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13oct04
La mémoire républicaine insultée
La présence d’un vétéran de la division Bleue franquiste au défilé militaire de la fête nationale suscite une vive polémique dans le pays.
« Au-dessus de toute signification idéologique ou même historique, nous croyons que c’est le meilleur cortège que nous puissions trouver pour représenter l’Espagne. » Telle est en substance la réponse adressée par le ministre espagnol de la Défense, José Bono, aux formations politiques et associations indignées de la présence d’un vétéran de la division Bleue (Azul) au défilé militaire de la fête nationale d’hier. Selon le ministre de la Défense, il s’agissait de rendre hommage à « la paix et à la concorde ». D’où la mise en scène contestée du dépôt de gerbe du roi Juan Carlos en présence d’un vétéran de l’armée républicaine et de la division Leclerc (à qui on rendait également hommage) et d’un vétéran de la division Bleue franquiste. Cette division, composée de troupes de volontaires et encadrée par la Phalange, parti fasciste espagnol créé par le dictateur Primo de Rivera, fut l’un des piliers de la Wehrmacht, en lui prêtant main-forte en URSS en 1941. Izquierda unida (IU - communiste) et les formations cata- lanes de l’ERC et de CiU ont qualifié l’invitation d’« intolérable ». « On place sur un pied d’égalité les victimes et les bour- reaux », s’est insurgé le leader d’IU, Gaspar Llamazares, qui, en signe de protestation, a boycotté le défilé militaire.
Douze associations de familles et d’amis de victimes du franquisme se sont jointes à l’indignation. Parmi elles figurent différentes organisations engagées dans la recherche des crimes commis durant la guerre civile et la dictature de Franco. Pris à parti, José Bono a usé de l’argument selon lequel « s’il fallait jeter d’Espagne tous ceux qui ont participé à la division Bleue, crié "vive Franco" (...), il ne resterait que quatre personnes ». Une déclaration scandaleuse pour les victimes du franquisme dont la réhabilitation reste encore incomplète et pour les Espagnols qui ont combattu la dictature. Elle est d’autant plus méprisante qu’elle tend à nier le nécessaire travail de mémoire. Le consen- sus politique de l’après-franquisme pour mettre en place la démocratie s’est réalisé sur la base d’une amnistie, équivalent à une amnésie de cette période. La « réconcialition » de l’Espagne, si chère à José Bono, ne peut donc souffrir d’aucune espèce d’amalgame visant à confondre les combattants restés fidèles à la République, et ceux-là même qui l’ont assassinée, avec le concours zélé des forces de l’Axe.
[La source: Meriem Djebari, l’Humanité, Paris, 13oct04]
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