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15mai18


Quim Torra, l'ombre de Carles Puigdemont


La Catalogne va être dirigée par l'un des meilleurs élèves de Carles Puigdemont, réfugié en Allemagne, et que la justice espagnole entend juger pour «rébellion» ou «sédition». Quoique extrêmement serrée (par 66 voix contre 65), l'investiture lundi après-midi du nouveau président de la Catalogne augure une nouvelle ère de confrontation entre le gouvernement central et les sécessionnistes catalans. Quim Torra, 55 ans, a aussi clamé son intention de défier l'exécutif de Mariano Rajoy. Selon lui, il est urgent de «construire la République catalane» et d'«entamer un processus constituant» pour mettre fin aux liens unissant l'Espagne et cette région turbulente. Et ce, même si les sondages indiquent qu'une grosse moitié des 7,5 millions de Catalans sont opposés à l'indépendance.

Front dégarni, lunettes proéminentes, celui qui est à la fois avocat, éditeur et écrivain a invoqué le «1-0», autrement dit le 1er octobre 2017, journée pendant laquelle les séparatistes catalans avaient organisé un référendum d'autodétermination illégal, puni par les forces de l'ordre espagnoles à coups de charges policières. Aux yeux de Quim Torra, c'est le «kilomètre zéro» à partir duquel la «Nouvelle République de Catalogne doit se constituer». Tout comme Carles Puigdemont, le nouveau chef de l'exécutif régional accorde toute la légitimité «au peuple catalan», et aucune à l'Etat espagnol.

«Des charognards, des vipères, des hyènes»

L'élection de Quim Torra à la tête de la Catalogne est le fruit des circonstances précaires. Alors que Carles Puigdemont, en qui son camp voit «le président légitime en exil», ne peut fouler le sol espagnol sans atterrir immédiatement en prison, il fallait trouver un candidat acceptable. Pour les sécessionnistes, le choix n'était pas facile, car la plupart des dirigeants sont ou bien à étranger - en Suisse, Allemagne, Belgique et Ecosse - ou bien derrière les barreaux, accusés par le tribunal suprême de «rébellion», «désobéissance» ou «malversations de fonds publics». Un véritable casse-tête, après la courte victoire des sécessionnistes aux législatives de décembre.

Le choix de Quim Torra présente plusieurs avantages pour Carles Puigdemont qui, depuis l'Allemagne, entend piloter la politique catalane : il lui est totalement fidèle - Torra ne cache d'ailleurs pas qu'il incarne la voix de son maître -, partage son souhait ardent de divorcer de l'Espagne («un Etat oppresseur et anticatalan»), et surtout, a un casier judiciaire vierge. A la différence de l'état-major séparatiste, il n'a aucune expérience politique.

Quim Torra est avant tout un idéologue, qui ne cache pas sa haine de l'Espagne. «C'est un xénophobe suprémaciste», résume Inés Arrimadas, chef de file de Ciudadanos, la formation espagnoliste qui a récolté le plus de voix aux législatives de décembre. Les autres leaders non sécessionnistes partagent cette opinion. Quim Torra a d'ailleurs dû s'excuser pour plusieurs tweets incendiaires dans lesquels il prête aux Espagnols tous les défauts de la terre. Dans un article publié en 2012 dans le journal catalan El Món, il les comparait à des «charognards, des vipères, des hyènes, […] des bêtes chez qui toute expression de catalanité provoque des phobies».

Marionnettiste à distance

Dans une récente entrevue à TV3, la télévision publique régionale contrôlée par le camp indépendantiste, il s'est également excusé pour avoir affirmé que «les Espagnols sont tout juste bons à voler». Comprendre : la Catalogne serait victime d'une «spoliation fiscale» orchestrée par Madrid de l'ordre de 9 milliards d'euros annuels - un argument battu en brèche par la plupart des formations politiques du pays. La spécialité de Quim Torra n'est toutefois pas l'économie, mais l'histoire. A l'en croire, la chute de Barcelone, le 11 septembre 1714, lors de la guerre de succession entre la dynastie des Habsbourg et celle des Bourbon - gagnée par ces derniers - marque le début de la sujétion de la Catalogne.

Le nouveau président sait que son pouvoir est «temporaire», lié à des «circonstances exceptionnelles». Une façon pour lui de reconnaître que le marionnettiste à distance reste Carles Puigdemont. Ce dernier a déjà fait savoir que deux de ses fidèles lieutenants, Elsa Artadi et Pere Aragonés, eux aussi au casier judiciaire vierge, seront les personnes clés du nouveau gouvernement catalan. L'avenir proche demeure très incertain. «Je suis ouvert au dialogue, a dit Mariano Rajoy. Mais au moindre écart légal, nous saurons être intraitables.»

[Source: Par François Musseau, Libération, Paris, 15mai18]

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