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25aoû10

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Résolution de l'Assemblée du peuple guarani d'Itika Guasu faisant suite à un grave incident raciste et son orchestration judiciaire ultérieure de la part du Ministère public de Entre Ríos.


Procès-verbal de réunion extraordinaire du Conseil directeur de l'APG IG
ayant pour objectif d'analyser les graves incidents survenus
dans la communauté Zapaterambiá.

Suite à une convocation urgente du Président de l'APG IG, Never Barrientos, le Conseil directeur de cette association a rencontré les Mburuvichas au siège social de Entre Ríos pour y analyser un seul point à l'ordre du jour, à savoir :

- Situation créée par l'affaire Esteban Barrios Rodríguez.

ATTENDU QUE :

  • 1) Dans sa déposition faite dans l'affaire dont s'occupe le département juridique de l'APG IG, Fabián Cayo, Mburuvicha zonal et Grand Capitaine de la communauté Zapaterambiá, l'une des 36 communautés faisant partie de l'APG IG, déclare ce qui suit :

    Le 19 au matin, puisque j'avais reçu des semences d'oignons et de carottes, j'ai décidé d'aller les semer en compagnie de mon beau-fils Cecilio Aguilar. Pour ce faire, j'ai tout d'abord creusé des tranchées dans la terre, et j'ai laissé à l'ombre d'un arbre plusieurs outils, dont une machette. Toute la matinée, dès 8h, ma femme, ma belle-soeur et d'autres personnes ont vu l'accusé rôder dans les environs (il passait en voiture, marchait entre les maisons, etc.). M. Barrios était accompagné de deux personnes plus jeunes et plus robustes que lui. C'est ce qui a poussé ma femme a me demander d'abandonner ma tâche, mais je ne l'ai pas écoutée, car je ne pensais pas qu'ils allaient me faire du mal.

    A 13h, après avoir mangé, je suis retourné travailler avec mon beau-fils et je constate que la voiture de l'agresseur s'arrête. Celui-ci descend, en compagnie de deux autres personnes (vraisemblablement les mêmes qui avaient été vues auparavant). L'agresseur m'interpelle: "Venez afin que nous puisssions parler:" Je m'approche, mais avant d'arriver à eux, je vois que l'un des deux accompagnants s'empare de la machette qui se trouvait sous l'arbre. Quand j'arrive à leur hauteur, l'accusé crie : "tu fais chier, fils de pute !". Au même moment, ses deux complices ont sorti chacun une arme : l'un d'eux m'a donné un coup dans l'oeil gauche avec la culasse de son arme, l'autre un coup de poing sur le côté droit du visage. Je me suis effondré sur le sol et ils ont alors commencé à s'acharner sur moi, et ils m'ont laissé en très mauvais état et presque inconscient. Mon beau-fils a voulu m'aider, mais l'agresseur, qui s'était éloigné pour prendre des photos de l'agression, m'a averti que s'il approchait, il allait tirer sur moi. Il lui a dit : "Tu n'as rien à voir avec ça, negrito, ne t'en mêle pas ou je te tire dessus !" C'est de cette manière qu'il a pu voir comment il me prenait en photos "plusieurs fois" alors que j'étais sur le sol.

    C'est vers la fin de la bagarre qu'ils ont tiré sur moi. Je n'ai pas vu s'ils me visaient mais je sais que j'ai pensé être mort. Mon épouse et ma belle-soeur sont accourues vers moi (elles n'ont pas vu ce qu'il s'était passé mais ont entendu les coups de feu, tout comme le reste de la communauté) et quand elles sont arrivées, elles m'ont trouvé plein de sang sur le sol, aux côtés de mon agresseur, très calme, et des deux bourreaux. Ma femme s'est approchée et lui a demandé en criant pourquoi il venait de faire ce qu'il avait fait à son mari - et à elle, qui le connaissait depuis toujours. L'homme lui a répondu : "Maintenant ton mari est un homme." (Il entendait par là, pour que tout le monde l'entende, que celui qui se disait Capitaine n'était rien comparé à lui). Les armes étaient exposées à la vue de tous.

  • 2) A un autre endroit de la plainte, le mburuvicha zonal et grand capitaine de la communauté Zapaterambiá déclare :

    Pourtant, il n'y a pas plus de deux ou trois mois, M. Barrios décide de s'installer, sans autorisation de la communauté, dans une maison située dans une zone faisant partie de Zapaterambiá. La maison avait été attribuée à Celestino Sambrano, qui fait partie de la famille (neveu) de mon épouse. Me mettant devant le fait accompli, c'est-à-dire, alors qu'il occupait déjà la maison, il décide de venir me voir pour que je lui donne l'autorisation de résidence, car il savait que j'étais capitaine. Après avoir présenté une plainte au neveu de ma femme pour l'erreur commise, j'ai dit à l'accusé que, en tant que représentant de l'autorité de la communauté, je me voyais dans l'obligation de lui demander qu'il s'en aille car il ne pourra pas être accepté comme "tiers" dans la communauté étant donné qu'il n'avait pas respecté les règles qui doivent être obligatoirement respectées pour obtenir une autorisation conditionnelle. L'agresseur m'a alors lancé qu'il n'avait pas l'intention de respecter les règles et que je n'avais aucun droit pour lui donner des ordres, tout comme les autres capitaines, les assemblées et les Guaranis. Il m'a dit qu'il n'allait pas quitter la zone et il a en plus ouvert par la suite un bar avec de la musique et dans lequel étaient servies des boissons alcoolisées tous les soirs, ce qui allait à l'encontre de la volonté de la communauté, qui ne le permet pas. C'est à ce moment là qu'ont commencé les menaces à l'encontre de ma famille et des autres capitaines. Mais je n'y ai malheureusement pas prêté attention (contrairement à mon épouse) et j'ai donc pas porté plainte.

    Au cours de cette période, alors que se succédaient les menaces de l'agresseur contre ma famille et les capitaines d'où qu'ils viennent, je me suis rendu en compagnie de ma femme dans la localité de Palo Blanco pour les festivités du 15 août. Une fois la fête terminée, je me suis rendu avec des amis dans un bar de la localité, tandis que ma femme rentrait à la maison. Je me suis soûlé et j'ai fini par dormir sur un trottoir du village jusqu'au lendemain matin, où je suis rentré chez moi. Le bar était tenu par une femme qui aurait une relation avec l'accusé.

  • 3) Le 19 août, Never Barrientos, majeur, carte d'identité numéro 6237450-S.C., président du Conseil directeur de l'APG IG, dont les pouvoirs de représentation ont été donnés par l'Assemblée de Mburuvichas de novembre 2009 et ont été régularisés devant le Notaire public de la ville de Entre Ríos, domicilié au 471, rue Potosí, entre Ingavi et Ayacucho, a dénoncé ce qu'il se passait presqu'au moment même où ont eu lieu les faits.

    Dans la plainte, il affirmait expressément que les trois hommes responsables des actes criminels utilisaient un petit camion à double cabine de couleur gris foncé qui avait pris le chemin de Huancaya, où il a été vu vers 14h. Cette route mène soit à Montigudo, soit à Cuevo.

    Dans la plainte présentée il était expressément demandé au Ministère public "qu'il ordonne l'arrestation de Esteban Barrios Rodríguez ainsi que de ses deux accompagnants pour tentative d'homicide, en donnant les ordres policiers indiqués pour que commencent les contrôles routiers nécessaires à leur arrestation, afin d'éviter leur fuite."

  • 4) A la connaissance du Conseil directeur, à la date de cette réunion, le procureur Juan Carlos Ferrufino n'a pris aucune mesure pour arrêter les responsables des actes criminels, et jusqu'à aujourd'hui, il n'a convoqué ni Fabián Cayo, ni les témoins, ni les autorités de l'APG IG qui ont porté plainte, pour prendre leur déclaration.

  • 5) Etonnament, le procureur a fait savoir verbalement qu'il avait procédé à l'ouverture d'une enquête dans laquelle Fabián Cayo, Mburuvicha zonal et Grand Capitaine de la communauté Zapaterambiá selon les us et coutumes guaranis, serait accusé de faits qui n'ont pas de rapport avec la plainte déposée et ne constituent manifestement pas un délit. Selon nous, cette enquête aurait pour objectif de rendre illégitime et de ne pas reconnaître l'autorité octroyée par la communauté selon les us et coutumes guaranis reconnus par la législation internationale et la Constitution politique de l'Etat.

    En raison de tout ce qui a été exposé, le Conseil directeur de l'APG IG, avec les pouvoirs conférés par l'Assemblée de mburuvichas du 12 novembre 2009 régularisés devant le Notaire public de la ville de Entre Ríos, qui donnent un mandat spécifique pour lancer des poursuites devant toute juridiction afin de défendre de nos droits,

DECIDE :

  • A) De soutenir expressément la décision de la communauté de Zapaterambiá, dans le sens où M. Esteban Barrios Rodríguez doit respecter la décision d'expulsion de la zone juridictionnelle de la communauté Zapaterambiá conformément aux us et coutumes guaranis et conformément aux articles 190 sqq. de la Constitution politique de l'Etat.

  • B) Que cette résolution doit obligatoirement être respectée par la justice ordinaire de l'Etat plurinational, conformément aux normes qui concernent la juridiction autochtone originaire des peuples autochtones, comme le reconnaissent les us et coutumes et la Constitution politique de l'Etat.

  • C) Nous considérons en outre nécessaire la fermeture du bar de M. Esteban Barrios Rodríguez, car il ne respecte pas les règles de l'APG IG et vend des produits alcoolisés à des mineurs, ce qui modifie gravement le comportement de nos jeunes, mais aussi car il viole la législation interne de l'Etat plurinational.

  • D) M. Esteban Barrios Rodríguez, en violation de la législation interne bolivienne et de nos us et coutumes, occupe illégalement des terrains qui font partie intégrante des Terres communautaires d'origine, propriéte de l'APG IG selon la "Resolución de Dotación y Titulación No. TCO-DOT-TIT-005-2002".

  • E) Nous considérons que le procureur Juan Carlos Ferrufino n'a pas respecté le devoir de protection des membres de la communauté Zapaterambiá, en permettant que M. Esteban Barrios Rodríguez, après dépôt de la plainte le 19 août, menace presque tous les membres de la communauté, manifestant publiquement de cette façon qu'il ne reconnaissait pas les autorités guaranis et le droit à la propriété de l'APG IG. Nous considérons par conséquent que nous devons solliciter la dépuration des responsabilités pénales, en utilisant pour ce faire les ressources juridiques permettant de défendre nos droits de la meilleure manière possible.

  • F) Nous qualifions les faits de manifestement graves car le but de cette attaque est d'occuper le territoire de la communauté et de ne pas reconnaître l'autorité de la communauté. Il s'agit d'agressions racistes, voire publiques, qui utilisent l'humilliation comme méthode de rendre illégitime l'autorité de la communauté, qui menacent le Mburuvicha zonal et Grand Capitaine de la communauté Zapaterambiá, Fabián Cayo, et ont presque mené à son assassinat.

    Tout ceci constitue un délit d'origine racial ayant pour intention d'humillier et de déplacer la communauté. Selon nous, ils visent la disparition de la communauté, en usurpant la propriété communautaire et en provoquant par la terreur le déplacement de ses membres. Ils essayent de cette manière de remplacer l'autorité indigène par leur propre autorité à l'aide de la violence, de la terreur et des menaces graves et concrètes.

  • G) Nous autorisons expressément l'utilisation de tous les mécanismes judiciaires pour que M. Esteban Barrios Rodríguez soit poursuivi en justice et accusé pour délits contre les peuples indigènes à des fins racistes, que la justice lui ordonne de respecter la décision de la communauté et qu'il soit expulsé des terrains qu'il occupe illégalement afin que leur usage soit réservé à l'APG IG.

Cette résolution est signée par les membres du Conseil directeur présents et par tous les Mburuvichas présents à la réunion et est rédigée en deux exemplaires de même valeur dans la ville de Entre Ríos, le 25 août 2010.


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small logoThis document has been published on 29Oct10 by the Equipo Nizkor and Derechos Human Rights. In accordance with Title 17 U.S.C. Section 107, this material is distributed without profit to those who have expressed a prior interest in receiving the included information for research and educational purposes.