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12jan11

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Communiqué faisant suite à l'émission de l'ordonnance de poursuite judiciaire et de remise de John Demjanjuk pour crimes contre l'humanité et complicité de génocide dans le camp de concentration de Flossenbürg


- Rappel des faits

Dans l'ordonnance du 17 septembre 2009, le Tribunal central d'instruction numéro 2 de l'Audiencia Nacional espagnole ordonnait la poursuite judiciaire de Johann Leprich, Anton Tittjung et Josias Kumpf, en tant que complices de génocide et de lèse-humanité, conformément aux articles 607 et 607bis du Code pénal espagnol.

Par l'ordonnance du 18 septembre 2009, une commission rogatoire internationale était adressée aux autorités compétentes de la République Fédérale d'Allemagne, à savoir le Tribunal de Munich, conformément aux dispositions de la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale, élaborée à Strasbourg le 20 avril 1959, complétée par la Convention relative à l'entraide judiciaire en matière pénale entre les États membres de l'Union européenne et les articles 48.1 et 53.1 de la Convention d'application de l'Accord de Schengen, afin que le Tribunal espagnol soit informé sur les faits que les instances judiciaires allemandes imputent à John Demjanjuk (Ivan Nikolaiewich Demjanjuk), au cas où ceux-ci pourraient avoir un lien avec les faits faisant l'objet d'une enquête par le tribunal espagnol.

Le Ministère public de Munich a répondu à la comission rogatoire le 7 juin 2010 moyennant communication dans laquelle il fait observer que les faits examinés en Allemagne sont différents. Ils se centrent en effet sur les agissements de Demjanjuk dans le camp de concentration de Sobibor, en Pologne, en 1943. C'est pour ces faits que Demjanjuk a été accusé dans le cadre de la procédure 115Js 12496/08 en Allemagne.

Dans l'ordonnance du 1er juillet 2010, le Tribunal central d'instruction numéro 2 ordonnait l'envoi au Ministère public et aux plaignants de la documentation reçue via la commission rogatoire. Les plaignants représentés par l'Equipo Nizkor ont alors présenté audit tribunal, le 13 juillet 2010, une demande écrite dans laquelle ils sollicitaient la poursuite de John Demjanjuk, ainsi que l'adoption de mesures de précaution et l'émission du mandat d'arrêt européen à son encontre.

Compte tenu de cette demande, le Ministère public a émis son rapport favorable le 17 novembre 2010, dans lequel il manifeste qu'au vu du résultat de la commission rogatoire remise par les autorités allemandes, il considère pouvoir accéder aux demandes des plaignants (acusación particular).

- Ordonnance de poursuite judiciaire et de remise de John Demjanjuk émise par le Tribunal central d'instruction numéro 2 de l'Audiencia Nacional espagnole le 7 janvier 2011:

Sur base des procédures antérieures, le titulaire du Tribunal central d'instruction numéro 2 de l'Audiencia Nacional espagnole a prononcé, le 7 janvier 2011, une ordonnance de poursuite judiciaire (Auto de procesamiento) et de remise de John Demjanjuk, étant donné que : "Au vu des enquêtes, il ressort que, pendant la Deuxième Guerre mondiale, [...] John Demjanjuk (Ivan Nikolaeiwich Demjanjuk) a été membre des Totenkopf SS, qu'il a servi en tant que garde armé dans des lieux destinés à la persécution de personnes pour des motifs politiques, ethniques et raciaux, entre autres, et plus particulièrement dans le camp de concentration de Flossenbürg en Allemagne". "Grâce aux divers documents fournis par les plaignants, notamment les documents annexés à leur présentation écrite du 28 octobre 2008 : Tableau statistique général faisant le lien entre la nationalité et les raisons de l'arrestation des prisonniers à Flossenbürg, élaboré par les autorités américaines au terme de la Deuxième Guerre mondiale, dans lequel on peut observer que, dans la ligne concernant les prisonniers espagnols, il y a eu 155 espagnols à Flossenbürg, parmi lesquels 60 sont morts (Réf. NARA, Doc. NO-393) ; liste des prisonniers espagnols dans le camp de concentration de Flossenbürg réalisée à partir de la documentation se trouvant au NARA - National Archives and Records Administration, et plus particulièrement à partir de quatre volumes préparés par le Troisième corps d'armée des États-Unis qui contiennent, entre autres, les listes de prisonniers de Flossenbürg (Réf. NARA 238/110/13/26/01), et à partir des huits fiches que possédait le Service International de Recherches (ITS) sur des prisonniers espagnols détenus à Flossenbürg", une série de faits a été suffisamment accréditée, ce qui amène le titulaire du Tribunal central d'instruction numéro 2 de l'Audiencia Nacional espagnole à décider de ce qui suit :

    Le Tribunal ordonne la poursuite judiciaire de JOHN DEMJANJUK dans le cadre de cette procédure et sujet à des conclusions ultérieures, pour complicité dans des crimes de génocide et de lèse-humanité explicités dans le rappel des faits de cette décision. Les actes de procédure successifs à son égard, ainsi que cette décision, lui seront communiqués dans les formes prévues par la Loi, et les droits qui lui sont reconnus par la Loi lui seront expliqués.

    Le Tribunal ordonne que l'accusé soit placé en détention provisoire, sans mise en liberté conditionnelle et avec droits de visite. Étant donné qu'il se trouve actuellement en Allemagne et qu'il est jugé dans le cadre de la procédure 115JS12496/08 devant les instances judiciaires compétentes de Munich, l'émission d'un mandat d'arrêt européen à son encontre est ordonnée. Ce mandat d'arrêt sera directement envoyé à l'autorité compétente aux fins de son exécution, ainsi qu'au bureau Sirene España dans la forme prévue par la Loi 3/2003.

Cette décision du tribunal espagnol est en accord avec ce que nous avancions dans notre communiqué du 22 septembre 2009 sur John Demjanjuk, désormais poursuivi en Espagne. À l'époque, face aux explications journalistiques variées et confuses sur la situation de l'accusé, nous déclarions :

"Le titulaire du Tribunal central d'instruction numéro 2 a adressé une commission rogatoire aux autorités judiciaires allemandes, sous l'autorité desquelles il se trouve depuis le 12 mai 2009, dans le but que celles-ci l'informent des faits qui lui sont imputés dans la procédure menée par ce pays, afin de pouvoir déterminer si ces faits sont identiques à ceux qui font l'objet de l'affaire suivie à la Audiencia Nacional.

Nous comprenons que les faits sont différents, étant donné que le Ministère public de Munich accuse John Demjanjuk d'assassinats commis dans le camp d'extermination raciale de Sobibor, alors que la plainte présentée à la Audiencia Nacional l'accuse d'actes commis dans le KL (Konzentrazionslager) de Flossenbürg contre des ressortissants espagnols, actes qui sont classés dans la catégorie de crimes contre l'humanité.

En théorie, s'il s'avérait que les faits sont différents, un mandat d'arrêt pourrait être lancé contre lui et, après avoir été jugé en Allemagne, il devrait être mis à la disposition de la justice espagnole pour être jugé en Espagne pour les faits dont il est accusé."

- Étant donné qu'il a été officiellement confirmé que les faits faisant l'objet de poursuite sont distincts, et étant donné l'ordonnance émise par la justice espagnole, l'Equipo Nizkor réitère ce qui a été dit dans le communiqué du 22 septembre 2009 en ce qui concerne l'État et le gouvernement espagnols:

1) Nous exprimons notre accord pour ce qui est des mesures procédurales adoptées, car elles signifient que la justice espagnole reconnaît en tant que victimes les plus de 7000 espagnols qui furent persécutés à cause de leurs idées républicaines par le national-socialisme par le moyen du système de camp de travaux forcés et d'extermination, concrètement les KL de Mauthausen, de Sachsenhausen et de Flossenbürg.

2) C'est aussi une reconnaissance pour toutes les victimes de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité d'autres nationalités exterminées dans le KL de Flossenbürg spécialisé dans l'extermination de prisonniers sociaux et politiques

3) C'est aussi une reconnaissance envers les victimes des actes de génocide contre les juifs, gitans et slaves, entre autres races et ethnies, et envers les prisonniers sociaux qui furent persécutés et éliminés lors de la mise en application des lois raciales du IIIe Reich dans les camps de concentration de Sachsenhausen et de Flossenbürg.

4) Nous espérons que cette décision judiciaire contribuera à ce que l'Etat espagnol modifie sa position, qui perpétue celle adoptée par le régime franquiste et qui consiste à protéger juridiquement les criminels de guerre national-socialiste et fascistes.

5) Indépendamment du cours que prendra cette procédure et de l'éventualité qu'elle aboutisse à une décision qui constituerait un véritable geste réparateur de justice envers les rares survivants et les familles des victimes, nous espérons que le gouvernement, et plus particulièrement le Congrès et les partis politiques, prendront note de l'incongruité légale et morale qu'a représenté l'approbation d'une loi comme la « Loi sur la mémoire historique », qui reconnaît la légalité franquiste, en situant « hors de la loi » les crimes contre l'humanité commis sur le territoire espagnole par des Espagnols, et qui empêche la reconnaissance juridique de la collaboration espagnole avec le national-socialisme avant, pendant et après la Seconde Guerre mondiale, ce qui fait de l'Etat espagnol une ignominieuse « exception ».

Gregorio Dionis
President d'Equipo Nizkor
Madrid et Charleroi, 12 janvier 2011

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Caso SS Totenkopf
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