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18aoû16

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Rapport du Secrétaire général sur la Mission des Nations Unies en Colombie


Nations Unies
Conseil de sécurité

S/2016/729

Distr. générale
18 août 2016
Français
Original : anglais

Rapport du Secrétaire général sur la Mission des Nations Unies en Colombie

I. Introduction

1. Le présent rapport est présenté en application de la résolution 2261 (2016), par laquelle le Conseil de sécurité m'a prié de lui présenter des recommandations détaillées sur la dimension, les aspects opérationnels et le mandat de la Mission des Nations Unies en Colombie dans les 30 jours suivant la signature de l'accord de cessez-le-feu par le Gouvernement colombien et les Forces armées révolutionnaires de Colombie-Armée populaire (FARC -EP). Il fait suite à mes lettres en date des 4 mars et 22 juillet 2016 (S/2016/211 et S/2016/643). Dans ma dernière lettre, j'ai demandé une prorogation, jusqu'au 19 août, du délai qui m'avait été initialement imparti dans la résolution 2261 (2016) pour présenter mes recommandations, du fait du report des visites de repérage devant être effectuées par le Gouvernement colombien, les FARC-EP et la Mission sur les sites retenus pour les activités de surveillance et de vérification.

II. Mandat

2. Le 23 juin 2016, le Gouvernement colombien et les FARC -EP ont signé l'Accord portant cessez-le-feu et cessation des hostilités bilatéraux et définitifs et dépôt des armes Accord »). L'Accord réaffirme le mandat énoncé dans le communiqué conjoint nº 65, que le Président de la République de Colombie Juan Manuel Santos Calderôn nous a transmis, au Président du Conseil de sécurité et à moi-même, par lettres identiques en date du 19 janvier 2016 (S/2016/53) et qui a inspiré la résolution 2261 (2016) du Conseil. Dans le cadre du mandat général de vérification internationale de l'Accord qui lui a été confié, la Mission des Nations Unies aura pour responsabilité de vérifier le dépôt des armes. Elle coordonnera les activités des sièges locaux, régionaux et nationaux du mécanisme tripartite de surveillance et de vérification, qui regroupe le Gouvernement colombien, les FARC-EP et l'Organisation des Nations Unies et a pour mission de surveiller et de vérifier le respect du cessez-le-feu et de la cessation des hostilités. La Mission sera également chargée de régler les différends s'élevant entre les parties et de formuler des recommandations relatives à l'application du cessez-le-feu et de la cessation des hostilités ainsi que du dépôt des armes. Enfin, elle rendra compte en toute indépendance du respect des engagements pris par les parties dans l'Accord.

III. Évolution de la situation

3. Le 5 août 2016, les délégations du Gouvernement colombien et des FARC-EP participant aux pourparlers de paix à La Havane ont signé une série de protocoles portant sur la mise en œuvre des dispositions de l'Accord relatives au cessez-le-feu et à la cessation des hostilités ainsi qu'au dépôt des armes. Ces protocoles ont été élaborés en consultation avec la Mission, qui s'est dite satisfaite de la qualité de ces textes. Les protocoles précisent notamment les règles que chaque partie s'est engagée à observer dans le cadre du cessez-le-feu et de la cessation des hostilités. Ces règles visent à garantir la séparation des forces, la liberté des activités du mécanisme de surveillance et de vérification, ainsi que la cessation des hostilités entre les parties et en particulier de toute propagande hostile. Elles prévoient également l'interdiction de tout acte ou menace de violence, notamment sexiste, à l'encontre de la population civile et de tout acte portant atteinte aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales de la population. En outre, les protocoles précisent les modalités d'organisation et de fonctionnement du mécanisme de surveillance et de vérification (communication des informations, règlement des différends, règles de déontologie communes à tous les membres du mécanisme). Enfin, ils définissent un grand nombre de procédures de sécurité devant s'appliquer aux différentes phases du processus, au personnel du mécanisme de surveillance et de vérification, aux représentants gouvernementaux et aux fonctionnaires, aux membres des FARC-EP et à la population civile.

4. Les deux parties ont souligné l'importance du rôle de la Mission, qui doit fournir des informations impartiales sur le processus au plus grand nombre possible. Au niveau national, la direction de la Mission s'attache à faire connaître aux représentants des institutions, des partis politiques, de l'Église catholique, de la société civile, des organisations de femmes et des groupes ethniques, l'avis positif exprimé par l'ONU sur l'Accord et ses procédures de vérification. Un travail de pédagogie sur les dispositions de l'Accord, le mandat de la Mission et le rôle du mécanisme de surveillance et de vérification est également mené auprès des départements et des municipalités, où le personnel de la Mission rencontre des gouverneurs, des maires et des organisations représentant la société civile, les femmes ainsi que les populations autochtones et afrocolombiennes. Ce premier cycle de dialogue a confirmé combien il était important de donner des informations détaillées sur la mise en œuvre de l'Accord et sur les activités préparatoires en cours. Par son travail de liaison constant avec les autorités et la société civile, la Mission contribuera grandement à dissiper les doutes et les interrogations et à répondre au désir ardent des acteurs nationaux, en particulier dans les zones de conflit, d'être pris en compte.

5. À ce stade, je tiens à exprimer ma gratitude à l'équipe de pays des Nations Unies et en particulier au Programme des Nations Unies pour le développement, dont le vaste programme en faveur de la paix a posé les bases de la paix, en particulier à l'intérieur du pays. Les organismes, fonds et programmes des Nations Unies ont tout mis en œuvre pour favoriser la mise en place de la Mission. Dans les régions, les membres de leur personnel ont employé leurs bons offices pour faire connaître la Mission à la population et aux autorités locales et ont généreusement fait profiter de la légitimé qu'ils ont acquise au fil des ans afin d'aider à asseoir la crédibilité de la Mission dans tout le pays. L'équipe de pays des Nations Unies a déjà grandement contribué au processus de paix. Je salue le concours important qu'elle continuera à apporter à la promotion de la paix en Colombie.

6. Du 8 au 15 août, des délégations tripartites réunissant des représentants du Gouvernement colombien, des FARC-EP et de la Mission, accompagnées de délégués du Comité international de la Croix-Rouge et des pays garants du processus de paix (Cuba et la Norvège), se sont rendues dans les zones locales transitoires de normalisation et dans les points locaux transitoires de normalisation où la séparation des forces et le dépôt des armes doivent avoir lieu. L'équipe de l'ONU était composée d'un observateur principal, d'un représentant du Département de la sûreté et de la sécurité (DSS) et d'un spécialiste de la logistique. Ces visites avaient principalement pour but de convenir des limites matérielles des zones en question afin que ces dernières et les zones de sécurité qui les entourent puissent être bien surveillées par le mécanisme de surveillance et de vérification. En outre, les délégations ont cherché à définir les zones où les sièges locaux du mécanisme seraient installés et à déterminer les problèmes de logistique et de sécurité soulevés par la mise en œuvre opérationnelle de l'Accord (accès physique aux zones, communications radio et téléphoniques, services essentiels, conditions élémentaires de sécurité). Si les conditions de sécurité s'avèrent globalement favorables dans les zones et les points de normalisation, le manque d'infrastructure, de services essentiels et de communication constituera un obstacle majeur au déploiement au niveau local du mécanisme de surveillance et de vérification et de la Mission.

7. Lors de la plupart de leurs visites, les délégations tripartites ont été accompagnées de représentants des autorités municipales. Sous la direction du délégué du Commissaire à la paix du Gouvernement colombien, des échanges ont eu lieu avec des autorités locales, des organisations de la société civile et des membres de la population locale, qui se sont tous dits désireux d'être correctement informés et disposés à voir l'Accord appliqué eu égard au cessez-le-feu. Plusieurs modifications aux plans initiaux ont été proposées, à la lumière notamment des préoccupations soulevées par les autorités autochtones. Ces visites ont permis de rapprocher les membres du Gouvernement, des FARC-EP et de la Mission, qui seront amenés à travailler ensemble dans le cadre de l'observation du cessez-le-feu. Cette expérience positive trouvera un prolongement dans la formation commune qui doit être organisée dans les prochaines semaines. Dans l'ensemble, cette entreprise logistique et politique complexe s'est avérée très fructueuse et présage bien de la poursuite des préparatifs de mise en œuvre de l'Accord.

IV. Tâches

8. Comme je l'ai indiqué dans ma lettre du 22 juillet 2016, les grands paramètres des opérations de la Mission seront définis en fonction des dispositions de l'Accord.

Vérification du dépôt des armes

9. Le dépôt des armes supposera la mise en œuvre par l'ONU des tâches suivantes, lesquelles mettent en jeu un certain nombre d'opérations imbriquées :

    a) La première tâche, qui doit être accomplie dans les 30 jours de l'entrée en vigueur de l'accord de paix final, consistera à vérifier le retrait par les FARC -EP des armes, grenades et munitions collectives et leur transport jusque dans leurs camps;

    b) La deuxième tâche, qui doit être menée dans les 60 jours de l'entrée en vigueur de l'accord de paix final, consistera à vérifier la destruction par les FARC-EP des armes instables situées dans les zones où leurs unités étaient déployées avant de se rendre dans les zones et points transitoires de normalisation. Cette tâche se révélera particulièrement difficile. Il est prévu que, dans la plupart des cas, ces activités de vérification seront menées par les observateurs de l'ONU compétents affectés dans les huit sièges régionaux où la Mission et le mécanisme de surveillance et de vérification seront co-implantés;

    c) La troisième tâche consistera à surveiller les armes individuelles et collectives détenues par les FARC-EP dans leurs camps situés dans les zones et points transitoires de normalisation. Cette tâche sera assurée par les observateurs de l'ONU affectés de façon permanente dans ces camps;

    d) La quatrième tâche, qui doit être accomplie dans les 60 à 150 jours de l'entrée en vigueur de l'accord de paix final, consistera à réceptionner les armes, grenades et munitions individuelles et collectives remises par les FARC-EP et à les entreposer dans des conteneurs ou autres installations sûres équivalentes placées sous le contrôle permanent de l'ONU. Les activités de réception des armes individuelles se dérouleront de façon séquentielle et prendront fin dans les 150 jours lorsque toutes les armes, grenades et munitions se trouveront dans des conteneurs. Cette tâche sera effectuée par les observateurs de l'ONU affectés à un camp dans chaque zone ou point transitoire de normalisation où les conteneurs d'armes et de munitions seront installés;

    e) La cinquième tâche consistera à transporter les armes hors des zones et points transitoires de normalisation à la suite de la destruction des munitions et du désamorçage des armes.

Tout au long du processus, les observateurs de l'ONU aux niveaux régional et national se chargeront de traiter les informations relatives à la surveillance et à la vérification du dépôt des armes et de soutenir les observateurs de l'ONU au niveau local par le stockage et la sauvegarde sûrs des informations sensibles liées à la collecte, au classement et à l'élimination des armes et munitions. Ils veilleront à ce que le mécanisme de surveillance et de vérification soit convenablement informé conformément à l'Accord. À l'issue du processus, la Mission certifiera la conclusion du dépôt des armes et informera le Gouvernement, le Conseil de sécurité et le public en conséquence.

Observation du cessez-le-feu et coordination du mécanisme tripartite de surveillance et vérification

10. La Mission est la composante internationale et le coordonnateur du mécanisme tripartite chargé de surveiller le cessez-le-feu. À l'issue de discussions approfondies avec le Gouvernement colombien et les FARC-EP, un accord a été trouvé sur les tâches, la structure et la composition du mécanisme de surveillance et de vérification à tous les niveaux. Les activités du mécanisme se dérouleront pour l'essentiel au niveau local. Le mécanisme y sera chargé de surveiller le respect des règles du cessez-le-feu et de la cessation des hostilités en déployant des équipes tripartites de surveillance. Implantées dans les sièges locaux du mécanisme, ces équipes tripartites seront chargées de cinq tâches essentielles, à savoir :

    a) L'organisation des activités du mécanisme, en assurant la coordination des tâches, de l'analyse des menaces et des besoins logistiques;

    b) Au début du processus de cessez-le-feu, dans les 5 à 30 jours de l'entrée en vigueur de l'Accord, la surveillance du redéploiement des unités de l'armée et des déplacements des unités des FARC-EP vers les zones et points transitoires de normalisation selon les itinéraires convenus;

    c) La surveillance des zones et points transitoires de normalisation et l'organisation de visites dans les camps des FARC-EP;

    d) La surveillance des zones de sécurité entourant les zones et points transitoires de normalisation et l'organisation de visites auprès des unités redéployées de l'armée;

    e) L'organisation de visites dans les agglomérations se trouvant à proximité des zones et points transitoires de normalisation afin de tisser des liens avec les populations et les autorités locales.

11. Des directives précises ont été convenues pour aider les équipes tripartites à exercer leurs fonctions, notamment pour évaluer les incidents et établir des rapports. Selon les protocoles, les principales sources de ces rapports seront notamment : les autorités locales, les églises, les chefs locaux, la société civile et les associations de femmes et les comités locaux des droits de l'homme.

12. La surveillance effectuée par les équipes du mécanisme de surveillance et de vérification sera dynamique. Ces dernières ne se contenteront pas de rendre compte des éventuels incidents; elles chercheront en outre à remettre la situation en conformité avec les dispositions relatives au cessez-le-feu et à la cessation des hostilités. Un code de déontologie rigoureux, régissant notamment les aspects relatifs à la prévention des faits d'exploitation et d'atteinte sexuelles, a été approuvé et vient compléter les règles de conduite de chaque composante.

13. De concert avec ses homologues, le coordonnateur de l'ONU des sièges locaux du mécanisme de surveillance et de vérification sera chargé d'organiser les activités courantes des équipes de surveillance. Dans le dessein d'assurer un soutien logistique adapté aux zones et points transitoires de normalisation, une petite équipe coordonnée par un observateur de l'ONU regroupera un représentant du Gouvernement (principal responsable de la chaîne logistique) et un représentant des FARC-EP. Comme il a déjà été indiqué, les observateurs de l'ONU seront spécifiquement chargés d'aider à régler les éventuels différends survenant entre les parties et de formuler des recommandations visant à améliorer le respect des dispositions de l'Accord. Les différends entre les parties qui ne peuvent pas être réglés au niveau des sièges locaux seront renvoyés aux sièges régionaux et en dernier ressort au siège national.

14. Le mécanisme de surveillance et de vérification sera déployé dans huit sièges régionaux. En sus de régler les différends pouvant surgir dans les zones et points transitoires de normalisation placés sous leur contrôle, les sièges régionaux assureront des fonctions de coordination des communications, de l'analyse des menaces, des opérations, de la planification et de la logistique. Au niveau régional, les sièges du mécanisme se concerteront régulièrement avec les autorités, les populations locales et les organisations de la société civile qui souhaiteront peut-être partager leurs vues et leurs propositions.

15. Le siège national du mécanisme de surveillance et de vérification, installé à Bogota, assurera la direction du mécanisme tripartite. À l'instar des sièges régionaux, il exercera des fonctions de coordination des communications, de l'analyse des menaces, des opérations, de la planification et de la logistique. Les déclarations publiques ne se feront qu'au niveau national. Une équipe d'enquêteurs dotée d'un savoir-faire dans un certain nombre de domaines se tiendra à la disposition des sièges locaux et régionaux pour enquêter sur les violations présumées du cessez-le-feu et de la cessation des hostilités. Des informations sur la mise en œuvre du cessez-le-feu et de la cessation des hostilités dans tout le pays seront rassemblées et analysées et feront l'objet de rapports publics périodiques. Le siège national du mécanisme à Bogota entretiendra des contacts réguliers avec les autorités et les organisations de la société civile.

V. Structure et taille de la Mission

16. Compte tenu du mandat de la Mission énoncé dans la résolution 2261 (2016), de l'Accord et de ses protocoles, des leçons tirées des préparatifs de la Mission depuis février 2016 et de l'expérience acquise lors des précédentes missions de vérification de l'ONU, et au terme d'un processus de planification structuré, je recommande de donner à la Mission des Nations Unies en Colombie la taille et la structure suivantes pour qu'elle puisse s'acquitter pleinement et efficacement de ses fonctions.

Structure générale

17. C'est à mon Représentant spécial et Chef de la Mission qu'incombera la responsabilité politique de la vérification internationale de l'Accord et des fonctions de la Mission ayant trait aux règlements des différends, à la formulation de recommandations et à l'établissement des rapports. Il sera épaulé dans sa tâche par un représentant spécial adjoint, un observateur principal, un directeur de l'appui à la mission et un chef d'état-major. Le Bureau du Représentant spécial devra être doté de moyens dans cinq grands domaines : établissement des rapports, planification, gestion et analyse des données, information du public et liaison avec les acteurs nationaux. Ces fonctions exigeront la constitution d'une équipe de taille relativement restreinte à Bogota.

18. Sous la direction du Représentant spécial, la Mission comptera quatre composantes : observateurs, coordination et appui fonctionnel, appui opérationnel et sécurité.

La composante observateurs des Nations Unies

19. La composante observateurs des Nations Unies sera dirigée par l'Observateur principal, qui est responsable des tâches de la Mission relatives au dépôt des armes. L'Observateur principal fera office de coordonnateur du mécanisme de surveillance et de vérification et, en tant que tel, sera également chargé de la vérification du cessez-le-feu et de la cessation des hostilités. On trouvera dans la partie consacrée aux différentes tâches un descriptif complet des fonctions de la composante observateurs. On estime que, pour s'acquitter des tâches qui lui sont confiées, la Mission devra pouvoir compter sur une quarantaine d'observateurs à l'échelle nationale, 90 à l'échelle régionale et 320 à l'échelle locale. Au total, la Mission aura besoin d'environ 450 observateurs, outre un certain nombre de civils qui seront déployés dans les zones et points de normalisation.

Composante coordination et appui fonctionnel

20. La Mission opérera dans 40 sites dispersés aux quatre coins du pays : 1 quartier général national, 8 postes de commandement régionaux et les 23 zones et 8 points locaux transitoires de normalisation prévus dans l'Accord. Elle comprendra des observateurs internationaux, des membres du personnel civil recruté sur les plans national et international et des Volontaires des Nations Unies (VNU). La Mission devra pouvoir compter sur des bureaux extérieurs efficaces qui mèneront une action coordonnée pour s'assurer que toutes ses branches soient en mesure d'apporter un appui effectif aux activités de la composante observateurs en temps opportun. En outre, le personnel de la Mission travaillera en étroite coopération avec l'équipe de pays des Nations Unies. La composante coordination et appui fonctionnel fournira aussi un appui à la Mission en ce qui concerne les formations, les affaires juridiques, la déontologie et la discipline et la prise en compte systématique des questions d'égalité des sexes.

La composante appui opérationnel

21. Dans le cas de la Colombie, l'appui logistique et administratif qu'il convient d'apporter à la Mission présente quelques particularités. Comme indiqué, la Mission mènera certaines de ses activités indépendamment du mécanisme de surveillance et de vérification, comme la vérification du dépôt des armes. Dans le même temps, dans le cadre du mécanisme, elle conduira aussi des activités opérationnelles aux côtés de représentants du Gouvernement colombien et des FARC-EP à tous les niveaux - national, régional et local. Pour ces deux types d'activités, étant donné le niveau des services disponibles en Colombie, la Mission aura pour politique de s'appuyer autant que possible sur des prestataires de services qualifiés, qu'elle trouvera soit toute seule, soit avec l'aide du Gouvernement, en fonction des avantages comparatifs de l'une et de l'autre en termes de temps et de coût. Ainsi, le Gouvernement est bien placé pour faciliter la fourniture de véhicules au mécanisme et à la Mission puisqu'il a déjà passé un important contrat dans ce domaine, alors que la Mission est pour sa part en bonne position pour faciliter la fourniture de matériel radio puisqu'il existe déjà un contrat de louage de services mondial avec le Département de l'appui aux missions. Une lettre d'attribution définissant la portée et la nature de l'appui logistique et administratif fourni par le Gouvernement colombien et par la Mission au mécanisme, ainsi que par le Gouvernement à la Mission, est actuellement en cours d'élaboration. Elle fait suite à des discussions approfondies entre l'Organisation des Nations Unies et le Gouvernement colombien au sein de plusieurs groupes de travail techniques, ainsi qu'à des consultations engagées en mai 2016 avec les FARC-EP.

22. Pour les services dont elle est en mesure de s'occuper, l'ONU fait tout pour utiliser des prestataires de services locaux et les capacités existantes au sein de l'équipe de pays des Nations Unies. Compte tenu des difficultés d'accès à certaines zones et du manque de services de base qui les caractérise, la Mission favorisera des solutions de caractère temporaire ou qui s'appuient sur les infrastructures déjà existantes. Cette approche permettra de ne pas prendre du retard, de limiter les coûts et d'aider les populations locales dans la mesure du possible.

23. Les visites de repérage des zones et points de normalisation énumérés plus bas ont révélé les défis considérables qu'il faudra relever pour développer l'infrastructure afin de faciliter le déploiement des équipes d'observateurs et de leur fournir un appui opérationnel pendant toute la durée de leurs activités. Plusieurs zones et points de normalisation se trouvent dans des zones reculées, sans accès à l'électricité, aux communications et à l'eau potable. Certains ne sont pas accessibles par voie terrestre et ne peuvent être rejoints que par voie navigable ou par hélicoptère. Dans certains cas, il est même difficile de s'y rendre par hélicoptère en raison de l'altitude ou à cause des conditions météorologiques difficiles. Si les visites de repérage se sont avérées très fructueuses et qu'un dispositif initial d'appui aux sièges locaux du mécanisme est en train d'être mis au point, il faudra bien planifier le dispositif nécessaire et le valider avant de pouvoir pleinement mesurer les conséquences, en termes de ressources, de la conduite d'opérations dans un tel contexte.

24. Bien qu'aucun effort n'ait été épargné pour veiller à ce que l'empreinte laissée par les activités d'appui à la Mission reste aussi légère que possible, la tâche colossale consistant à desservir 40 sites dans un vaste pays, sur des terrains très variés (forêt tropicale, montagne et plaines fluviales et côtières) nécessitera la mise en place d'une composante appui à la Mission souple et efficace, qui dispose de suffisamment de ressources pour permettre l'application du mandat.

Composante sécurité

25. Le Gouvernement colombien et en particulier la Police nationale seront chargés d'assurer la sécurité du mécanisme de surveillance et de vérification et de la Mission dans son ensemble. Grâce à une structure de sécurité unifiée, le DSS fournira un appui opérationnel et dispensera des conseils concernant les politiques et les procédures du système de gestion de la sécurité des Nations Unies, en étroite coopération et liaison avec les autorités colombiennes.

26. Le système de gestion de la sécurité couvrira à la fois l'équipe de pays et la Mission dans le cadre d'une structure de sécurité unifiée, sous l'autorité d'un responsable désigné. Le Conseiller en chef pour la sécurité/Chef du service de sécurité fera rapport au responsable désigné et sera son principal conseiller. Il conseillera également le Représentant spécial du Secrétaire général sur les questions opérationnelles concernant la sécurité de la Mission.

27. Des agents de sécurité seront postés dans chaque bureau régional afin de suivre la situation en permanence et de veiller à ce que les normes du système de gestion de la sécurité soient appliquées sous la responsabilité de coordonnateurs des mesures de sécurité sur le terrain. Les agents de sécurité fourniront un appui en matière de sécurité aux observateurs dans les équipes des zones et points de normalisation. Au sein de la Mission, des coordonnateurs pour les questions de sécurité seront nommés pour chaque zone et point de normalisation pour permettre une liaison et une coordination permanentes avec les agents de sécurité.

28. Les coordonnateurs des mesures de sécurité sur le terrain ont pris part aux six équipes tripartites qui ont mené des visites de repérage simultanées dans les zones et points de normalisation. Les niveaux de risque prévus pour la plupart des menaces identifiées (attaques par des fauteurs de troubles, feux croisés et troubles sociaux) sont considérés comme acceptables, pour autant que les mesures voulues de gestion des risques soient pleinement appliquées. En ce qui concerne la menace des mines terrestres, les mines antipersonnel résiduelles pourraient représenter un risque dans certaines zones de normalisation. Le DSS est en train d'établir un rapport détaillé pour actualiser l'analyse des risques concernant cette menace particulière et proposer si nécessaire des mesures supplémentaires de gestion des risques.

Déploiement géographique

29. En raison du rôle joué par la Mission en tant que composante internationale et coordonnatrice du mécanisme de surveillance et de vérification, les bureaux de la Mission et du mécanisme seront placés sous un même toit, même si, un certain nombre des fonctions et tâches de la Mission seront menées indépendamment du mécanisme. Conformément à l'accord des parties concernant le déploiement régional du mécanisme dans huit villes offrant l'accès le plus commode aux zones et points de normalisation, la Mission disposera de huit bureaux régionaux aux sièges régionaux du mécanisme dans les villes suivantes : San José de Guaviare, Florencia, Popayân, Villavicencio, Medellin, Quibdô, Bucaramanga et Valledupar. Les équipes dirigeantes des bureaux régionaux seront composées d'un chef de bureau (civil) et de l'observateur de rang le plus élevé dans la région, qui fera office de coordonnateur du siège régional du mécanisme. Par ailleurs, les bureaux régionaux compteront environ 11 observateurs et 9 membres du personnel civil, et notamment des spécialistes de la liaison, de l'information, de la sécurité et de l'appui à la Mission.

30. La Mission s'efforcera de veiller à ce que les bureaux régionaux comptent des spécialistes des activités de liaison et d'information pour répondre comme il se doit au vif intérêt manifesté par les acteurs régionaux, qui souhaitent obtenir davantage d'information et entretenir un dialogue. Ces efforts viendront compléter et renforcer ceux déployés par le mécanisme de surveillance et de vérification au même égard.

Participation des femmes

31. La Mission des Nations Unies en Colombie compte nommer un maximum de femmes à toutes les fonctions et tous les postes. En dépit des efforts louables déployés par certains des pays qui fournissent des observateurs, la Mission est encore très loin de l'objectif de 20 % de femmes parmi les observateurs qui avait été fixé. Elle considérera donc comme une priorité de recruter des femmes qualifiées au sein de ses effectifs civils et aux postes de VNU devant être déployés aux sièges locaux du mécanisme afin d'atteindre l'objectif de 20 % de femmes parmi le personnel des Nations Unies supervisant le cessez-le-feu et la cessation des hostilités et le dépôt des armes. Je continue d'engager vivement les pays qui fournissent des observateurs à contribuer davantage d'observatrices et je remercie ceux qui l'ont déjà fait.

32. Au niveau régional, la Mission entend instaurer une stricte parité des sexes parmi son personnel civil à toutes les positions dans les services organiques. De même, à l'échelle nationale, elle fera tout pour réaliser la parité des sexes au sein de ses effectifs civils.

Ensemble des ressources

33. Compte tenu des dispositions de l'Accord, y compris le mandat de la Mission tel qu'il a été approuvé par les deux parties, la Mission aura besoin des effectifs en personnel ci-après pour s'acquitter de son mandat : environ 450 observateurs et une composante civile appropriée, comme décidé par l'Assemblée générale dans le cadre de son examen du budget de la Mission, en vue de leur déploiement sur 40 sites, y compris les zones et points de normalisation.

VI. Observations

34. Dans ma lettre du 22 juillet 2016 (S/2016/643), je me suis déclaré satisfait de l'état actuel de préparation de la Mission, en particulier du déploiement rapide des observateurs de l'ONU dans les jours qui ont suivi la signature de l'Accord. Le nombre des observateurs s'élève aujourd'hui à 80, ce qui a permis à la Mission de participer pleinement aux récentes visites de repérage menées dans les zones locales où doivent avoir lieu la séparation des forces et le dépôt des armes. La Mission est également prête à exercer les fonctions de coordination qui seront les siennes au sein du mécanisme de surveillance et de vérification aux niveaux national et régional une fois que ce dernier aura été mis en place. Outre l'état de préparation de la Mission, le bon déroulement des visites tripartites effectuées dans les zones du 8 au 15 août, les relations de travail fructueuses établies entre les responsables colombiens et les combattants des FARC-EP pendant ces visites, la réaction positive des populations locales sont autant d'éléments montrant que les préparatifs se déroulent comme prévu d'un point de vue non seulement technique mais également politique. Je suis conscient que la mise en œuvre des dispositions de l'Accord représente une lourde charge financière pour les autorités colombiennes. Des discussions sont en cours entre le Gouvernement colombien, le Secrétariat et les États Membres en vue de déterminer les meilleurs moyens de soutenir la logistique dans les zones et points de normalisation.

35. Dans ce contexte favorable se sont posées plusieurs questions - certaines concernant les aspects opérationnels de la Mission, d'autres concernant des problèmes de fond et la situation politique générale.

36. Si la question de la répartition des responsabilités en matière de prestation de services a été examinée avec le Gouvernement, celle du partage des coûts pour les installations et services qui sont utilisés conjointement par les membres du mécanisme reste encore en suspens. Je recommande que la Mission partage avec le Gouvernement les coûts afférents à la mise en place et au fonctionnement du mécanisme, sauf pour les dépenses de sécurité qui sont assumées par le Gouvernement, au prorata du nombre d'observateurs et de membres du personnel des Nations Unies par rapport au nombre total de membres du mécanisme. D'après les plans actuels, la Mission devrait compter pour environ 50 % des besoins en services et installations à l'échelle nationale, régionale et locale. D'autre part, c'est la Mission qui assumera le coût des activités qui lui sont propres, et notamment celles liées au dépôt des armes.

37. S'agissant de la composition de la Mission, l'Accord prévoit que les observateurs doivent provenir principalement de pays de la Communauté des États d'Amérique latine et des Caraïbes (CELAC). Si l'on en croit les annonces qui ont été faites, tel sera certainement le cas. La Mission a réaffirmé l'engagement pris vis -à-vis de la CELAC d'inclure tous les pays de la région dans la composition des effectifs de sa composante d'observateurs et de sa composante civile. Il a toutefois été décidé, compte tenu des enseignements qui ont pu être tirés d'une longue expérience des opérations de maintien de la paix, qu'il valait mieux ne pas proposer aux pays limitrophes de la Colombie de nommer des observateurs. L'Organisation des Nations Unies reste disposée à accepter d'autres arrangements si les deux parties sont d'accord. Par ailleurs, la Mission fait tout son possible, dans le cadre des appels à candidatures organisés par l'Organisation des Nations Unies, pour recruter des membres du personnel civil qualifiés, dotés d'une expérience solide des processus de pays et des affaires des Nations Unies, venus de tous les pays de la CELAC, y compris les pays limitrophes de la Colombie.

38. Plusieurs organisations colombiennes de la société civile et de défense des droits de l'homme se sont interrogées sur le rôle de la Mission par rapport aux droits de l'homme et les liens entre ses activités et les droits de l'homme. Selon des données dignes de foi émanant de centres de réflexion colombiens, du Défenseur du peuple de Colombie et du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, le cessez-le-feu unilatéral observé depuis plus d'un an par les FARC -EP s'est traduit non seulement par un net recul des violences entre belligérants mais également par une diminution des violences contre la population dans les zones de conflit. Si la fin du conflit entre le Gouvernement colombien et les FARC-EP ne mettra sans doute pas un terme à tous les actes de violence commis contre les civils, lesquels sont également le fait de plusieurs autres acteurs armés, on peut espérer que la cessation du conflit que la Mission a vocation à favoriser marquera un progrès notable dans la protection des droits de l'homme en Colombie.

39. En outre, comme il est indiqué plus haut, les règles du cessez-le-feu et de la cessation des hostilités que le Gouvernement colombien et les FARC-EP se sont engagés à respecter n'interdisent pas seulement les actes d'agression mutuelle. Elles prévoient également que les parties s'abstiennent de tout acte ou menace de violence, notamment sexiste, portant atteinte à la vie et à l'intégrité personnelle de la population civile. En collaboration avec le mécanisme de surveillance et de vérification, la Mission sera chargée de vérifier que cet engagement important est intégralement respecté pendant toute la durée du cessez-le-feu. Par ailleurs, le mécanisme se tient prêt à tous les niveaux à entendre les plaintes, les avis et les recommandations de la population, des autorités et des organisations de la société civile.

40. La Mission et le mécanisme de surveillance et de vérification devront naturellement coopérer non seulement avec les institutions nationales chargées de protéger et de promouvoir les droits de l'homme en Colombie (Défenseur du peuple, Service du Conseiller présidentiel pour les droits de l'homme, organisations colombiennes de défense des droits de l'homme), qui sont bien établies et respectées, mais aussi avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme. Ces organismes poursuivront leur travail dans toutes les zones de conflit et leur vaste savoir-faire sera très utile au mécanisme de surveillance et de vérification. Par ailleurs, du moment qu'elles soient dotées des ressources suffisantes, les organisations nationales et internationales de défense des droits de l'homme contribueront sans nul doute à assurer la transition du conflit à une paix sans violences ni violations des droits de l'homme après la période du cessez-le-feu et du dépôt des armes.

41. Dans le programme de négociations adopté le 26 août 2012, le Gouvernement colombien et les FARC-EP avaient décidé de négocier les modalités de ratification de l'accord de paix final après la conclusion de ce dernier. Au terme de discussions prolongées et infructueuses sur la question, le 23 juin 2016, parallèlement à la signature de l'Accord, les parties ont convenu de s'en remettre à la décision que la Cour constitutionnelle de Colombie prendrait au sujet des modalités de ratification populaire des accords de paix. Le 18 juillet 2016, la Cour a jugé que la décision du Gouvernement de soumettre l'accord de paix final à un plébiscite était conforme à la Constitution.

42. Malgré ce facteur d'incertitude, les parties ont décidé d'engager les préparatifs de mise en œuvre de l'Accord. Ainsi, une formation commune à l'intention des membres du mécanisme de surveillance et de vérification (représentants du Gouvernement colombien, représentants des FARC-EP et observateurs de l'ONU) aura lieu dans les semaines à venir. Elle permettra d'assurer la cohérence des activités de vérification du cessez-le-feu après l'entrée en vigueur de ce dernier et renforcera la confiance dans le processus de paix entre les combattants des deux parties. En dépit du débat entourant la question du plébiscite, j'estime que ces initiatives, tout comme la poursuite du dialogue sur l'Accord avec les autorités et la société civile, sont utiles pour consolider la paix. Tout en restant prudente dans son déploiement et attentive à l'évolution de la situation politique, la Mission fera en sorte de pouvoir contribuer pleinement à la réussite de ces initiatives.

43. Concernant les négociations en cours à La Havane, je note que d'importantes questions ne sont toujours pas réglées, notamment les modalités de mise en œuvre des accords ainsi que les mécanismes de vérification nationaux et internationaux. Il est particulièrement important de parvenir à un accord sur la question de la réintégration des combattants des FARC-EP. La courte période consacrée au cessez-le-feu et au dépôt des armes s'inscrit dans un processus à plus long terme, dont la viabilité est subordonnée à la mise en œuvre d'un programme fiable de réintégration des combattants des FARC-EP. J'invite par conséquent les parties à élaborer un programme solide et complet à cet égard. Pour conclure, je voudrais remercier de son action mon Représentant spécial, Jean Arnault, et féliciter le Gouvernement colombien et les FARC-EP de leur volonté de faire aboutir les négociations. Je demeure fermement résolu à apporter tout le soutien attendu de l'ONU. Après tant d'années de conflit, sans doute est-il difficile pour nombre de Colombiens de s'imaginer un avenir de paix. C'est pourtant l'occasion qui s'offre à eux aujourd'hui, et j'espère qu'ils sauront la saisir.


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