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DERECHOS


nov04


Droits des peuples, droits humains face au nouvel ordre mondial.


Le cas de la Palestine

Droits des peuples ou droits des Etats ?
Socle de toute mobilisation citoyenne, l’article premier des deux Pactes internationaux de 1966 affirme que « tous les peuples ont le droit de disposer d’eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel ».

Droits nationaux du peuple palestinien
Poser ce préalable est important car il oriente la nature de l’engagement de nombreuses personnes demandant qu’un Etat palestinien viable soit déclaré dans des frontières sûres à côté de l’Etat israélien.

Or, dans cette région du monde, depuis le colonialisme imposé par de nombreux pays européens puis l’impérialisme porté par les Etats-Unis, la plupart des pays sont maintenus dans des relations de soumission et de dépendance, des rapports de forces qui les contraignent à céder aux forces dominantes et donc à priver leur population d’un développement économique, social et culturel auquel les autorise ce droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

Dans cet environnement, les peuples et les Etats de la région sont privés de ce droit, y compris l’Etat israélien qui entretient une relation de dépendance stratégique et économique avec les Etats-Unis.

Pour autant, ce manque d’autonomie ne justifie en rien les choix anti-démocratiques, les politiques d’oppression, d’occupation, voire dictatoriales privilégiées par certains de ces Etats, dont l’Etat d’Israël.

L’Etat israélien fait payer cher au peuple palestinien le prix de cette dépendance. Derrière cette politique d’asphyxie, il y a bien d’autres objectifs ; un des premiers est bien d’anéantir les droits fondamentaux du peuple palestinien. Le premier renié est le droit à la vie [1], en effet, au prétexte d’assurer la propre sécurité de ses citoyens, l’Etat d’Israël oublie l’obligation qui est faite aux Etats de défendre et de protéger les droits de l’homme et les libertés fondamentales [2], tout comme il nie les obligations auxquelles le soumettent la IVe Convention de Genève en tant que pays occupant.

Ces transgressions ont pour conséquence que le peuple palestinien est dans l’impossibilité de se voir « attribuer » le droit de vivre dignement et normalement ; ses droits fondamentaux sont quasiment inexistants alors que le § 3 du préambule de la Déclaration universelle des droits de l’Homme précise qu’ « il est essentiel que les droits humains soient protégés par un régime de droit pour que les individus ne soient pas contraints, en suprême recours, à la révolte contre la tyrannie et l’oppression ».

Quiest garant des droits humains du peuple palestinien ?
L’Etat israélien, qui maintient sous occupation le peuple palestinien à coup d’ordres militaires, de décisions de la Cour suprême qui réduisent à des interstices terriblement ténus l’espace de vie des Palestiniens ou l’Etat palestinien à qui il est refusé, de facto, toute possibilité d’existence ? Même si l’Assemblée générale des Nations Unies a reconnu, dans la résolution 2535 [3], que le peuple palestinien était « un sujet de droit international », ce qui est primordial car, dès lors, il aurait dû bénéficier du droit à l’autodétermination - résolution 2649 du 30 novembre 1970- et des droits à la souveraineté et à l’indépendance nationale -résolution 3236 du 2 novembre 1974-.

Rappelons que cette dernière résolution fait obligation « à tous les Etats et organisations internationales d’aider le peuple palestinien dans sa lutte pour recouvrer ses droits, conformément à la Charte [4] ». Rappelons aussi que l’alinéa 3 de l’article 1 des deux Pactes internationaux précise que « les Etats parties au présent Pacte, y compris ceux qui ont la responsabilité d'administrer des territoires non autonomes et des territoires sous tutelle, sont tenus de faciliter la réalisation du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, et de respecter ce droit, conformément aux dispositions de la Charte des Nations Unies ». Notons, pour mémoire, que l’Etat d’Israël a ratifié les deux Pactes internationaux en 1991.

D’un côté, des Etats qui ont obligation d’aider un peuple à recouvrer ses droits, de l’autre un Etat qui doit faciliter la réalisation du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Deux cas de figure d’obligations précisées par les textes émanant de l’ONU et un seul résultat : un peuple maintenu sous occupation à qui cette fameuse « communauté internationale » ne reconnaît même pas le droit de se voir appliquer la 4e Convention de Genève puisque, malgré les nombreux appels des dirigeants palestiniens et de la société civile, cette communauté ne s’est toujours pas levée pour affirmer que le droit doit rester au droit. Si elle le fait, c’est de manière si timide que c’est à peine audible ! Sur le terrain, il n’en reste pas moins vrai que le peuple palestinien voit ses territoires diminuer, sa population enfermée –prison, couvre-feux et autres humiliations quotidiennes-, certains de ses dirigeants –que l’on soit d’accord ou non avec eux- tuer lors d’exécutions judiciaires…

La seule question qui harcèle l’esprit est comment cela est il possible ?
Système incitatif ou contraignant ?

Depuis la résolution 2535 [5], qu’en est il des droits fondamentaux du peuple palestinien, qu’ont fait la plupart des Etats et des organisations internationales?

Pourtant, les occasions n’ont pas manqué pour l’ensemble des Etats de se mobiliser face à une situation de plus en plus explosive pour la région.

En 1979, le Conseil de Sécurité , de son côté, dans sa résolution 446 demande à l’Etat d’Israël, entre autres, de cesser d’implanter, dans les territoires occupés, des colonies de peuplement car ces implantations « changent le statut juridique, la nature géographique et elle affecte la composition démographique des territoires arabes ».

Le 24 septembre 2002, le Conseil de sécurité dans sa Résolution 1435 s’alarme parce que la population civile ainsi que toute l’économie palestinienne sont pénalisées par une occupation outrancière qui prive les Palestiniens de liberté de mouvement, du droit au travail, à l’éducation, et du droit à la santé.

Sans oublier les Résolutions émanant du Conseil de Sécurité entre 1967 et 2003 [6], sans qu’aucune n’ait été suivie d’effet…sans parler des déclarations de l’Assemblée générale.

Certains argueront que les résolutions concernant la question de la Palestine sont prises dans le cadre du chapitre 6 de la Charte des Nations Unies dont les attributions portent sur le règlement pacifique des différends [7] et non dans celui du chapitre 7 concernant l’action en cas de menace de guerre contre la paix, de rupture de la paix et d’acte d’agression.

Mais ne sommes nous pas dans le cas de figure où le statut de la paix est rompu, impossible à trouver ?

N’avons-nous pas devant nous des menaces de guerre qui pourraient s’étendre à d’autres pays de la région ? Et n’y a-t-il pas au quotidien des actes d’agression réciproques qui exacerbent la violence et font reculer encore plus la possibilité d’un processus de paix ?

Alors comment devant cette situation tragique pour les deux peuples –mais quand même plus pour le peuple palestinien !- est il possible de peser sur les espaces de contradiction produits par le non respect du droit international qui n’est en rien un instrument neutre, mais qui par la décision de certains se trouve aujourd’hui avec des normes qu’ils veulent hiérarchisées, répondant en cela aux relations entre les intérêts des Etats, voire des intérêts privés et ceux des populations?

Il peut être répondu que seul l’Etat d’Israël est membre des Nations Unies, mais n’oublions pas que la Palestine a été reconnue membre de droit – ce qui lui donne les mêmes devoirs, droits et obligations. Autre question, pourquoi n’est elle pas en mesure de ratifier traités ou accords internationaux ?

Il peut être avancé que l’Etat Palestinien n’est pas encore un Etat… mais juste reconnu membre de droit de la communauté internationale ! Pourquoi alors l’Organisation des Nations Unies n’a t elle pas pesé ou ne pèse- t- elle pas de tout son poids pour imposer dans les faits cette prise de décision historique ?

Dès lors, devant le vide de non-droit dans lequel est placé le peuple palestinien, l’Etat israélien, en tant qu’occupant –ce qu’il ne nie pas- reste le seul sur qui devrait peser des obligations juridiques internationales. Aucune sanction venant de la communauté internationale n’a, pourtant, été prise.

Au contraire, il lui est laissé une place de choix, puisque de manière unilatérale, il peut décider de la politique qu’il va mettre en place à l’égard du peuple palestinien. Quelques réactions discrètes; et des politiques de plus en plus mortifères sont mises en place !

Un seul constat : la Palestine est maintenue hors du droit international et de facto l’Etat d’Israël se met ouvertement hors la loi, avec l’assentiment de la communauté internationale.

Il semble bien, alors, que les personnes pour qui la Charte des Nations Unies a été rédigée – Nous, peuples des Nations Unies – ne fassent pas le poids face aux Etats décideurs et que les différents éléments de son préambule soient, dans ce cas, devenus caducs.

Cela pose la question fondamentale du rôle des instruments internationaux de l’ONU. Ils ne sont plus ce qui guide les politiques des pays aussi bien riches que pauvres, puisque les uns et les autres se combattent ou se défendent des uns et des autres et encore moins ce qui guide la politique des Etats qui ne devraient représenter que les peuples.

L’eau et la terre en Palestine
Pour ne prendre que l’exemple de l’eau et des terres en Palestine, de nombreux rapports ont été réalisés et présentés devant les instances onusiennes, européennes et américaines, mais là aussi rien n’a pu faire changer le cours de toutes les conséquences de la colonisation subie par le peuple palestinien. Il n’est pas possible, en l’état, pour les Palestiniens de « disposer librement de leurs richesses, de leurs ressources naturelles, sans préjudice des obligations qui découlent de la coopération économique internationale, fondée sur le principe de l'intérêt mutuel, et du droit international » [8]. Malgré cela, force est de constater que sur le terrain, la réalité de l’occupation démontre la contradiction avec l’article 1-alinéa 2- des Pactes internationaux de 1966 [9] qui précise « qu’aucun peuple ne pourra être privé de ses moyens de subsistance » [10] mais aussi met en porte à faux l’ensemble des « Etats parties au(x) présent(s) acte(s) y compris ceux qui ont la responsabilité d’administrer des territoires non autonomes et des territoires sous tutelle, sont tenus de faciliter la réalisation du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, et de respecter ce droit, conformément aux dispositions de la Charte des Nations Unies [11] ».

L’eau présente dans le sous-sol des Territoires palestiniens occupés (nappes phréatiques de l’Ouest, du Nord-Est et de l’Est de la Cisjordanie et celles de la Bande de Gaza) est entièrement contrôlée par l’Etat d’Israël qui régule de manière drastique le droit à l’eau pour les Palestiniens [12]. Selon un rapport réalisé par OXFAM, la puissance occupante utilise plus de 85% de l’eau fournie par les nappes phréatiques de la Cisjordanie [13].

Près de 45% de la Bande de Gaza ont été pris pour y installer 6429 colons alors que la population palestinienne doit vivre sur les 55% restants, ce qui a comme conséquence d’avoir sur cette terre de 165, 04 km2 une des plus fortes densités au monde !

Les terres agricoles palestiniennes sont captées, grâce à une série d’ordres militaires mis en place sous mandat britannique, pour créer des colonies de peuplement, des zones industrielles ou agricoles ou encore des zones militaires fermées. Ces vols « légalisés » de terres permettent aussi l’évolution de certains produits agricoles, en effet si l’on regarde de près les documents [14] concernant les prévisions de production de certains produits (citrons et autres), on peut remarquer que leur production entre 1995 et 2004 est en sérieuse augmentation, passant de 100 à 170 tonnes …

Comment, dès lors, les Etats parties aux Pactes de 1966, acceptent ils que le peuple palestinien soit spolié de ses terres, de ses puits sans au moins anticiper les conséquences d’un tel manquement aux obligations données par le droit international ?

Question d’autant plus pertinente que dans sa Résolution 58/229 l’Assemblée générale « réaffirme les droits inaliénables du peuple palestinien (…) sur leurs ressources naturelles, notamment leurs terres et leurs eaux » [15] et dénonce « les destructions considérables » faites « par Israël, puissance occupante, au cours de la période récente, de terres agricoles et de vergers dans le territoire palestinien occupé, notamment l’arrachage d’un grand nombre d’oliviers [16] »

Y aurait il une logique supérieure aux Pactes internationaux de 1966?
Pourquoi les Etats membres signataires du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels – et participant au Comité des droits économiques, sociaux et culturels [17] - ne demandent ils pas des comptes sur les mesures mises en place aussi bien dans le cadre de l’Etat israélien qu’à l’intérieur des territoires occupés pour assurer l’accès à ces droits ? Pourquoi le Comité sur les droits économiques sociaux et culturels [18] n’exerce t il pas son rôle en demandant un rapport d’enquête?

Serions nous face à une logique plus puissante que le droit international et humanitaire ?

Peut-on dire que c’est parce que de nombreux pays, dont l’Etat israélien, sont soumis par l’Organisation mondiale du Commerce à des règles économiques qu’ils acceptent avec empressement, afin de faire partie des pays dits riches ou en tout cas « privilégiés »?

Ils préfèrent démanteler leurs services publics plutôt que de répondre, sur certains plans, aux exigences et au respect du droit international et humanitaire. Peu leur chaut que des peuples accèdent au rang d’Etat ou que d’autres voient leur droit au développement respecté.

Dès lors, les droits fondamentaux passent au second plan, souvent ignorés, voire ouvertement bafoués par les Etats qui veulent être les meilleurs défenseurs du nouvel ordre mondial.

Dans ce contexte, l’Etat israélien qui devrait, entre autres, toujours dans le contexte des droits fondamentaux, permettre la « création de conditions propres à assurer à tous des services médicaux [19] » mais aussi œuvrer pour « la diminution de la mortinatalité, de la mortalité infantile et le développement sain de l’enfant [20] », fait fi de ses obligations en maintenant la société palestinienne sous occupation.

Cet état a bien d’autres conséquences en ce qui concerne les Droits économiques, sociaux et culturels ; il est de plus en plus difficile aux écoliers, aux étudiants et professeurs de se rendre dans les différents centres éducatifs, en contradiction avec l’article 13-1 affirmant que « toute personne a droit à l’éducation [21] ».

Ainsi, il sera facile à tout un chacun de critiquer l’Autorité palestinienne, qui a rendu l’enseignement primaire et secondaire obligatoires [22], parce qu’elle ne développe pas le réseau scolaire à tous les échelons. Mais n’oublions pas que bien souvent les forces de l’armée israélienne, lors d’incursions, détruisent ou mettent à mal les lieux éducatifs, les rendant inutilisables, tout comme il est difficile d’améliorer les conditions matérielles du personnel enseignant [23], puisque la plupart des crédits réinvestis sont utilisés à reconstruire ce qui a été détruit.

Il faut aussi préciser que les bouclages imposés de manière unilatérale viole « le droit à toute personne à un niveau de vie suffisant pour elle-même et sa famille, y compris nourriture, vêtement, logement, ainsi qu’à une amélioration constante de ses conditions d’existence [24] ».

Devant ces constats de violations quotidiennes avérées et connues de l’ensemble de la communauté internationale et de la société civile, la lutte du peuple palestinien pour son droit à disposer de son propre Etat lui aurait elle fait perdre son droit à bénéficier de l’article 1 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme [25] lorsque l’on voit avec quel silence les nombreuses violations dont il est victime sont acceptées et regardées par la plupart des Etats membres des Nations Unies ?

Où est cette fraternité entre peuples ?
C’est quand même bien la question que l’on est amené à se poser lorsque les libertés des uns se dissolvent dans les besoins des autres !

Si les droits fondamentaux ne sont plus respectés dans certains lieux et dans d’autres fortement remis en cause, les raisons sont à chercher dans la globalisation économique qui entraîne, de fait, une réorganisation des relations internationales au profit du nouvel ordre mondial !

Mais cela doit il se faire au détriment du droit international et en contradiction avec la déclaration concernant l’instauration d’un nouvel ordre économique international [26] ?

Avec la question de la Palestine qui secoue la communauté internationale depuis des décennies, force est de constater que l’on assiste à l’émergence d’un nouveau cadre de référence qui rend compte à la fois de la violence des rapports de force dans les relations politiques et de l’évolution des relations économiques dans le monde actuel.

Pourtant à regarder de près certaines des déclarations de l’Assemblée générale des Nations Unies, entre autres dans celle concernant le droit au développement [27] où il est admis que « la paix et la sécurité internationales sont des éléments essentiels pour la réalisation du droit au développement », rien ne devrait s’opposer au respect des droits fondamentaux et cela concerne aussi bien les peuples palestinien qu’israélien. Sans paix et sans sécurité, point de développement !

Dans le cas de la Palestine, le développement est pensé et organisé de manière unilatérale. Toute tentative du peuple palestinien de développer son économie ou certains secteurs de celle-ci se solde par une destruction systématique de ces secteurs et même des infrastructures.

Et pourtant dans la Déclaration concernant le droit au développement, il est précisé que l’Assemblée générale « consciente que les efforts déployés au niveau international pour promouvoir et protéger les droits de l’homme devraient s’accompagner d’efforts tendant à instaurer un nouvel ordre économique international, ce qui signifie que cette déclaration du droit au développement doit être lue dans le contexte de la Déclaration concernant l’instauration d’un nouvel ordre économique international [28] ».

Si tel était le cas, les citoyens pourraient constater que le nouvel ordre économique international – qui réoriente les relations en vu d’un nouvel ordre du monde- est fondé sur « l’égalité souveraine des Etats et sur l’autodétermination de tous les peuples [29] où il est inadmissible que des territoires soient acquis par la force, où il est, à la fois, impossible de remettre en cause l’intégrité territoriale et de s’ingérer dans les affaires intérieures d’autres Etats ».

Sans parler du droit pour chaque pays d’adopter le système économique et social qu’il juge le mieux adapté [30], mais aussi du droit à la souveraineté permanente intégrale de chaque Etat sur ses ressources naturelles et sur toutes les activités économiques [31]. Malheureusement, ce n’est pas le cas ! Trop de pays, et particulièrement la Palestine, sont victimes des « derniers vestiges de la domination étrangère et coloniale, l’occupation étrangère, la discrimination raciale (…) qui sont parmi les plus grands obstacles à la pleine émancipation et à l’avancement des pays en développement et de tous les peuples en cause [32] ».

Les obstacles identifiés dans la Déclaration renvoient à la perception –même inconsciente- qu’ont certains peuples sur d’autres. Nous ne sommes jamais loin des droits humains ! Ils sont même sans cesse convoqués et surtout lorsqu’il s’agit d’un nouvel ordre économique international.

La mise en relation entre droits de l’homme et nouvel ordre économique ne devrait pas être antagonique mais être une relation d’équivalence et surtout de complémentarité. Pourtant, aujourd’hui les droits de l’homme sont en position de faiblesse et remis en cause par ce qui est pensé et fait au nom de ce nouvel ordre économique. Il n’y a plus relation d’équivalence mais relation de soumission d’un droit fondamental à un droit économique qui doit devenir premier. Voilà un des tournants qui marque la perte de sens sur le plan international de la lutte pour les droits humains.

Le couperet de la globalisation libérale met en danger les droits économiques sociaux et culturels d’une grande partie des habitants de la planète.

Ainsi, si les droits fondamentaux sont refusés aux Palestiniens, certains de ces droits fondamentaux sont aussi remis en cause pour la société israélienne qui paye, elle aussi, le prix de l’occupation.

Les droits des occupés sont réduits pratiquement à néant, ceux des occupants se trouvent réduits ou en tout cas sérieusement menacés.

Dès lors, le bien commun de l’humanité que sont les droits fondamentaux sont fortement mis en péril.

Que faire lorsque pour des raisons dites d’Etat, les droits fondamentaux sont niés et que les Etats membres des Nations Unies qui se sont engagés à assurer en coopération avec l’organisation des Nations Unies, le respect universel et effectif des droits de l’Homme et des libertés fondamentales se taisent?

Vers quel organe se tourner pour obtenir que ces droits soient respectés?
Que faire lorsque l’ONU n’arrive plus à demander des comptes sur ce qui est son objet propre?

Pourquoi l’ONU ne peut elle faire entendre sa voix en ce qui concerne l’application des normes internationales contraignantes et le respect des normes incitatives?

On a remplacé insidieusement les droits fondamentaux par une logique de marché défendue par les bailleurs de fonds les plus importants. Petit à petit ce glissement s’est opéré. Il fait courir le risque à un très grand nombre d’êtres humains d’être exclus de tous droits et dépourvus de tout recours collectif ou individuel.

En effet, dans le cadre de l’Organisation mondiale du Commerce [33], les instruments internationaux de l’ONU ne font pas référence ; l’OMC défend des valeurs liées à la recherche du profit et non au développement des droits des citoyens.

L’Organe de Règlement des Différends – organisme de l’OMC qui seul dispose d’une structure qui à la fois juge et sanctionne – travaille hors du cadre de l’ONU et sans aucune référence à un quelconque de ses textes. Il se défend même d’avoir des relations avec l’Organisation des Nations Unies. Au regard de cela, la crise, dans laquelle se trouve l’application et le respect des droits humains trouve ses origines dans les possibilités énormes laissées à l’Organisation mondiale du Commerce.

Dès lors, il semble important de partir des objectifs assignés aux institutions internationales et de cesser d’accepter les décisions prises au détriment du droit des peuples et du droit des personnes.

Il faut que la Déclaration universelle des droits de l’Homme et la Charte des Nations Unies qui sont des références deviennent le cadre d’un programme d’orientations qui ne pourra être assuré que par la transparence du fonctionnement, par la limitation des missions assignées aux différents organes internationaux et par la mise en place d’instances d’évaluation internes mais également et surtout d’instances externes. Il est aussi important que le mouvement social dénonce, de manière systématique, les violations du droit si nous voulons imposer les droits fondamentaux.

Le droit ne sera défendu et garanti que par les peuples et non par des transnationales ou des Etats dépendants de celles-ci et qui veulent imposer des traités bilatéraux en contradiction avec les normes impératives du droit international. Le droit des peuples est de dénoncer les nombreuses distorsions qu’il y a entre leurs intérêts fondamentaux et ceux des Etats.

C’est là une force que nous devons développer et dont nous devons jouer.

Une des voies serait de mettre les Etats et les transnationales devant l’obligation de respecter les droits auxquels ils ne peuvent déroger.

Cela concerne, essentiellement, les droits qui se réfèrent à l’intérêt général et qui, de fait, ne peuvent entrer dans une commercialisation. Le jus cogens doit être opposé et imposé.

Par exemple, la Convention de Vienne sur le droit des traités permet de considérer nul « tout traité qui, au moment de sa conclusion, est en conflit avec une norme impérative du droit international général [34] ».

Evidemment, la Déclaration sur le droit au développement et celle concernant l’instauration d’un nouvel ordre économique international ne sont que des déclarations et à ce titre n’ont qu’un caractère incitatif ; en revanche, il en va tout autrement du Pacte international relatif aux droits sociaux, économiques et culturels, qui, par son article 25, convient que « la réalisation des droits reconnus dans ce Pacte comprend la conclusion de Conventions(…) », qui comportent un caractère contraignant.

Il est, donc, urgent d’identifier et de nommer les contradictions, venant aussi bien des Etats que des organisations des Nations Unies, qui semblent faire obstruction aux droits humains pour le plus grand bénéfice du nouvel ordre mondial. Il faut aussi préciser le vide juridique dans l’application des droits fondamentaux, dont les droits économiques, sociaux et culturels, afin que l’encadrement juridique soit identifié et que des mécanismes juridictionnels soient revendiqués et vraiment mis en place avec pour objectif d’assurer le contrôle du respect de ces droits par les citoyens eux-mêmes, qui en sont les premiers utilisateurs mais toujours les premières victimes.

Le citoyen doit exercer son droit à demander des comptes à l’Etat qui doit et peut être questionné sur les moyens mis en place et sur le résultat obtenu, lors d’une transposition ou du refus de transposition d’une norme dans le droit régional et/ou national.

Mireille Mendès-France
Membre de l’Association Droit-Solidarité / AIJD (Association Internationale des Juristes Démocrates)
Novembre 2004

Notes

[1] Résolution adoptée par l’Assemblée générale le 24 février 2000, 54/164 ; droits de l’homme et terrorisme[Back]

[2] Même résolution que celle de la note 1 « toute personne doit s’efforcer de faire reconnaître et respecter les droits de l’homme et les libertés fondamentales concrètement et universellement »[Back]

[3] 10 décembre 1969[Back]

[4] C'est-à-dire qu’il est fondé en droit, dans la mesure où les moyens et les buts sont respectés, de manifester une pleine solidarité au combat mené par le peuple palestinien dont la finalité est la libération nationale. Ce combat est de la même nature que celui des multiples mouvements de libération nationale dont l’objectif était la liquidation du colonialisme Robert Charvin, professeur agrégé des Facultés de droit, La Palestine et les résolutions des Nations Unies, Paris- Bobigny, novembre 2001[Back]

[5] Résolution de l’Assemblée générale du 10 décembre 1969[Back]

[6] Dont les plus importantes sont les Résolutions 181(1947) ; 194(1948) ; 242(1967) ; 338(1973) ; 1425(1978) ; 1073(1996) ; 1322(2000) ; 1397(2002) ; 1515(2003)….[Back]

[7] Toutes les résolutions prises dans le cadre du chapitre 6 n’ont aucune valeur contraignante alors que celles du chapitre 7 le sont.[Back]

[8] Alinéa 2, article 1 des Pactes internationaux de 1966[Back]

[9] Signé par l’Etat d’Israël le 3 octobre 1991[Back]

[10] Article 1-2 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.[Back]

[11] Alinéa 3, article 1 des Pactes internationaux de 1966[Back]

[12] Année 2002, consommation quotidienne : 70 litres par Palestinien, 350 litres par Israélien[Back]

[13] Informations disponibles dans le rapport remis par Jean Ziegler, rapporteur spécial de l’ONU, sur le droit à l’alimentation, mission 2003 dans les Territoires palestiniens occupés[Back]

[14] Schedule XLII Israel, part 1, section I- agricultural products[Back]

[15] RES/58/229 Souveraineté permanente du peuple palestinien dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et de la population arabe dans le Golan syrien occupé sur leurs ressources naturelles, point 103 de l’ordre du jour[Back]

[16] RES/58/229, ibidem[Back]

[17] Organe de surveillance de la mise en place du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels[Back]

[18] Créé en mai 1986[Back]

[19] Article 12-d des DESC[Back]

[20] Article 12-2 des DESC[Back]

[21] Tout comme cela est affirmé dans la Convention des droits de l’enfant –articles 28 et 29-[Back]

[22] Article 13-2-a et 13-2-b des DESC[Back]

[23] Article 13 e des DESC[Back]

[24] Article 11 des DESC[Back]

[25] « Tous les hommes naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir envers les autres dans un esprit de fraternité ».[Back]

[26] Déclaration 3201 (S-VI) de l ‘Assemblée générale, adoptée le 1er mai 1974[Back]

[27] 41/128 du 4 décembre 1986[Back]

[28] Se reporter note 23[Back]

[29] Alinéa a, article 4, Déclaration concernant l’instauration d’un nouvel ordre économique international[Back]

[30] Alinéa d, article 4, ibidem[Back]

[31] Alinéa e, article 4, ibidem[Back]

[32] Article 1 de la Déclaration concernant l’instauration d’un nouvel ordre économique international[Back]

[33] Dont l’Etat d’Israël est membre depuis le 21 avril 1995[Back]

[34] Article 53, section 2, - 23 mai 1969-[Back]


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