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DERECHOS


05 août 2003

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L'Opération de guerre psychologique de la XVII Brigade contre CAVIDA continue.


Dans quelques jours, il y aura juste trois mois que l'opération militaire de la XVIIème Brigade s'est déployée dans le Territoire Collectif de Cacarica, et plus particulièrement autour de la Zone Humanitaire Esperanza en Dios (Espoir en Dieu) dans la région du bas Atrato chocoén.

Malgré toutes les actions de solidarité, la présence de la Commission Mixte de Vérification, la visite de la Commission Interaméricaine des Droits de l'Homme (CIDH), la présence permanente du Médiateur du Peuple, l'accompagnement de missionnaires d'églises chrétiennes, d'observateurs internationaux, la demande de respect de la population et des biens des communautés, les avertissements, les accusations sans fondements et les harcèlements persistent.

Evidemment une opération militaire de contrôle social a été menée, et elle emploie des moyens de pression psychologique, associée à la manipulation de l'opinion publique régionale de la part d'autorités civiles face aux Communautés d'Autodétermination, Vie et Dignité du Cacarica, CAVIDA, à l'accompagnement de notre Commission Justicia y Paz (Justice et Paix), et en certains cas face à la présence internationale.

De nouvelles actions des Forces Militaires et des autorités civiles de la municipalité de Riosucio expriment le caractère compulsif, systématique et maladif de destruction du processus collectif d'Affirmation Intégrale des Droits de CAVIDA.

  • Juin, dans le journal régional El Heraldo de Urabá, édition 278, en première page paraît un article avec le sous-titre suivant « La Visite Ministérielle a eu lieu», le titre « De la Violence dans l'Atrato », et le résumé « Dans le Chocó on vit dans une autre Colombie » « Justicia y Paz, un ghetto pour l'Administration de Riosucio ». Dans le développement de l'information, à la page 8, apparaît l'intertitre « République Indépendante » et le texte : « Dans des secteurs comme le Cacarica on semble vivre dans une autre « république indépendante », à cause du ghetto imposé par l'ONG Justicia y Paz. Le maire de Riosucio, Ricardo Azael Victoria, dénonce. « Je n'en peux plus. Je suis accablé » sont les mots prononcés par Azael Victoria à la ministre de la Défense, à propos du fait qu'aucun fonctionnaire de son administration ne peut pénétrer pour y développer des projets productifs, si ce n'est avec l'ordre de cette organisation. Azael Victoria a informé : « Je leur ai envoyé des maîtres qu'ils ont refusés ; je leur ai envoyé un personnel de planification afin d'optimiser la région et d'apporter le bien-être et personne n'a pu rester. Ce qui se passe au Cacarica est grave ».
  • Ces paroles furent prononcées devant la Ministre de la Défense Marta Lucía Ramírez, le Général Carlos Alberto Ospina et le Procureur Général de la Nation, lors de leur visite à la municipalité de Riosucio.

  • Dimanche 13 juillet vers 11 heures, entre 50 et 70 unités militaires s'installent devant la zone humanitaire d'Esperanza en Dios. Un des soldats communique aux habitants partis à la pêche qu'« ils ont besoin d'un casco (embarcation fluviale en bois) et d'un moteur pour transporter la marchandise, mais que cela vienne d'un particulier, que ce ne soit pas un bien communautaire, cette communauté ne nous aime pas… Là-bas nous ne demandons pas d'eau car il nous la feront payer… » Un des habitants lui répond qu'ils ne sont pas fâchés mais qu'ils ne peuvent pas collaborer avec des personnes armées et que si eux-mêmes n'avaient pas installé tant de contrôles pour l'entrée des aliments destinés à la population ils n'auraient pas besoin de faire payer.
  • Les unités militaires sur la rive du fleuve se sont adressées à des enfants, filles et garçons, qui se trouvaient au bord du fleuve en train de laver ou de se baigner, « ici il y a de l'argent pour que vous nous achetiez des gâteaux à la communauté ». Ils disaient aux femmes : « Lavez le linge et nous le paierons, jusqu'à 5.000 pesos (2,05 $ US) pour une serviette de bain ».

    Un groupe de 20 militaires se sont dirigés vers le lieu connu comme « La Tapa », à une quarantaine de minutes de la Zone Humanitaire, et en croisant un membre de CAVIDA qui portait quelques bananes et yucas (légumes) de sa récolte, ils l'ont sollicité, d'abord pour qu'il les leur donne, puis pour qu'il les leur vende. L'afro descendant leur a dit « ce n'est pas possible car c'est pour nourrir la famille ». Les militaires ont décidé de le laisser continuer son chemin, mais quelques minutes après ils sont entrés sur la parcelle du membre de CAVIDA, et y ont pris plusieurs régimes de bananes.

  • Lundi 14 juillet, le matin, à moins de dix minutes de la Malla de la Vida (Maille de la Vie), de la Zone Humanitaire d'Esperanza en Dios, un nombre significatif de militaires se présente pour la troisième fois dans une propriété de CAVIDA, dans laquelle se trouve une culture communautaire, propriété de communautés, du Cauca, El Valle, le Mouvement des Sans Terre du Brésil, CRIPDES du Salvador, parmi d'autres.
  • Les militaires ont monté quelques unes de leurs tentes sur les semis des bananes, qui ont été totalement détruits, ont pris la maison de la propriété pour loger la troupe et ont cueilli des fruits de plusieurs arbres.

  • Mercredi 16 juillet, dès 10 heures, des unités militaires stationnées en face de la Zone Humanitaire Esperanza en Dios mettent de la musique rap et invitent les enfants, en même temps qu'ils leur donnent de l'argent pour leur acheter des gâteaux ou des cigarettes.
  • Alors qu'une femme se trouvait sur la rive de la Malla de la Vida, une femme militaire lui demande à propos des accompagnateurs de Justicia y Paz, « où sont ceux de Justicia y Paz » (…) « tu ne les connais pas ? ne fais pas semblant de ne pas savoir, dis-moi ce qu'ils font ».

    Un autre militaire aborde depuis la rive une femme occupée à laver dans le fleuve et la questionne sur un membre de Peace Brigades International, PBI : « comment elle s'appelle l'amerloc' ? » (en se référant à une citoyenne internationale des PBI). La femme répond qu'elle ne sait pas. Le soldat ajoute : « comment tu ne sais pas si tu vis avec elle… cette amerloc' n'est qu'une imbécile présomptueuse et tordue, une vraie bigote ».

  • Jeudi 17 juillet, vers 11 heures, après avoir reçu les plaintes de la communauté sur le comportement des militaires et avoir vérifié les dégâts effectués les 20 derniers jours lors du déroulement des actions constitutionnelles et des fonctions d'observation et de protection des militaires, le Médiateur du Peuple de Cacarica dialogue avec le Lieutenant Leonardo Lagos Ochoa, qui se trouve à la tête de l'opération depuis un mois.
  • Le Médiateur du Peuple a exprimé les préoccupations de CAVIDA relatives à : l'invitation constante aux jeunes afro descendants de faire partie des soldats paysans ; l'inaction de la troupe face à la présence d'une base paramilitaire au lieu connu comme « La Balsa », située à moins de deux heures et demie des Zones Humanitaires ; la pratique des patrouilles et du contrôle réalisé sur la population quand ils effectuent des activités individuelles ou collectives ; le dégât persistant et l'usage de biens civils des membres de CAVIDA pour l'alimentation et le logement des troupes ainsi que le préjudice porté par leur présence permanente dans les alentours de la Zone Humanitaire.

    Face aux préoccupations de CAVIDA présentées par le Médiateur, le Lieutenant Lagos a répondu: «j'ai l'ordre de mon Général de ne combattre aucun acte illégal qu'il soit paramilitaire ou de guérilla, l'ordre de réaliser une reconnaissance de la zone » (…) « j'ai connaissance des Mesures de Protection de la CIDH et je veille à ce qu'elles soient respectées » (…) « il est parfois très difficile de savoir ce que fait chacun d'eux parce qu'ils sortent patrouiller ou monter la garde et je n'observe pas ce qu'ils font, et je me compromets à en parler à la troupe » (…) « pour les dégâts, des indemnisations seront versées mais chaque personne affectée doit signer un document où elle déclare ce qu'elle a reçu».

  • Vendredi 18 juillet vers 9 heures, après que les unités militaires aient été transférées vers Bijao, la destruction de quelques plants de bananiers et de riz, propriétés de CAVIDA, est constatée.
  • Samedi 19 juillet, alors qu'un père et ses deux filles reviennent du travail, aux abords de la Zone Humanitaire « Esperanza en Dios », un soldat les aborde et leur demande le nom d'un des afro descendants. Devant le refus de l'homme de le lui communiquer, le militaire répond : « Vous n'aimez pas les soldats » (…) « c'est normal mais ils ne leur semblent pas avoir fait beaucoup de mal à la communauté ». Et le militaire lui cria après pour le faire taire et l'intimider.
  • Lundi 29 juillet, dans l'article intitulé « Plan de écurité, Souveraineté et développement Social aux Frontières », du journal Selva Húmeda, édition de juillet 2003, on trouve un aparté sous-titré : « Graves dénonciations », dans lequel le maire de Riosucio Ricardo Azael Victoria déclare, selon ses termes :

    « Le maire a dénoncé le blocage des voies fluviales avec des arbres par la guérilla des Forces Armées Révolutionnaires de Colombie (FARC), afin d'empêcher l'arrivée de vivres et la présence des Forces Militaires. « Nous avons près de 12 kilomètres bloqués au Salaqui, ce qui rend difficile le transport de riz, chontaduro, borojó (fruits), bananes et d'autres produits propres à la région ».

    « Il a assuré qu'il s'est passé la même chose au Cacarica, dans la région où est présente l'ONG Justicia y Paz. « Je suis accablé - a-t-il dit - Je n'en peux plus. Ces personnes se croient une république indépendante parce qu'aucun fonctionnaire de mon administration ne peut y entrer. Je leur ai envoyé des maîtres qu'ils ont refusés ; je leur ai envoyé un personnel de planification afin d'optimiser la région et d'apporter le bien-être et personne n'a pu rester. Ce qui se passe au Cacarica est grave et l'Etat doit intervenir rapidement », a-t-il conclu.

  • Mardi 22 juillet, notre commission a eu connaissance de l'Acte sans numéro, de la réunion organisée au siège de la Mairie de Riosucio Chocó le 2 juillet, à laquelle ont participé le maire de Riosucio, le Procureur de la 15° Section [fiscal 15 Seccional], le juge municipal, le Commandant de police de Riosucio, le Lieutenant de la Marine nationale, un Lieutenant et un Sergent de l'Armée Nationale, le Secrétaire du Gouvernement Municipal avec des délégués du gouvernement et de l'Etat central, l'ACNUR ainsi que des membres de la Commission Mixte de Vérification.

    Selon cet Acte, et en opposition avec ce qui a été débattu et conclu lors des séances de la Commission Mixte de Vérification, le Secrétaire du Gouvernement Municipal, a écrit :

    « Lors de la réunion, la question des relations entre l'administration municipale et CAVIDA a été abordée, débouchant sur l'accord qu'à la fin du mois ou au début du mois suivant ait lieu une réunion dans les zones humanitaires avec la participation directe de l'équipe du gouvernement de la Mairie, la Commission Mixte de Vérification et les commandants des forces militaires et de la police de la région ».

  • Mardi 29 juillet, des unités militaires ont de nouveau stationné dans la propriété d'un membre de CAVIDA, où ils avaient déjà été quelques jours avant, à cinq minutes approximativement de la Zone Humanitaire Esperanza en Dios. Dans la maison de la propriété on a observé la présence d'un homme armé et habillé en civil qui a dit aux personnes qui l'ont vu de ne rien dire car il était là pour surveiller, et il a ajouté : « nous autres nous savons que cette communauté ne nous aime pas, mais ils ne nous disent rien ». Un militaire a dit plus tard : « Nous contrôlons tout, le seul qui manque est Esperanza en Dios, mais ils seront bientôt avec nous, ça va progresser, nous allons voir la communauté participer à notre idée, ils y seront tous ».

    Dans la même propriété, un militaire a pris sans aucune autorisation une grappe de bananes en présence de la propriétaire. Quand la propriétaire lui a réclamé, le soldat lui a répondu : « nous payons ce que nous prenons, si nous le payons pas maintenant, il y aura une indemnisation. Ce n'est pas comme vous dites, du vol ». Et le militaire a ajouté : « combien coûte la grappe de bananes ? ». Rien n'est à vendre, et la vérité est que vous avez détérioré les propriétés. Vous abîmez ce qui sert à nourrir la famille et la communauté, l'argent ne sert à rien ici, ce qui sert c'est la banane, la yuca (légume), ce que nous cultivons ». Le soldat a emporté la grappe de bananes.

  • Jeudi 31 juillet, alors que plusieurs jeunes de CAVIDA se rendaient au travail dans les récoltes, ils ont observé à quelques mètres des unités militaires un homme habillé en civil avec une arme longue et en chemise blanche qui a essayé de se cacher de la vue des jeunes afro descendants. Quand ils l'ont découvert, il leur a dit : « taisez-vous, ne dîtes rien ».

    Face à l'inquiétude causée par la présence d'hommes habillés en civil au sein de l'opération militaire le Lieutenant Lagos a répondu au Médiateur du Peuple de Cacarica : « il y a des raisons pour être habillé en civil et être armé ».

    Depuis le 13 mai, l'opération militaire de la XVIIème Brigade organisée dans le cadre de la dite Politique de Sécurité « Démocratique » par les compagnies Cuervos (Vautour), Escorpión (Scorpion) et Cobra (Cobra) a prétendu incorporer la population dans le modèle d'action de l'Etat en violant le principe de distinction. Les menaces de mort, la stigmatisation, l'intimidation, le saccage de biens, le jugement annoncé, l'appropriation sociale de l'environnement des zones humanitaires, les offres répétées d'argent pour dénonciation, l'invitation à rejoindre les soldats paysans ou le réseau d'informateurs, les accusations sans fondement sur la corruption et les vols, font partie de leur désir de déstructurer intérieurement CAVIDA, de saper la relation avec Justicia y Paz et rendre vulnérable la présence d'observateurs internationaux.

    En même temps, depuis le pouvoir local à caractère civil selon ce même modèle de Sécurité « Démocratique », les Forces Militaires sont appelées à pénétrer dans les Zones Humanitaires afin d'arrêter les « guérilleros » qui s'y trouvent, de participer activement aux prises de décision des responsabilités sociales de l'Etat Civil, créant ainsi une atmosphère d'activité militaire et/ou judiciaire contre CAVIDA et notre commission Justicia y Paz, et qui est diffusée publiquement par les média.

    Au fond, comme l'ont exprimé les militaires, les autorités civiles municipales et régionales désirent « créer les conditions pour le « progrès », et prétendent apporter les garanties de sécurité pour qu'en 2010 commencent les travaux de construction des voies ferrées, de la canalisation qui rend possible la culture du palmier huilier, la commercialisation et l'organisation politique », selon les termes des militaires.

    En plus, dans l'actuel contexte de démobilisation et de réconciliation pragmatique, comme le publie le journal El Tiempo, en ce qui concerne la démobilisation des paramilitaires, « ainsi sont les choses, l'Urabá aujourd'hui dominé par les autodéfenses va se convertir en une zone de concentration de troupes et dans le futur, en un pôle de développement de la culture de palmier huilier, pour lequel ils ont même des prérogatives gouvernementales en matière d'impôts » (17 juillet 2003, p. 1-2)

    Les opérations militaires sont en train de laisser des marques profondes dans le processus de CAVIDA. On ne tue plus par la faim, on ne tue plus avec des balles, on veut tuer l'âme. Il n'y a plus de distinction des pouvoirs, des fonctions et des responsabilités. Les logiques militaires se sont imposées, se sont qualifiées afin de réprimer et de contrôler, avec un semblant de respect de la vie et de l'intégrité personnelle, mais en vérité ils nient la liberté d'expression, de pensée et d'association.

    Ils veulent l'âme.

    L'inaction militaire face aux infrastructures armées cachées à caractère paramilitaire qui se trouvent à La Balsa, hameau situé à moins de deux heures et demie à pied des Zones Humanitaires et la présence paramilitaire peu dissimulée dans le centre urbain de la municipalité de Riosucio réaffirment l'unité d'action, la complicité et l'exécution par omission.

    Avec le processus de démobilisation des unités de « civils » armés à l'intérieur de la stratégie militaire dissimulée, tout restera enterré et dans l'absolue impunité et depuis l'oubli des morts, des disparus, des déplacés et les droits de ceux qui ont offert des solutions alternatives seront écrasés. Tout sera fait afin de consolider « le progrès » d'exclusion, le « progrès » compulsif qui supprime les vies humaines et avec elles la richesse de la biodiversité de la planète.

    Il est évident que l'opération militaire qui a commencé le 13 mai de cette année, pas plus que l'Opération « Génesis » de 1997, n'a jamais prétendu se confronter à la guérilla des FARC EP, son objectif a été la population, et dernièrement le processus de CAVIDA. Si l'Opération «  Génesis » avait connu une enquête et si ses responsables avaient été punis, ce qui arrive aujourd'hui ne se serait pas répété.

    Au cours de cette année, grâce à cinq Pleintes et Censures Morales notre Commission a porté à la connaissance de l'Etat colombien la vulnérabilité dans laquelle se trouvent les familles de CAVIDA, les actes illégaux et illégitimes des Forces Militaires qui n'ont jamais orienté, et ne le feront jamais, leurs opérations contre la base paramilitaire située à peu de kilomètres des Zones Humanitaires, où les habitants ont été soumis à une persécution quotidienne sous prétexte de contrôler et détruire son alternative comme population civile.

    Peut être, que l'on peut maintenant comprendre pourquoi les poursuites et les harcèlements contre notre Commission de Justicia y Paz à Bogota continuent et depuis 20 jours avec des motos et des voitures. Opérant dans la clandestinité, avec beaucoup de cynisme, ils profitent de leur pouvoir. En motos, ils laissent paraître leurs armes légères, lancent un sourire puis s'éloignent. D'autres, suivent les pas des membres de notre Commission en camionnette, attirent l'attention puis s'éloignent.

    Bogota, 5 août 2003

    Rapport Executif 27 - CAVIDA, Cacarica
    Commission Interéclésial de Justicia y Paz, 5 août 2003

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    Published online on 14Oct03 by Equipo Nizkor and Derechos Human Rights