engins explosifs dans des zones habitées a fait de nombreuses victimes parmi les civils, qui ont été tués, blessés ou déplacés, entraîné la destruction d'habitations et de l'infrastructure de base et laissé des restes explosifs de guerre dangereux. Les affrontements entre les groupes armés se sont caractérisés par de graves violations du droit international, notamment des assassinats, des exécutions arbitraires, des actes de torture, des disparitions forcées, des enlèvements et des déplacements forcés. Dans le sud du pays, des groupes tribaux ont poursuivi leurs violents affrontements. Le conflit a eu des répercussions disproportionnées sur les enfants. Des écoles ont été endommagées par des bombardements et ont servi de bases au lancement d'attaques. Quelque 400 000 personnes ont été déplacées, dont la plupart de manière répétée du fait de l'extension du conflit. La situation des migrants, des réfugiés et des demandeurs d'asile, qui était déjà très préoccupante avant l'aggravation de la situation, s'est encore détériorée. L'accès humanitaire est extrêmement restreint dans plusieurs zones à cause de l'insécurité et de la crainte d'actes d'extrémisme violents, ce qui réduit les possibilités d'évaluation des besoins, de protection des personnes et d'acheminement de l'aide.

Mali

16. La reprise du conflit dans le nord du Mali en mai 2014 a entraîné un regain de violence, des tensions intercommunautaires et des déplacements. Les heurts entre les parties au conflit ainsi que l'utilisation de mines et d'engins explosifs improvisés dans les régions du nord et, plus récemment, du centre du Mali, ont fait des victimes parmi les civils. Des groupes armés continuent d'enrôler et d'utiliser des enfants, et les arrestations et les détentions arbitraires ainsi que le mauvais traitement des prisonniers demeurent préoccupants. Au 31 mai 2015, plus de 100 000 personnes étaient déplacées au Mali et 137 500 Maliens étaient réfugiés dans des pays voisins. La stratégie nationale axée sur la recherche de solutions durables au problème des déplacés, des rapatriés et des réfugiés rapatriés que l'Organisation des Nations Unies a élaborée conjointement avec les autorités nationales doit encore être formellement adoptée par le Gouvernement. L'insuffisance de services élémentaires dans de nombreuses régions d'origine complique le retour des déplacés. Les opérations humanitaires ont été entravées dans de nombreuses régions, l'insécurité et la violence ayant entraîné la réinstallation temporaire des agents de l'aide humanitaire et la suspension de leurs activités.

Myanmar

17. La reprise des affrontements dans les États de Kachin et de Shan du Nord a entraîné de nouveaux déplacements et la paralysie des structures locales, et multiplié les risques de violence sexuelle et sexiste. Dans l'État d'Arakan, plus de 416 000 personnes ont toujours besoin d'une assistance humanitaire depuis que des violences intercommunautaires ont opposé des bouddhistes et des musulmans rohingya en juin et octobre 2012. Dans le Kachin et le Shan du Nord, des inquiétudes ont été exprimées au sujet de l'incapacité des parties de distinguer les civils des combattants pendant les hostilités, ainsi que de la poursuite de l'enrôlement et de l'utilisation d'enfants. Près de quatre ans après l'éclatement du conflit, quelque 100 000 personnes sont toujours déplacées dans le Kachin et le Shan du Nord. Dans l'Arakan, 140 000 déplacés vivent dans des camps, dont une majorité de Rohingya qui sont tenus à l'écart du reste de la population et ne jouissent pas de toute la liberté de mouvement. Ces Rohingya ne représentent qu'une partie des plus d'un million de Rohingya qui demeurent apatrides en raison de la loi de 1982 relative à la citoyenneté qui leur nie un accès égal à celle -ci et marginalisés par des décennies de discrimination et de persécution ayant poussé des milliers d'entre eux à fuir en bateau au péril de leur vie. De nouvelles mesures doivent être prises pour désencombrer les camps et trouver des solutions durables en faveur des déplacés, ainsi que pour s'attaquer aux causes profondes des tensions et des violences intercommunautaires. L'accès humanitaire continue d'être très difficile. Les opérations de secours ont été freinées par l'insécurité qui frappe le Kachin et le Shan du Nord et entrave l'accès aux régions échappant au contrôle des autorités. Dans l'Arakan, les conditions demeurent particulièrement difficiles pour les agents de l'aide humanitaire. En mars 2014, 300 d'entre eux ont dû être réinstallés à la suite des attaques perpétrées contre les locaux de l'Organisation des Nations Unies et de diverses organisations humanitaires.

Nigéria

18. Le nord-est du Nigéria a connu un net regain de violence au cours de la période considérée, notamment durant les premiers mois de 2015, ce qui a suscité un sentiment de peur chez les civils et des déplacements massifs. Selon les estimations, 5 000 civils ont été tués depuis janvier 2014. Par ailleurs, pendant cette période, Boko Haram a enlevé 2 000 femmes et filles au moins, qu'il a pour la plupart réduites en esclavage sexuel ou forcées à combattre. Il a également enrôlé et utilisé des enfants, notamment comme bombes humaines ou comme boucliers humains. En janvier 2015, à la veille de la tenue des élections nationales, il a attaqué presque quotidiennement les populations des trois États les plus touchés (Borno, Yobe et Adamawa), notamment à l'aide d'engins explosifs dans les zones habitées, causant des morts, des blessés et des déplacés parmi les civils. En avril 2015, l'armée nigériane a libéré plus de 700 femmes et enfants, et une action multinationale anti-insurrectionnelle menée contre Boko Haram en avril et mai 2015 aurait permis d'accomplir d'importants progrès. Toutefois, les mesures prises par les forces de sécurité nationales, les milices armées et forces de sécurité des pays voisins pour lutter contre les insurgés sont également liées à des allégations de graves violations des droits de l'homme dont auraient été victimes un grand nombre d'individus. Selon les estimations, au 30 avril 2015, 1,5 million de personnes étaient déplacées, dont quelque 90 %, souvent aux abois, vivaient dans des communautés d'accueil et n'avaient que peu ou pas accès à l'aide humanitaire. Les autres vivaient dans des camps, des centres collectifs ou des sites de fortune mal équipés. Par ailleurs, 210 000 personnes ont fui vers des pays voisins. Le Gouvernement a dit qu'il comptait faciliter le retour des déplacés et des réfugiés. Toutefois, l'insécurité et la présence de munitions d'artillerie non explosées dans les zones de retour pose de graves difficultés. L'accès humanitaire demeure difficile dans certaines régions du pays, en particulier le nord-est, compte tenu du niveau élevé de l'insécurité.

Territoire palestinien occupé

19. Les hostilités qui ont eu lieu à Gaza en 2014 ont causé le plus grand nombre de morts enregistré parmi les civils depuis 1967, ainsi que des dégâts matériels et des déplacements massifs. Plus de 1 500 civils palestiniens ont été tués, dont plus de 500 enfants, et 11 000 ont été blessés pendant les hostilités qui ont eu lieu à Gaza en juillet et août 2014. Par ailleurs, les habitations et l'infrastructure civile, dont les écoles et les hôpitaux, ont subi des dommages considérables. Des engins explosifs ont été largement utilisés dans des zones habitées, et des restes explosifs de guerre sont disséminés partout dans Gaza. Les hostilités ont également eu de graves répercussions sur les civils israéliens, les groupes armés de Gaza ayant procédé à des tirs aveugles de roquettes et de mortiers, tuant cinq civils israéliens et provoquant des déplacements dans le sud d'Israël. En outre, des Palestiniens et des Israéliens ont été tués en Cisjordanie, y compris à Jérusalem -Est, en grande partie pendant des heurts survenus entre des manifestants palestiniens et les forces israéliennes. Ces faits ont mis en lumière les préoccupations de longue date concernant l'utilisation de balles réelles dans le cadre d'interventions antiémeutes. Au plus fort des hostilités qui ont eu lieu à Gaza, près de 500 000 Palestiniens ont été déplacés, dont 100 000 le sont toujours. Il reste extrêmement préoccupant que des habitations palestiniennes continuent d'être détruites et que des civils palestiniens, dont beaucoup ont le statut de réfugiés, continuent d'être déplacés à cause de la construction de colonies illicites en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est. En dépit d'assouplissements récents, les restrictions à la liberté d'entrer dans Gaza empêchent l'accès aux services et aux ressources, compromettent les moyens de subsistance et la reconstruction, aggravent la fragmentation du territoire palestinien occupé et font obstacle à l'acheminement de l'aide humanitaire. Israël doit permettre et faciliter l'acheminement rapide et sans entrave de l'aide humanitaire en direction et en provenance de Gaza et de la Cisjordanie, l'objectif étant de garantir que les besoins élémentaires des civils soient satisfaits.

Pakistan

20. Les opérations militaires se sont poursuivies dans les zones tribales sous administration fédérale. Il en a été certes ainsi pendant toute la période considérée, mais cela semble avoir fait l'objet d'une meilleure planification pour en atténuer les effets sur les civils. Le 16 décembre 2014, neuf hommes armés ont pris d'assaut l'école publique militaire de Peshawar, tuant 145 personnes, dont 132 écoliers, et en blessant 133 autres au moins. Quelque 1,6 million de personnes demeurent déplacées au Pakistan, dont 700 000 l'ont été rien qu'en 2014, en grande partie à cause du conflit qui sévit dans les zones tribales sous administration fédérale. En 2014 également, 39 000 familles ont fui en Afghanistan. Le Gouvernement a annoncé à la fin de 2014 qu'il comptait aider le retour de tous les déplacés, qui serait échelonné sur une période de deux ans. L'accès humanitaire aux zones de retour des déplacés est déterminant pour programmer, aider et suivre les retours. Jusqu'à présent, les lenteurs administratives continuent de freiner l'accès des organisations humanitaires aux populations dans le besoin.

Somalie

21. La crise humanitaire somalienne reste l'une des plus profondes et des plus complexes du monde. Le niveau d'insécurité est élevé dans la plupart des districts du sud et du centre de la Somalie, quelques 2 170 faits de violence ayant été signalés pendant les neuf premiers mois de 2014. À Mogadiscio, Chabab a continué de recourir à des techniques de combat disproportionnées, notamment à des attaques réalisées au moyen d'engins explosifs improvisés ciblant des institutions et des personnalités politiques et des journalistes. Plus d'un million de déplacés continuent d'être victimes de toute une série d'atteintes à leur protection, y compris des expulsions forcées, des actes de discrimination et des violences sexuelles. À Mogadiscio, quelque 43 000 déplacés ont été expulsés de zones d'habitation depuis le début de 2015, beaucoup étant forcés de s'installer dans des zones n'offrant que de mauvaises conditions de vie et de sécurité et des services limités. Toutes les parties au conflit ont volontairement limité l'accès humanitaire, notamment en réglementant l'accès aux routes et en imposant des restrictions administratives, en particulier dans le sud et le centre de la Somalie. Pendant les neuf premiers mois de 2014, les attaques visant des agents de l'aide humanitaire se sont poursuivies, 75 cas ayant été signalés, dont 10 assassinats et 22 enlèvements. Rien qu'au cours des trois derniers mois, sept humanitaires ont été tués, 11 blessés et 20 arrêtés et faits prisonniers. En avril 2015, quatre humanitaires de l'ONU ont été tués dans une attaque lancée par Chabab à Garowe (Puntland), ville jusque-là considérée comme l'une des plus sûres du pays pour l'acheminement de l'aide humanitaire.

Soudan du Sud

22. Il y a 18 mois que le conflit qui ravage le Soudan du Sud a éclaté. Les deux parties au conflit sont accusées de cibler les civils, notamment d'être coupables d'assassinats, de détentions arbitraires, d'enlèvements, de disparitions, de violences sexuelles et d'attaques visant des édifices civils tels que des lieux de culte, des écoles et des hôpitaux. Elles auraient utilisé la violence sexuelle dans le cadre de leurs tactiques militaires. Selon les estimations, 184 établissements de santé ont été détruits, sont occupés ou ne fonctionnent plus. L'accès à l'éducation a été entravé, quelque 400 000 enfants ont abandonné l'école depuis décembre 2013 et 70 % des écoles situées dans des zones touchées par le conflit ont fermé. Plusieurs milliers d'enfants auraient été enrôlés et utilisés par des forces et groupes armés depuis 2014. Dans ces conditions, j'accueille avec satisfaction la libération récente de plus de 1 700 enfants soldats par la faction Cobra de l'Armée démocratique du Soudan du Sud. La Mission des Nations Unies au Soudan du Sud continue d'assurer la protection physique des quelque 118 000 déplacés vivant dans ses camps, tandis qu'ailleurs, plus de 1,5 million de personnes sont déplacées et plus de 540 000 personnes ont fui dans d'autres pays. La militarisation des camps et l'infiltration d'éléments armés dans les camps de réfugiés restent des sujets de préoccupation. Les actes de violence commis contre les agents de l'aide humanitaire et les restrictions imposées par les deux parties aux mouvements terrestres et aériens continuent d'entraver l'accès humanitaire. Au moins 13 humanitaires ont été tués depuis l'éclatement du conflit.

Soudan

23. La poursuite des affrontements dans la région du Darfour s'est caractérisée par des violations massives du droit international humanitaire et des droits de l'homme. Au Darfour, les heurts ont été accompagnés d'attaques volontaires ou aveugles contre des civils considérés comme loyaux aux groupes armés de l'opposition, et d'attaques sporadiques contre ceux considérés comme fidèles au Gouvernement. Des actes de violence sexuelle ont continué d'être signalés au Darfour, mais l'ONU a eu des difficultés à s'y rendre pour enquêter sur ces cas et sur des violations présumées des droits de l'homme. Des attaques contre des civils, accompagnées d'une intensification des bombardements aériens, ont également été signalées dans le Kordofan méridional et le Nil Bleu. Selon les estimations, en 2014, 430 000 personnes ont fui le conflit intercommunautaire et l'opération « Decisive Summer » lancée par les forces gouvernementales, ce qui porte à 2,5 millions le nombre de déplacés, dont la plupart vivent dans des camps. Au moins 65 000 nouveaux déplacés ont été recensés au Darfour rien que pendant les cinq premiers mois de 2015. En 2014, les opérations militaires menées dans le Kordofan méridional et le Nil Bleu auraient provoqué le déplacement de 140 000 personnes. Bien que la plupart des régions accueillant des personnes ayant besoin d'assistance aient été théoriquement accessibles, dans de nombreux cas l'acheminement de l'aide humanitaire a été partiel, retardé ou restreint. L'acheminement de l'aide humanitaire impliquant le franchissement de lignes pour accéder aux zones directement touchées par le conflit ou tenues par les forces armées de l'opposition n'a pas pu reprendre.

République arabe syrienne

24. La République arabe syrienne entre dans sa cinquième année de conflit, alors que toutes les parties continuent de se livrer à des actes de violence et de brutalité avec la même intensité et en toute impunité. Le nombre de personnes qui, selon les estimations ont à présent besoin d'aide humanitaire s'élève à 12,2 millions, soit une augmentation de près de 3 millions enregistrée au cours de l'année écoulée. Plus de 220 000 personnes ont été tuées et plus d'un million blessées depuis mars 2011. Les civils ont été soumis dans tout le pays à des attaques directes ou aveugles, notamment à un recours généralisé à des barils piégés et à des engins explosifs dans des zones peuplées. Des attaques à l'arme chimique ont également été signalées. Des hôpitaux, écoles, lieux de culte et autres objets civils ont été endommagés, détruits ou occupés par les combattants. Des services essentiels ont été supprimés, privant les civils d'eau et d'électricité. Des informations continuent de faire état d'exécutions sommaires et extrajudiciaires, de disparitions forcées, de détentions arbitraires, d'enlèvements, de violences sexuelles et de recrutement forcé par les parties au conflit. Plus de la moitié de la population syrienne a été contrainte d'abandonner son foyer, 7,6 millions de personnes déplacées et près de 4 millions de réfugiés se trouvant dans les pays voisins. L'accès à l'aide humanitaire continue d'être entravé par les combats et l'insécurité, ainsi que l'obstruction délibérée de l'aide vitale en dépit de trois résolutions du Conseil de sécurité mettant l'accent sur les obligations qui incombaient aux parties en vertu du droit international humanitaire et exigeant l'acheminement sans entrave de cette aide. Quelque 4,8 millions de personnes vivent dans des zones d'accès difficile ou assiégées. Les agents d'aide humanitaire sont fréquemment harcelés, enlevés ou tués, et les installations et le personnel de santé sont également devenus des cibles.

Ukraine

25. Le conflit en Ukraine a été marqué par un profond mépris pour la protection des civils. Cinq millions de personnes ont à présent besoin d'aide humanitaire, notamment d'abris, de vivres et de soins de santé. Au moins 6 344 personnes ont été tuées entre la mi-avril et la mi-mai 2015. Les combats ont été caractérisés par un usage répandu d'engins explosifs, notamment d'armes à sous -munitions, dans les zones peuplées. Il y avait 1,3 million de personnes déplacées enregistrées en Ukraine au 21 mai 2015. En novembre 2014, le Gouvernement a adopté une loi nationale garantissant les droits et libertés des personnes déplacées, rendant ainsi les efforts d'assistance quelque peu prévisibles. Entre-temps, près de 860 000 personnes ont fui vers les pays voisins, dont un tiers d'enfants. La précarité des conditions de sécurité à l'est de l'Ukraine, l'endommagement des infrastructures et les restrictions bureaucratiques ont entravé l'accès des populations dans le besoin à l'aide humanitaire. Les civils restés dans les zones touchées par le conflit ont vécu dans des conditions extrêmement difficiles et eu du mal à bénéficier de services de base en raison de la violence, de l'insécurité et des restrictions à la liberté de circulation.

Yémen

26. L'escalade tragique du conflit au Yémen en 2015 a imposé un lourd tribut aux civils. Avant cette dernière escalade en date, il était estimé que 15,9 millions de personnes, soit 61 % de la population, aurait besoin d'aide humanitaire en 2015. Ce chiffre risque à présent d'augmenter considérablement. Entre la mi-mars et la mimai 2015, environ 2 000 personnes ont été tuées et 8 000 blessées, dont à peu près la moitié des civils. Les effets sur les infrastructures civiles ont été dévastateurs, parallèlement à un recours généralisé à des frappes aériennes et à l' emploi d'engins explosifs dans des zones peuplées ainsi qu'à des attaques sur des installations de santé, des écoles et d'autres infrastructures essentielles. Des déplacements massifs se produisent sur l'ensemble du pays en raison de l'intensité des combats. À la fin du mois de mai 2015, il y avait plus de 545 000 nouvelles personnes déplacées tandis que plus de 28 000 personnes avaient quitté le pays au cours des deux derniers mois. Les modalités d'acheminement de cette aide sont sérieusement entravées par les hostilités en cours et l'insécurité ambiante, et pourtant les besoins humanitaires d'urgence augmentent. De nombreux Yéménites sont actuellement privés d'accès à des services de base, notamment de soins médicaux, de vivre, d'eau et d'autres nécessités. Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires préconise un acheminement en toute sécurité, rapide et sans entrave de l'aide humanitaire, y compris l'observation d'une nouvelle trêve humanitaire du 12 au 17 mai 2015, et s'attache à mettre en place les dispositifs nécessaires pour désamorcer le conflit, de manière à établir un système régulier et prévisible d'acheminement des fournitures humanitaires aux personnes dans le besoin.

III. Suivi des cinq principaux défis

27. Les 18 derniers mois ont vu la dégradation de plusieurs longs conflits et l'apparition de nouveaux aux conséquences dévastatrices pour les civils. Face à cette situation, les cinq principaux défis en matière de protection gardent toute leur pertinence.

Respect et responsabilité

Respect du droit international humanitaire

28. L'un des problèmes les plus épineux qui se posent en matière de protection des civils est le non-respect actuel par les États et les groupes armés non étatiques du droit international humanitaire. Maintes parties à des conflits armés de nos jours font systématiquement fi des obligations qu'elles ont contractées à cet égard et affiche un profond mépris pour la vie humaine. Le ciblage et la brutalisation délibérés de civils et les attaques contre des infrastructures civiles essentielles sont devenus des objectifs que se fixent régulièrement les parties au conflit. Les violations du droit international humanitaire s'accompagnent d'une impunité généralisée, qui enhardit les auteurs et prive les victimes de tout espoir de justice ou de recours. J'engage les États Membres à se réunir pour examiner et déterminer les moyens de mieux assurer le respect du droit humanitaire international sans tarder et à titre prioritaire.

Attaques contre des agents et des installations humanitaires et sanitaires

29. Je demeure préoccupé par la persistance des attaques dirigées contre des agents et installations humanitaires et sanitaires. Une étude du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) effectuée en 2014 a recensé plus de 1 800 incidents se rapportant à de graves actes ou menaces de violence qui ont entravé la prestation de soins de santé en 2012 et 2013. Selon la base de données des agents humanitaires, 270 d'entre eux ont été tués, enlevés ou grièvement blessés en 2014. Quatre-vingt-dix pour cent des victimes étaient des membres du personnel recruté sur le plan national. Ces attaques ont été désastreuses de conséquences pour les civils. Je salue l'adoption par le Conseil de sécurité de la résolution 2175 (2014) sur la protection du personnel humanitaire, du personnel des Nations Unies et du personnel associé, dans laquelle le Conseil a réaffirmé la protection juridique accordée à ce personnel, demandé leur plein accès sans entrave à toutes les personnes ayant besoin d'assistance et souligné la responsabilité qui incombe aux États de veiller à ce que les auteurs d'attaques répondent de leurs actes.

Usage généralisé d'engins explosifs dans des zones peuplées

30. Depuis 2009, j'ai systématiquement mis l'accent sur les conséquences humanitaires dévastatrices de l'utilisation d'engins explosifs dans des zones densément peuplées |1|. J'ai exhorté les parties au conflit à s'abstenir d'y avoir recours compte tenu de leur large champ d'action. J'ai recommandé au Conseil de sécurité, le cas échéant, d'inviter expressément les parties au conflit à se garder d'en faire usage.

31. Les raisons de procéder ainsi sont manifestes. De l'Afghanistan à la Libye, au territoire palestinien occupé, au Soudan, à la République arabe syrienne, à l'Ukraine, au Yémen et ailleurs, l'utilisation d'engins explosifs dans des zones densément peuplées est une cause principale de décès, de blessures et de déplacement chez les civils. Selon l'organisation non gouvernementale, Action on Armed Violence, 41 847 personnes ont été tuées ou blessées par des engins explosifs en 2014, dont 78 % étaient des civils. Lorsque des engins explosifs étaient utilisés dans des zones peuplées, 92 % des victimes étaient des civils |2|. Les engins explosifs ne sont pas expressément prohibés en vertu du droit international humanitaire, mais dans de nombreux cas, leur emploi dans des zones peuplées constitue une conduite illégale du fait qu'ils frappent sans discrimination. Étant donné que le vaste rayon d'action de nombreux engins explosifs est bien connu, les effets qu'ils sont susceptibles d'avoir sur des populations et infrastructures civiles, sont prévisibles, ce qui soulève de véritables questions morales et, dans certains cas, juridiques.

32. De nombreux types d'engins explosifs sont actuellement en usage. Il s'agit notamment de bombes aériennes, d'obus d'artillerie, de missiles et de roquettes, de projectiles de mortier et d'engins explosifs artisanaux. Certes leur conception, composition et mode d'utilisation varient, mais ces armes présentent des caractéristiques fondamentales communes. Elles emploient généralement une force explosive pour créer une zone de souffle et de fragmentation qui peut tuer, blesser ou infliger des dommages à quiconque ou à quoi que ce soit à l'intérieur de cette zone. Autrement dit, ces armes frappent sans discrimination, ce qui rend leur usage dans des zones densément peuplées, telles que les villes, cités, marchés et camps de déplacés, particulièrement périlleux et plus encore lorsque leur champ d'action s'élargit.

33. Vu que les engins explosifs ne font aucune distinction de cible, leur emploi dans des zones peuplées fait payer un tribut inadmissible aux civils. Nombres d'entre eux sont tués ou subissent des blessures qui modifient le cours de leur vie. L'usage des engins explosifs dans des zones peuplées engendre également de graves conséquences humanitaires à long terme. Les logements et les infrastructures essentielles tels que les réseaux de distribution d'eau et d'électricité sont endommagés ou détruits. Les moyens d'existence sont ruinés aussi par suite de l'endommagement et de la destruction de biens commerciaux et des modes de production. L'accès aux soins de santé est souvent entravé par le fait que les hôpitaux et les dispensaires sont dévastés, ravagés ou sont devenus inaccessibles, ou encore parce que le personnel médical a été tué ou que les livraisons ont été suspendues. L'éducation des enfants est interrompue, soit en raison des dégâts causés aux installations, du préjudice direct subi par le corps enseignant ou de la peur du danger qui le menace. À cause du conflit syrien, 2,6 millions d'enfants ne vont pas à l'école, dont certains depuis au moins trois ans. À Gaza, 66 % des écoles ont été endommagées ou détruites lors des hostilités en juillet et août 2014, dont certaines abritaient des personnes déplacées, entraînant d'autres pertes en vies humaines.

34. L'emploi d'engins explosifs dans des zones densément peuplées est un principal facteur de déplacement car les populations sont forcées de s'enfuir par crainte ou par suite d'attaques de nature à endommager ou détruire leur foyer ou mettre à mal leurs moyens de subsistance. Il pèse également de manière dramatique sur les besoins et les coûts de reconstruction après conflit. Les engins explosifs restant à l'issue des guerres continuent de représenter une menace pour les civils, en particulier les enfants, souvent des décennies après la fin du conflit.

35. Le recours à des engins explosifs dans des zones peuplées, particulièrement ceux à large champ d'action, suscite de vives préoccupations au sujet du respect des principes fondamentaux de distinction, de proportionnalité et de précaution du droit international humanitaire. Le plein respect de ce droit par toutes les parties au conflit pourrait renforcer considérablement la protection des civils des effets de ces armes. L'adoption de normes limitant l'usage d'engins explosifs dans les zones habitées, notamment ceux à vaste rayon d'action pourrait en faire de même.

36. Il existe d'importants précédents à cet égard. Il convient en particulier de noter que la Force d'assistance internationale à la sécurité en Afghanistan et la Mission de l'Union africaine en Somalie ont institué des politiques et pratiques qui limitent l'utilisation de certains engins explosifs dans des endroits où en règle générale il y a la présence de civils, afin d'atténuer les effets des opérations militaires sur eux. Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires recueille des exemples de ces pratiques qu'il mettra à la disposition des États Membres et partenaires pour amener les parties au conflit à revoir leurs méthodes. En octobre 2014, j'ai adressé une note verbale à tous les États Membres pour leur demander de fournir des exemples de politiques et de pratiques pertinentes. Certains y ont donné suite et j'exhorte d'autres à le faire sans tarder. Je salue également la décision de l'Autriche de convoquer une réunion d'experts plus tard dans le courant de 2015, en coopération avec le Bureau de la coordination des affaires humanitaires, pour entamer des discussions sur la portée et la teneur éventuelles d'une déclaration sur les conséquences humanitaires de l'emploi d'engins explosifs dans des zones peuplées. J'encourage vivement les États Membres à prendre une part constructive à cette initiative.

Accès humanitaire

37. Un accès humanitaire régulier et soutenu reste un défi majeur dans de nombreux conflits armés. L'accès est une condition préalable à une action humanitaire efficace. J'ai donc maintes fois souligné la nécessité de veiller à ce que les organismes des humanitaires collaborent systématiquement avec des groupes armés non étatiques sur des questions liées à l'accès, à la protection et à d'autres aspects humanitaires.

38. Au cours des 18 derniers mois, de multiples difficultés ont continué à entraver la possibilité pour les personnes touchées de bénéficier d'assistance et de services et pour les organismes d'aide humanitaire de faire parvenir des secours aux populations affectées. Il s'agit notamment d'hostilités ouvertes, d'attaques contre des agents et des installations humanitaires de restrictions bureaucratiques et d'entrave à l'acheminement de l'aide. Dans certains conflits, les parties ont délibérément bloqué l'acheminement de l'aide pour porter préjudice aux civils. L'accès des organismes d'aide humanitaire, n'est pas simplement un impératif technique ou une décision administrative de la part du gouvernement. Son déni prolonge les souffrances et cause des pertes en vies humaines.

39. J'ai donc réaffirmé que dans des situations où la partie au conflit exerçant un contrôle sur une population civile est incapable ou peu désireuse de pourvoir aux besoins de cette population, les organismes d'aide humanitaire doivent pouvoir mener des opérations de secours en toute impartialité. Les États touchés ne peuvent pas arbitrairement refuser de consentir aux opérations de secours. Une fois que les opérations de secours ont fait l'objet d'un accord, les parties doivent autoriser et faciliter le passage rapide et sans entrave des envois, matériels et personnels de secours. Le refus arbitraire d'accès humanitaire et la privation des civils de biens indispensables à leur survie, notamment en entravant intentionnellement l'acheminement des secours, constituent des violations du droit international humanitaire. Cela a été de plus en plus reconnu dans les résolutions du Conseil de sécurité. Il faut impérativement que les auteurs de ces actes en rendent compte.

Maintien de la paix

40. Je note les difficultés persistantes auxquelles se heurtent les soldats de la paix dans le cadre des efforts qu'ils déploient pour protéger les civils en période de conflit armé. La situation dans de nombreux conflits demeure sombre, mais elle pourrait être encore pire, sans l'importante protection qu'ils sont en mesure d'assurer. Au cours de la période considérée, des attaques dirigées contre le personnel de maintien de la paix ont fait 55 morts. Rien qu'au Mali et au Darfour, des attaques contre des soldats de la paix au cours de cette période ont fait 42 morts et 99 blessés. Les soldats de la paix voient de plus en plus leur liberté de circulation restreinte, en violation des accords sur le statut des forces signés avec les autorités nationales, ce qui les empêche de s'acquitter des tâches qui leur ont été prescrites. Toutes les parties doivent respecter l'importance et l'impartialité du rôle des soldats de la paix dans la protection des civils. J' ai tout dernièrement reçu le rapport du Groupe indépendant de haut niveau chargé d'étudier les opérations de paix (S/2015/446) et je ferai des recommandations à l'Assemblée générale en temps utile.

Déplacements à long terme dans les crises prolongées

41. Les déplacements ont atteint des niveaux record. À la fin de 2014, plus de 38 millions de personnes étaient déplacées à cause des conflits et des violences, tandis que 13 millions d'autres avaient cherché refuge à l'étranger. Il s'agit des chiffres les plus élevés qui aient été enregistrés depuis la Seconde Guerre mondiale. Rien qu'en 2014, il y a eu environ 11 millions de personnes déplacées, c'est-à-dire 30 000 par jour. La durée moyenne d'un déplacement dû à un conflit est d'environ 17 ans.

42. Les personnes déplacées sont particulièrement vulnérables. Elles ont souvent un accès limité à des services de base et nombre d'entre elles sont sans papiers et ont du mal à trouver un emploi ou à recouvrer leurs biens. Elles sont de plus en plus exposées à la discrimination et à l'exploitation, en particulier les femmes et les filles. De nombreuses personnes déplacées sont logées dans des camps dotés uniquement d'installations sommaires mais la grande majorité d'entre elles vivent dans des communautés d'accueil. La générosité de ces communautés qui aident les personnes déplacées pendant des semaines, des mois, voire des années, devrait être saluée.

43. Les gouvernements ont la responsabilité principale de protéger et d'aider les personnes déplacées sur leur territoire. Ils devraient investir dans des mesures de planification préalable et élaborer les cadres et politiques juridiques nécessaires pour remédier aux problèmes de déplacement sur la base des Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l'intérieur de leur propre pays. À ce jour, moins de 40 % de pays se sont dotés de ces cadres. Les gouvernements devraient promouvoir des solutions durables, dont le rapatriement, l'intégration locale et la réinstallation ailleurs dans le pays, dès le début des crises à l'origine du déplacement. Des dispositions instructives figurent dans la Convention de l'Union africaine sur la protection et l'assistance aux personnes déplacées en Afrique (Convention de Kampala); d'autres régions pourraient bénéficier de la mise en place de cadres similaires. Au niveau national, je salue l'adoption de la législation relative au déplacement en Somalie et en Ukraine.

44. La communauté internationale est tenue non seulement de prêter assistance aux personnes déplacées mais également d'assurer leurs besoins propres en matière de protection et de s'attaquer aux causes de leur déplacement. Nous devons renforcer la coordination entre les organismes humanitaires et leur capacité opérationnelle afin d'aider les gouvernements et les partenaires de développement à pourvoir aux besoins à court et à long terme des personnes déplacées. La réunion du Conseil de sécurité selon la formule Arria sur la protection des personnes déplacées, tenue en mai 2014, a souligné qu'il importait de rétablir l'autorité et la protection nationales, le rôle primordial de la communauté internationale et du Conseil de sécurité en cas de défaillance du système de protection nationale et de mieux s'attacher à trouver des investissements à long terme et des solutions durables en faveur des personnes déplacées et j'encourage les membres du Conseil à examiner ces recommandations dans le cadre de situations propres à certains pays.

45. Les objectifs de développement durable offrent une occasion unique de remédier aux problèmes de déplacement prolongé de manière systématique et efficace. Le déplacement ne figurait pas parmi les objectifs et cibles de développement durable, mais devrait être reflété dans leurs indicateurs, séries de données ventilées et la définition de groupes vulnérables. Il s'agit d'un point essentiel pour faire en sorte que personne ne soit laissé pour compte et pour instaurer un cadre propice à la protection de 51 millions de personnes déplacées à travers le monde. Faire respecter le droit de ces personnes particulièrement vulnérables à vivre en toute sécurité et en toute dignité, et leur offrir des solutions durables, constitue un aspect essentiel de la lutte pour l'élimination de la pauvreté partout sous toutes ses formes et doit donc faire partie intégrante du cadre des objectifs de développement durable.

46. Au-delà du processus lié aux objectifs de développement durable, nous devons nous fixer une cible ambitieuse et crédible, par exemple en nous engageant collectivement à réduire de moitié le nombre de personnes déplacées d'ici à 2030. La mobilisation des États Membres, des gouvernements concernés, des donateurs, des intervenants humanitaires et des acteurs de développement ainsi que des institutions financières internationales autour d'un objectif commun et contre est une condition préalable à la réalisation de progrès au sujet de la question du déplacement des personnes à l'intérieur de leur pays. Cela nous contraindra à formuler des approches mieux coordonnées et plus globales.

IV. Avancées normatives et efforts déployés en vue de renforcer la protection des civils

47. Depuis mon dernier rapport, plusieurs grandes avancées ont été réalisées en matière de protection des civils.

Respect des obligations et responsabilité

48. L'entrée en vigueur en 2014 du Traité sur le commerce des armes marquait une étape cruciale dans l'action menée pour empêcher l'acheminement d'armes et de munitions dans des zones touchées par les conflits et la violence. Je demande à tous les États qui ne l'ont pas encore fait de mettre en œuvre le Traité sans attendre.

49. Depuis 2012, la Suisse et le CICR ont mené des consultations avec les États parties à la Convention de Genève de 1949 afin de réfléchir à des moyens de renforcer le respect du droit international humanitaire. La trente-deuxième Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, prévue en décembre 2015, constitue une excellente occasion pour les États de donner suite aux recommandations issues de ce processus.

50. En vue de lutter contre les violences sexuelles liées aux conflits, ma Représentante spéciale chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit a signé des communiqués conjoints avec les Gouvernements de la République démocratique du Congo et du Soudan du Sud, ainsi qu'un cadre de coopération avec l'Union africaine.

51. Des progrès ont été constatés dans certains pays, tels que l'Afghanistan, la République démocratique du Congo et le Myanmar, dans l'application des plans d'action visant à arrêter et à prévenir l'enrôlement et l'utilisation des enfants. Les nouvelles lignes directrices pour la protection des écoles et des universités contre l'utilisation militaire durant les conflits armés ainsi que les orientations données précédemment par ma Représentante spéciale pour les enfants et les conflits armés, concourent grandement aussi à la protection des enfants.

52. Différentes mesures ont été prises au titre de l'initiative Les droits humains avant tout », que j'ai lancée en 2013 en vue de consolider les capacités des Nations Unies de prévenir les graves violations du droit international humanitaire et des droits de l'homme et d'y faire face. Les dispositifs d'alerte rapide et de coordination de l'intervention des Nations Unies en cas de violations ont été consolidés, tout comme l'ont été les efforts déployés pour renforcer les échanges et les analyses d'informations collectives relatives à ce type de violations à l'échelle du système des Nations Unies. La déclaration des principaux responsables du Comité permanent interorganisations concernant l'importance que revêt la protection de l'action humanitaire, publiée en décembre 2013, esquissait des mesures pour renforcer la protection de toutes les personnes touchées ou à risque dans le cadre d'interventions humanitaires.

53. La mise en œuvre fructueuse, ces deux dernières années, de la politique de diligence voulue en matière de droits de l'homme dans le contexte de la fourniture d'appui par l'ONU à des forces de sécurité non onusiennes représente un autre moyen efficace de réduire le risque que les forces nationales de sécurité commettent des violations du droit international humanitaire et du droit international des droits de l'homme.

54. L'utilité de l'enregistrement des pertes civiles a de nouveau été mise en évidence dans une étude menée par l'Oxford Research Group en 2014, qui a révélé qu'en appliquant ce dispositif en Afghanistan, l'UNAMA avait permis d'engager un dialogue avec les parties au conflit au sujet de leur comportement, entraînant une diminution du nombre de pertes civiles.

55. La Cour pénale internationale (CPI) a fondé sa deuxième déclaration de culpabilité le 7 mars 2014, jugeant Germain Katanga coupable de cinq chefs de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité. En outre, en décembre 2014, sa chambre d'appel a confirmé la condamnation et la peine de Thomas Lubanga Dyilo. Il s'agit d'importants verdicts pour les victimes de ces crimes atroces perpétrés contre des civils, la justice internationale et la lutte contre l'impunité.

Accès humanitaire

56. Suite à une demande contenue dans mon précédent rapport, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires et l'Université d'Oxford ont mené une série de consultations avec divers experts et organisations afin d'élaborer des orientations détaillées concernant le cadre juridique réglementant l'aide humanitaire, en mettant tout particulièrement l'accent sur le refus arbitraire d'autoriser des opérations de secours. Ces orientations seront publiées en juillet 2015 et porteront sur un certain nombre de points visant, notamment, à déterminer qui se charge d'autoriser les opérations de secours transfrontalières; comment définir un refus arbitraire de consentement; et comment l'obligation qui incombe d'autoriser et de faciliter les opérations de secours peut être appliquée. Il faut espérer que ces orientations permettront d'étayer les politiques et les stratégies de sensibilisation afin d'améliorer l'accès des populations touchées par les conflits à l'aide humanitaire.

Maintien de la paix

57. Le Département des opérations de maintien de la paix et le Département de l'appui aux missions ont publié la première politique de l' ONU relative à la protection des populations civiles lors d'activités de maintien de la paix des Nations Unies, ainsi que des directives destinées au volet militaire. Il s'agit d'une évolution importante dans les efforts que nous déployons pour institutionnaliser la manière dont le personnel civil, la police et les soldats chargés du maintien de la paix mettent en œuvre les mandats relatifs à la protection des civils, en coordination avec les acteurs humanitaires et les défenseurs des droits de l'homme et en faveur des autorités nationales.

V. Recommandations

58. Rappelant les nombreuses recommandations énoncées dans mes précédents rapports concernant le renforcement de la protection des civils, je tiens à insister sur l'importance que revêtent les mesures suivantes.

Renforcer le respect du droit international

59. Afin de renforcer le respect du droit international et de faire en sorte que les auteurs de violations répondent de leurs actes, le Conseil de sécurité devrait :

    a) Rappeler systématiquement aux parties au conflit leurs obligations en vertu du droit international, en particulier en ce qui concerne la conduite des hostilités, et les engager à les respecter pleinement;

    b) Condamner systématiquement les violations du droit international humanitaire, des droits de l'homme et des réfugiés, y compris les attentats perpétrés contre le personnel et les infrastructures humanitaires et sanitaires, et envisager de les renvoyer auprès de la Cour pénale internationale;

    c) Exiger systématiquement des rapports concernant les violations du droit international humanitaire et des droits de l'homme et, lorsqu'il y a des raisons de croire que des violations graves ont été commises, envisager d'ordonner des commissions d'enquête ou renvoyer ces situations devant la Cour pénale internationale;

    d) Envisager d'appliquer des mesures ciblées contre les parties et les individus qui manquent régulièrement à leurs obligations en matière de protection des civils;

    e) Encourager les États Membres à mettre au point des dispositifs concrets visant à renforcer le respect du droit international, comme la tenue de réunions périodiques sur le respect des obligations et l'établissement d'un registre central permettant d'assurer le suivi et l'enregistrement des violations du droit international.

60. Les États Membres devraient :

    a) Se doter d'une législation nationale pour poursuivre les personnes soupçonnées de génocide, crimes contre l'humanité, crimes de guerre et autres violations graves du droit international humanitaire et du droit international des droits de l'homme;

    b) Rechercher et poursuivre ou extrader les personnes soupçonnées de violations graves du droit international humanitaire et du droit international des droits de l'homme;

    c) Ratifier le Statut de Rome de la Cour pénale internationale sans tarder;

    d) Coopérer pleinement avec la Cour pénale internationale et les mécanismes analogues.

Accès humanitaire

61. Le Conseil de sécurité devrait systématiquement rappeler aux parties au conflit l'obligation qui leur est faite d'autoriser et de faciliter un accès humanitaire rapide et sans entraves. En outre, il devrait condamner les refus arbitraires d'accès humanitaire et la privation des civils de biens indispensables à leur survie, notamment en entravant intentionnellement l'acheminement des secours, et insister sur le fait que ces actes constituent des violations du droit international humanitaire.

62. Le Coordonnateur des secours d'urgence et les organisations humanitaires devraient systématiquement aborder les questions humanitaires avec les acteurs non étatiques parties au conflit concernés en vue d'améliorer l'accès humanitaire, de garantir l'acheminement des secours d'urgence et de renforcer la protection des populations civiles dans les zones de conflit. De tels engagements, à visée exclusivement humanitaire, n'entraînent pas la reconnaissance des ambitions politiques ou militaires des groupes armés non étatiques.

Utilisation d'engins explosifs dans des zones peuplées

63. Les parties au conflit devraient s'abstenir d'utiliser des engins explosifs à grand rayon d'action dans des zones peuplées. En outre, les États Membres devraient envisager de prendre un engagement en ce sens.

64. Les États Membres devraient renforcer les échanges d'informations et d'enseignements tirés de l'utilisation et de l'incidence des engins explosifs à grand rayon d'action dans des zones peuplées. En particulier, conformément à ma note verbale d'octobre 2014, les États Membres devraient soutenir les efforts déployés par le Bureau de la coordination des affaires humanitaires en vue de recueillir des exemples de bonnes pratiques et de définir des orientations pour renforcer la protection des civils et réduire les conséquences humanitaires des engins explosifs dans les zones peuplées.

65. Les États Membres, avec l'appui d'OCHA et des organisations concernées, devraient définir des objectifs et des indicateurs pour assurer le suivi des progrès réalisés en vue d'atténuer les répercussions humanitaires des engins explosifs dans les zones peuplées.

Recensement et enregistrement des pertes civiles

66. Compte tenu de l'utilité avérée du recensement des pertes civiles comme moyen de guider la stratégie militaire dans un sens qui épargne davantage les civils, les parties au conflit, notamment dans le contexte des interventions multinationales et des missions de maintien de la paix des Nations Unies participant à des offensives, devraient établir et appliquer de tels dispositifs.

67. Les entités des Nations Unies devraient s'employer de concert à établir un système commun des Nations Unies pour enregistrer systématiquement les pertes civiles dans le cadre d'un effort plus large de suivi et de signalement des violations du droit international humanitaire et des droits de l'homme, en s'inspirant des bonnes pratiques et des compétences existant dans le système des Nations Unies, les États Membres et la société civile.

Déplacement

68. Les États Membres devraient veiller à ce que l'accord-cadre relatif aux objectifs de développement durable réponde de manière adéquate aux besoins des personnes déplacées, notamment en proposant des définitions, des indicateurs et des ensembles de données ventilées pertinents. Au-delà de ce cadre, j'encourage la mise au point d'objectifs ambitieux mais crédibles et de mécanismes nationaux de suivi visant à réduire considérablement (de moitié) le nombre de personnes déplacées d'ici à 2030.

69. Les États membres de l'Union africaine devraient ratifier et mettre en œuvre la Convention de Kampala sans délai. Par ailleurs, les États Membres devraient favoriser la création d'instruments analogues dans d'autres régions afin de protéger les personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays et de répondre à leurs besoins particuliers. L'objectif de tels instruments consisterait à faire en sorte que d'ici à 2030, au moins 50 % des pays aient adopté et mis en œuvre, aux niveaux régional et national, le cadre juridique et politique relatif aux déplacements internes.

La question de la protection des civils dont est saisi le Conseil de sécurité

70. Compte tenu des énormes difficultés et de la violence extrême auxquelles font face les civils dans des situations de conflit de par le monde, je recommande que :

    a) Mon rapport sur la protection des civils dans les conflits armés soit établi chaque année (plutôt que tous les 18 mois);

    b) Le Conseil recommence à tenir des débats publics sur la protection des civils sur une base semestrielle, en juin et en décembre;

    c) Le Groupe d'experts sur la protection des civils du Conseil de sécurité soit systématiquement sollicité pour assurer le suivi de l'évolution des tendances en matière de protection des civils dans un plus grand nombre de situations préoccupantes, y compris en l'absence d'opérations de paix, et que l'attention des membres du Conseil soit attirée sur les défis les plus urgents qui se posent aux civils en matière de protection, ainsi que sur les éventuels moyens de les surmonter.


Notes

1. S/2009/277, par. 36. [Retour]

2. Action on Armed Violence, Explosive States: Monitoring Explosive Violence in 2014. [Retour]


Bookshop Donate Radio Nizkor

War in Iraq
small logoThis document has been published on 01Jul15 by the Equipo Nizkor and Derechos Human Rights. In accordance with Title 17 U.S.C. Section 107, this material is distributed without profit to those who have expressed a prior interest in receiving the included information for research and educational purposes.