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Derechos | Equipo Nizkor
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10aoû15
La lutte pour la justice menée par Claudia Julieta Duque dans son affaire contre le DAS doit faire face à de nouvelles attaques et persécutions
Communiqué de l'Equipo Nizkor
1. Ces deux derniers mois, les actions directes de harcèlement, d'intimidation et d'attaques contre Claudia Julieta Duque, représentante d'Equipo Nizkor et correspondante de Radio Nizkor en Colombie, se sont intensifiées, avec le début de la phase orale du procès contre trois anciens hauts fonctionnaires du Département administratif de sécurité (DAS) et la résolution d'accusation contre deux autres imputés dans le procès pour la torture psychique aggravée commise à son encontre.
Les derniers faits remontent au 4 août 2015, alors que la journaliste s'entretenait avec la magistrate Patricia Rodríguez Torres du Tribunal supérieur de Bogotá, qui avait fait l'actualité les jours précédents, pour avoir durant deux ans alerté de la prescription prochaine d'une affaire judiciaire importante pour le pays, qui a fini par prescrire.
Un homme, identifié par la police comme étant Julio César Ramírez Gómez, a attendu la journaliste pendant plus de trois heures aux alentours du lieu de l'entretien, l'a photographiée et a même abordé Claudia Julieta et son interlocutrice, et, après avoir fait mine de s'en aller, est resté sur les lieux, même après que Claudia Julieta ait réussi à échapper à sa vigilance et à s'en aller sans qu'il s'en rende compte.
Le garde du corps de la magistrate Rodríguez Torres, alerté par sa protégée, a surveillé le suspect après le départ de Claudia Julieta. Celui-ci est resté sur les lieux pendant plus d'une heure, pensant que celle-ci s'y trouvait encore. Selon le garde du corps, il disposait d'une carte qu'il consultait régulièrement et lorsqu'il parlait par téléphone portable, il indiquait qu'il était toujours dans l'attente. Lorsqu'un policier travaillant pour le Tribunal l'a abordé, l'individu a tenté de se soustraire à l'identification, en arguant que sa carte d'identité se trouvait dans sa voiture. Lorsque l'agent de police lui a proposé de l'accompagner jusqu'à sa voiture, il a finalement remis ses papiers. Ensuite, il a fait savoir que la personne qu'il attendait venait d'arriver et il fut emmené par un véhicule non identifié.
Sur les photographies prises par la journaliste, qui ont été remises au Parquet général de la Nation afin qu'il prenne les mesures relevant de sa compétence, on aperçoit une masse noire à la ceinture du suspect.
2. À cela, il faut ajouter d'autres incidents graves qui ont eu lieu les jours précédents. Entre le 25 et le 29 juillet 2015, alors que Claudia Julieta était en déplacement professionnel dans le département d'Antioquia, des inconnus ont tenté de s'introduire dans sa maison. Ils ont endommagé la serrure de la porte blindée et ont même tenté d'en forcer les charnières. Même si la journaliste dispose de caméras de surveillance dans son logement, il n'a pas été possible de déterminer le jour et l'heure de cet incident, puisqu'elle et sa fille se sont absentées pendant plusieurs jours.
3. En outre, des personnes se faisant passer pour des travailleurs de l'entreprise Gas Natural ont tenté de faire en sorte que la fille de la journaliste leur ouvre la porte du domicile, avec l'argument qu'ils devaient effectuer une maintenance de sécurité aux appareils à gaz. Par la suite, l'entreprise Gas Natural a confirmé qu'elle n'avait pas programmé de visites de ce type au logement de la journaliste.
4. Le 22 juillet 2015, alors que la journaliste était en pleine audience préparatoire du procès contre Enrique Ariza Rivas, Giancarlo Auqué de Silvestri (tous les deux en fuite) et José Miguel Narváez, des inconnus ont effectué des appels aux parents de la journaliste à partir du numéro de téléphone portable de la fille de Claudia Julieta, qui à ce moment-là se trouvait dans un avion en direction de la Colombie, sans service de roaming et dans l'impossibilité d'utiliser sa ligne mobile colombienne.
5. Le jour suivant, le 23 juillet, quelques heures après être rentrée d'un stage académique de deux mois en Europe, la fille de la journaliste a été photographiée alors qu'elle sortait de chez elle.
6. Toutes ces situations, mises bout à bout, font état d'une aggravation de la situation de risque de Claudia Julieta, qui, ces derniers mois, a pris des photographies de véhicules qui la suivent et de suspects qui l'entourent en permanence. Tout ces faits permettent à l'Equipo Nizkor d'avertir de l'existence d'un plan visant à s'attaquer de manière directe à la journaliste et à sa famille.
7. Pendant ce temps, la journaliste a dénoncé la fuite de l'accusé Giancarlo Auqué de Silvestri, ancien directeur des renseignements du DAS, qui s'est moqué de la justice en annonçant qu'il allait se rendre, sans que cela se confirme, alors que depuis le 3 juillet 2015, le Tribunal supérieur de Bogotá a confirmé la mesure de détention préventive à son encontre, et alors que le directeur du Corps technique d'enquête (Cuerpo Técnico de Investigación - CTI) du Parquet, Danny Julián Quintana, a fait savoir officiellement que depuis le 28 juillet, une unité spéciale avait été affectée pour procéder à son arrestation.
Il y a deux semaines, la journaliste a aperçu les avocats d'Auqué de Silvestri dans les bureaux du CTI, sans que cela signifie que l'accusé, soumis à un nouveau mandat d'arrêt depuis le 29 avril, après sa sortie irrégulière de prison, se soit rendu volontairement, comme annoncé. Il a fourni comme adresse pour son arrestation un appartement situé sur les plages d'El Rodadero, dans la ville côtière de Santa Marta.
8. De la même manière, la journalise a dénoncé publiquement l'inaction d'INTERPOL pour mettre en oeuvre le mandat d'arrêt international visant Enrique Alberto Ariza Rivas, également ancien directeur des renseignements du DAS, dont l'adresse a été confirmée par les autorités.
9. Comme si cela ne suffisait pas, le 22 juillet, Claudia Julieta Duque a publiquement affronté l'ancien sous-directeur du DAS, José Miguel Narváez, qui voulait que le juge nš 2 spécialisé, qui connaîtra de l'affaire lors du procès, interdise à la journaliste de faire des déclarations dans la presse sur le déroulement du procès. À cette occasion, Claudia Julieta a clamé, et cela figure sur les enregistrements de l'audience, que pour la faire taire, ils devraient la tuer.
10. Le 21 juillet, deux autres accusés ont été appelés à comparaître : Ronal Rivera Rodríguez, fonctionnaire actuel du ministère de la Migration et ancien détective du ténébreux Groupe spécial de renseignements 3 (G-3), actuellement détenu ; et Rodolfo Medina Alemán, ancien directeur de contre-intelligence du DAS, en fuite depuis 2013.
11. De plus, la journaliste et son avocat ont demandé à ce que dix-neuf anciens fonctionnaires du DAS, plusieurs d'entre eux liés à d'autres entités de l'État et se prévalant de la fonction publique, fassent l'objet d'investigations formelles, ce qui permet d'espérer que le procès pourra continuer à avancer.
12. Il est évident que le procès pour la torture psychique aggravée à laquelle a été soumise Claudia Julieta Duque en raison de son enquête sur l'assassinat du journaliste Jaime Garzón s'est pourvu de connotations juridiques et politiques de grande ampleur en Colombie, et que sa progression a signifié pour elle et pour sa famille, ainsi que pour son avocat Víctor Javier Velásquez et sa famille, une détérioration de leurs conditions de sécurité.
13. L'Equipo Nizkor a accompagné Claudia Julieta et a soutenu sa bataille juridique, non seulement en soutenant son travail mais également en établissant la stratégie juridique, unique en Colombie, ce qui a permis les avancées obtenues dans cette affaire.
14. Nous sommes conscients des conséquences de la lutte contre l'impunité pour les victimes. Nous avons été témoins de ce que cette lutte a représenté dans la vie de Claudia Julieta Duque et de sa famille. C'est pour cela que nous demandons à l'État colombien dans son ensemble l'adoption de mesures politiques et judiciaires, ainsi que des mesures de protection qui garantissent que la journaliste puisse poursuivre cette lutte. Ces mesures seront réconsidérées le 14 août prochain au ministère des Relations extérieures colombien, dans le cadre de l'évaluation des mesures de précaution de la Commission interaméricaine des droits de l'homme (CIDH) dont font l'objet Claudia Julieta et sa famille.
15. Nous exhortons le Parquet général de la Nation à agir rapidement afin d'enquêter, d'identifier et de sanctionner les responsables de ces nouveaux actes de persécution dont a fait l'objet Claudia Julieta Duque, et pour qu'ils arrêtent sans plus attendre les accusés en fuite dans cette affaire.
Une fois de plus, nous rendons responsable l'État colombien de la matérialisation éventuelle des attaques contre Claudia Julieta Duque, son avocat et leurs familles respectives.
Charleroi et Bogotá, 10 août 2015
Protagoniste incident 04aoû15
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This document has been published on 12Aug15 by the Equipo Nizkor and Derechos Human Rights. In accordance with Title 17 U.S.C. Section 107, this material is distributed without profit to those who have expressed a prior interest in receiving the included information for research and educational purposes. |