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20fév18


L'indépendantiste catalane Anna Gabriel veut rester à Genève


Risquant jusqu'à 30 ans de prison pour avoir participé à l'organisation du référendum en Catalogne, une ancienne députée refuse de se rendre à son procès. En primeur, elle explique pourquoi au «Temps»

Anna Gabriel est en Suisse avec l'intention d'y rester. Figure de proue de Candidature d'unité populaire (CUP), un parti indépendantiste d'extrême gauche, cette ancienne professeure de droit à l'Université autonome de Barcelone est accusée de rébellion par Madrid. Alors que la presse espagnole se demande depuis des jours si elle se rendra à son procès, qui doit commencer mercredi, l'intéressée met rapidement fin au suspense lors d'un entretien accordé en primeur au Temps: «Je n'irai pas à Madrid, explique-t-elle. Je suis poursuivie pour mon activité politique et la presse gouvernementale m'a déjà déclarée coupable.»

«Comme je n'aurai pas un procès équitable chez moi, j'ai cherché un pays qui puisse protéger mes droits», ajoute la militante. Anna Gabriel fait allusion aux récentes fuites dans la presse sur l'enquête menée à son sujet par la police espagnole. Dans son rapport, la Guardia Civil dresse le portrait d'une activiste farouche. Elle l'accuse d'avoir participé à la formation d'un conseil de direction de la «rébellion» indépendantiste et d'avoir encouragé la population à la désobéissance.

«Comme en Turquie»

Membre du parlement catalan jusqu'en octobre dernier, Anna Gabriel conteste vivement ces accusations. «J'ai toujours fait campagne pour le référendum, mais pacifiquement. La question de la Catalogne devrait pouvoir se résoudre politiquement, alors que les autorités espagnoles veulent museler l'indépendantisme par la répression.»

Née en 1975, l'année de la mort de Franco, Anna Gabriel dénonce l'atmosphère «tendue comme jamais» qui règne en ce moment à Barcelone, tandis que «le gouvernement ne fait rien pour assurer notre sécurité face aux violences des fascistes». La Catalane en veut pour preuve les menaces de mort qu'elle reçoit très régulièrement de groupuscules d'extrême droite. Comparant la situation espagnole à «ce qui se passe en ce moment en Turquie», la jeune femme dénonce une chasse aux sorcières avec près de 900 personnes sous enquête ou mises en accusation, parmi lesquelles «des professeurs, des policiers, des politiciens et même de simples électeurs».

Dans la perspective de son procès, Anna Gabriel a préféré éviter d'être incarcérée, même préventivement. «Je serai plus utile à mon mouvement libre que derrière les barreaux, explique-t-elle. Lorsque j'ai vu le sort réservé à certains de mes collègues qui sont encore en prison depuis décembre dernier, j'ai compris que je devrais partir. Je ne suis pas la seule à risquer la prison, tout le reste du gouvernement est menacé.» Condamnée par Amnesty International et d'autres ONG, la décision du juge Pablo Llarena de maintenir en prison Jordi Cuixart et Jordi Sanchez, deux membres de la société civile accusés d'avoir organisé une manifestation pour l'indépendance, a semé la peur au sein du mouvement sécessionniste. C'est ce même juge qui a été chargé de s'occuper du cas d'Anna Gabriel.

Procédure transférée à Madrid

En ne se présentant pas devant le tribunal ce mercredi, Anna Gabriel risque de faire l'objet de poursuites judiciaires en Espagne. Les autorités adresseront-elles à la Suisse une demande d'extradition ou de commission rogatoire pour l'entendre à Genève? L'avocat genevois d'Anna Gabriel, Olivier Peter, estime la menace d'une extradition peu probable, vu que l'Espagne a retiré sa demande concernant Carles Puigdemont en Belgique. Selon lui, la situation en Espagne ne permet pas la tenue d'un procès équitable pour sa cliente.

«Initialement confiée à un tribunal régional catalan, la procédure sur l'organisation d'un référendum a été transférée à une cour de Madrid, dont les membres sont proches du pouvoir en place et n'offrent pas de garantie d'indépendance et d'impartialité, explique l'avocat, qui a également défendu une militante basque menacée d'extradition. Ma cliente est poursuivie pour des motifs politiques, ce qui rendrait une demande d'extradition illicite. Nous faisons confiance aux autorités suisses pour qu'elles refusent de légitimer l'emprisonnement d'élus parlementaires pour avoir voulu défendre le droit de voter.»

[Source: Le Temps, Genéve, Che, 20fév18]

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small logoThis document has been published on 21Feb18 by the Equipo Nizkor and Derechos Human Rights. In accordance with Title 17 U.S.C. Section 107, this material is distributed without profit to those who have expressed a prior interest in receiving the included information for research and educational purposes.